Les dirigeants de l'Union européenne (UE) signent mardi avec le Japon un accord de libre-échange présenté comme "historique", qui se veut aussi être un signal face au protectionnisme de Donald Trump.
Avant de se rendre au Japon mardi, le président du Conseil européen Donald Tusk et le chef de la Commission Jean-Claude Juncker ont fait une halte lundi en Chine, à l'occasion du 20e sommet UE-Chine, dans la même optique de resserrer les rangs face au président américain.
"Le multilatéralisme est sous attaque, c'est une attaque sans précédent depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale", a lancé M. Juncker lors d'un entretien avec le président chinois Xi Jinping. "Il est encore temps d'éviter le conflit et le chaos", a de son côté déclaré M. Tusk.
"A un moment où les mesures protectionnistes gagnent du terrain à travers le monde, la signature aujourd'hui de l'accord UE-Japon montrera au monde une fois de plus notre volonté politique inébranlable de promouvoir le libre échange", a pour sa part déclaré mardi le ministre japonais de la Revitalisation économique, Toshimitsu Motegi.
La rencontre de Tokyo était initialement prévue la semaine dernière à Bruxelles mais le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a été contraint d'annuler son voyage en raison d'inondations dans l'ouest du pays, qui ont tué plus de 220 habitants.
L'accord avec le Japon, dont la signature consacre des discussions ouvertes en 2013, est "historique" et constitue "le plus important jamais négocié par l'Union européenne", selon le porte-parole de la Commission européenne Margaritis Schinas.
- Fromages et automobiles -
Ce pacte baptisé Jefta (Japan-UE free trade agreeement) porte sur une zone de libre-échange couvrant près d'un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial. Il doit être soumis au Parlement européen en vue d'une entrée en vigueur en 2019, si le Parlement japonais le vote lui aussi rapidement.
Côté européen, le secteur agroalimentaire sort grand vainqueur des discussions. Au final, 85% des produits agroalimentaires de l'UE pourront entrer au Japon sans droits de douane, mais parfois à l'issue de périodes de transition. D'autres, comme le boeuf, verront les taxes imposées progressivement réduites. Le riz est exclu de l'accord.
Les Japonais s'engagent à reconnaître plus de 200 indications géographiques comme le Roquefort, le Tiroler Speck autrichien, le Jambon d'Ardenne belge ou la Polska Wódka (vodka polonaise), qui bénéficieront "du même niveau de protection qu'en Europe".
Les négociations ont été particulièrement complexes sur les produits laitiers, secteur sensible pour Tokyo. L'accord éliminera les droits de douanes très élevés sur plusieurs fromages, mais la période de transition pourra atteindre 15 ans.
Les Japonais obtiennent de leur côté un libre accès au marché européen pour leur industrie automobile, mais seulement à l'issue d'une période transitoire de plusieurs années.
Cet accord comprendra aussi un chapitre sur le développement durable.
- "Signal fort" -
La protection des investissements est le principal point d'achoppement des discussions et n'est pas comprise dans l'accord signé mardi. La plupart des ententes commerciales du monde laissent la possibilité à une entreprise qui s'estime lésée par la politique d'un Etat après y avoir investi de l'attaquer pour obtenir réparation. Ces différends sont généralement tranchés via un système d'arbitrage dont les Européens ne veulent plus entendre parler.
Du fait de l'absence de cette partie sur la protection des investissements, l'accord ne nécessite pas de passer par les Parlements nationaux, précisent des sources européennes.
Le Jefta a récemment été salué comme un "signal fort" contre le protectionnisme américain par la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, au moment où les Etats-Unis prennent un virage résolument protectionniste en imposant des taxes douanières à leurs alliés.
De telles tensions commerciales pourraient compromettre à brève échéance la croissance économique de la planète, a prévenu lundi le Fonds monétaire international (FMI).
Junichi Sugawara, chercheur au Mizuho Research Institute, souligne que l'attitude de Donald Trump a "poussé le Japon et l'Union européenne à accélérer les négociations". Le Premier ministre japonais Shinzo Abe "a de bonnes relations avec Trump mais, concernant le commerce, le Japon s'est placé du côté de l'UE".
AFP.