EMISSION DU 01/02 - par bourse news Logement social : La profession joue son va-tout

"Notre secteur a déjà une roue dans la boue et je ne sais pas si nous serrons tous ici dans un an", résume un professionnel de l'immobilier lors des rencontres ICH (Institut d'Etudes Economique et Juridiques Appliquées à la Construction et à l'Habitation) sur l'actualité du secteur immobilier, tenues cette semaine à Casablanca. Après une année 2018 moribonde, les professionnels espèrent remonter la pente cette année, surtout dans le social qui constitue actuellement le gros du marché. L'échéance 2020 approche. Et le travail de lobbying s'accélère avant le grand rendez-vous des Assises de la fiscalité prévu en 2019 pour dépoussiérer le système fiscal national. 

 

"Il faut arrêter de justifier le potentiel du logement social par le déficit de logement. Ce déficit a toujours existé et existera toujours"

 

L'aveu d'échec 

Même la tutelle l'avoue : la politique publique pour dynamiser l'habitat n'a pas atteint les objectifs escomptés. Le professeur Abdellah Lehzam, économiste-urbaniste, rappelle l'aveu d'échec du Conseil national de l'habitat : "les programmes de logements sociaux, initiés ces dernières années, n'ont eu que très peu d'impact sur la satisfaction des besoins des clients". Lehzam renchérit : "Il faut arrêter de justifier le potentiel du logement social par le déficit de logement. Ce déficit a toujours existé et existera toujours". 

Il faut dire que chaque année, 47.000 ménages ne trouvent pas un habitat en rapport avec leurs revenus et alimentent la partie dite non réglementaire du déficit de logement, en d'autres termes l'habitat insalubre. Ceci se traduit par un nombre croissant de bidonvillois depuis 2004, contrairement à ce que laisse croire la communication officielle. Leur nombre est passé de 270.000 ménages en 2004 à 391.497 en 2017. Autant de demandes potentielles pour le logement social en théorie. Pourtant, le stock des promoteurs ne fait qu'enfler année après année. 

 

"Le nombre de bidonvillois  est passé de 270.000 ménages en 2004 à 391.497 en 2017"

 

Ce déphasage entre une demande croissante et des stocks qui augmentent, les professionnels lucides l'expliquent par des manquements au niveau des promoteurs : absence d'études de marché, des projets surdimensionnés, une marchandisation de l'immobilier et une production de masse qui se répercutent négativement sur la qualité, sans pour autant voir les prix revenir à des niveaux acceptables par la demande. 

 

Loi de Finances 2021 : C'est maintenant que ça se joue !

Les promoteurs immobiliers, leurs créanciers et leurs actionnaires ont tous les yeux rivés sur l'après-2020 et la fin des incitations fiscales sur le logement social. 

Trois hypothèses sont avancées : la Loi de Finances 2021 reconduit dans l'état les incitations sociales, les ajuste ou les supprime. Dans les deux derniers cas, l'on ne sait pas comment va s'adapter l'offre. Mais, de l'avis Lehzam, les discussions préliminaires autour de ce point abondent vers le sens des aides à la personne. Les Assises de la fiscalité, prévues en 2019, seront l'occasion de trancher. La tutelle aura sans doute le souci d'éviter un atterrissage brutal. Concrètement, il s'agira d'aider directement les bénéficiaires sans passer par les promoteurs. 

Rappelons que la Loi de Finances 2019 offre une rallonge, dans le cadre des logements sociaux, de la validité des conventions déjà signées et pas encore engagées par les promoteurs. Ce prolongement d'une année prend fin le 31 décembre 2019 et permettra donc aux programmes en retard de bénéficier encore d'une année de convention. 

Parallèlement, les logements sociaux dans le rural bénéficieront à partir de cette année d'une convention-cadre pour les programmes de 100 logements ou plus. Pour Abdellah Lehzam, cette mesure est inapplicable, le terme "rural" étant vaste et indéfini, surtout après la disparition de la notion de commune rurale.