(Boursenews.ma) - CMT, cotée en bourse, a connu un passé parfois trouble. Gestion douteuse, communication opaque, et intérêts des actionnaires minoritaires souvent négligés, la compagnie n'était pas un modèle de transparence dans la décennie suivant son introduction en bourse en 2008. Un renouveau était attendu avec son acquisition par AMG en 2020. La gouvernance a été revue, des dirigeants ont été remplacés, et un processus d'assainissement a débuté. L'action côtoyait ses sommets historiques en Bourse au début de l'été 2022.
Trois ans ont été nécessaires pour restaurer la confiance et permettre aux investisseurs d'apprécier la véritable valeur de l'entreprise : des marges parmi les meilleures du secteur, un rendement de dividende inégalé et, récemment, un plan de développement ambitieux. C'est à ce moment que les problèmes ont émergé.
L'Office des Changes réclame à CMT une amende de 376 MDH pour des infractions au régime de change remontant à l'époque des anciens dirigeants. Ce litige entrave les investissements prévus par l'entreprise à l'étranger, car l'Office ne peut pas examiner un dossier d'investissement international pendant un litige.
Cette année, la société a créé Touissit International Corporation, une filiale détenue à 100%. Cette entité devait initier une prise de participation progressive dans des actifs miniers aurifères majeurs en République Démocratique du Congo. La première étape, une participation de 9,2% dans les actifs ciblés avec une option d'extension à 49%, est actuellement bloquée.
En septembre, la direction nous expliquait que cette filiale capable de produire 100'000 oz d’or par an et les projets au Maroc permettraient de franchir un nouveau palier en termes d'activité et de marges. Car en plus de ses ambitions internationales, CMT au Maroc souhaite mener à bien l'entrée en production du nouveau puits à Tighza d'ici 2024, ainsi que la réalisation du projet cuprifère dans la province d’Azilal. Le projet Tighza, qui a déjà mobilisé 300 MDH, devrait générer un chiffre d'affaires additionnel de 30 à 50%.
Nouvelles contraintes
La saisie conservatoire pratiquée à la demande de la Douane entraîne de nouvelles contraintes. Outre l'atteinte à la réputation, le financement de la société est également remis en question. Des opérateurs de marché consultés expriment leur inquiétude : CMT, habituée à se financer par dette privée, pourrait avoir des difficultés à lever des fonds et à financer sa croissance, tant localement qu'à l'international, tant que cette affaire n'est pas résolue. Chez CMT, même si on se veut confiant dans la réglementation marocaine on confirme qu’il existe une certaine nervosité dans l’écosystème. La compagnie, qui approche de son centenaire, emploie directement et indirectement 800 personnes et soutient un réseaux de plus de 100 fournisseurs locaux.
Et maintenant ?
Dans sa communication financière du troisième trimestre, le groupe a indiqué être « convaincu de la justesse de sa position et avoir pleine confiance dans le système judiciaire pour évaluer équitablement les faits ». La justice aura à examiner la réalité des infractions invoquées par l’office des changes. Il est probable que la justice entende les anciens dirigeants et actionnaires, responsables à l'époque des faits. La direction n'a ni confirmé ni infirmé cette hypothèse. En attendant, CMT a entamé des négociations avec les autorités pour un règlement à l'amiable.
Croissance robuste et réserves revalorisées
La croissance est tangible cette année. Le chiffre d'affaires a augmenté de 13% à fin septembre, et les réserves de la mine, récemment revalorisées, indiquent un potentiel de croissance significatif au Maroc. Cependant, les gisements deviennent plus profonds et l'extraction plus coûteuse. Le groupe aura besoin de ressources financières pour poursuivre ses opérations.
Le communiqué financier montre cela dit des tensions naissantes sur la trésorerie au T3. Depuis le début de cette affaire, les financements à moyen et long terme sont plus difficiles à obtenir, et la société se tourne vers des dettes à court terme. « L'augmentation du besoin en fonds de roulement, consécutive au développement des activités, s'est traduite par une hausse de l'endettement à court terme, tandis que la distribution du dividende au titre de l'année 2022 a généré une baisse du niveau de trésorerie à fin septembre 2023 », explique la direction.