EMISSION DU 19/10 - par bourse news La baisse des taux déstabilise la gestion Actif/passif des institutionnels

Tout en cherchant à relancer la croissance, la politique monétaire "accommodante" de Bank Al-Maghrib induit indirectement une redirection du cash vers les actifs risqués : Immobilier, actions et obligations long terme sont des thématiques de plus en plus recherchées par les investisseurs, au détriment des actifs sans risque de type produits monétaires. Cette aversion au risque profite à l'épargne investie en Bourse... pour l'instant. 

L'impact de la baisse du taux directeur sur les allocations d'actifs est loin d'être dissipé. Au contraire, la tendance s'accélère depuis le début du mois d'octobre, en témoigne un fort mouvement de rachat  dans les OPCVM monétaires la semaine dernière où l'actif net de cette catégorie de fonds a baissé de 4%. Un mouvement rapide qui succède à celui de la première semaine du mois d'octobre où les actifs sous gestion par ces fonds se sont effrités de 3%. En face, les OPCVM actions, obligataires moyen long terme et les OPCVM diversifiés profitent de l'arrivée d'argent frais avec des progressions de l'actif net allant jusqu'à 9% pour les fonds actions. Il faut dire que les actifs sans risques offrent des rendements faibles, ce qui déstabilise la gestion actif/passif des donneurs d'ordres, obligés de prendre plus de risques pour se rémunérer. Une étude récente d'Attijari Intermédiation montre d'ailleurs que les investisseurs ont plus d'appétit pour le risque et quoi de mieux que les actions pour accroître le rendement.


Ce cash redonne le sourire aux boursicoteurs : Le Masi gagne quasiment 16% à la date du 18 octobre et près de 20 sociétés cotées gagnent plus de 20% depuis le début de l'année. Certaines, comme Alliances et Total Maroc, progressent respectivement de 128% et 93%. Addoha gagne 62% sur la même période. Med Paper, tiraillée par le dumping, réussit également à profiter de l'embellie et progresse de 49,5%. C'est la quatrième plus forte hausse de l'année. Bref, il y en a pour toutes les tailles et pour tout type de clientèle d'actionnaires : Même les institutionnels ont vu leurs revenus des placements exploser sur les 6 premiers mois de l'année.


Jouahri aux manettes 


Bien sûr, l'objectif de la Banque centrale n'a jamais été de soutenir le marché actions. Les taux bas servent plutôt à relancer le crédit, surtout celui à l'équipement. Pari plutôt réussi puisque depuis la fin de l'été 2016, cette catégorie de crédits augmente, témoignant de la reprise de l'investissement chez les entreprises. Or, cet équilibre est fragile car en face, la marge d'intérêt des banques commerciales s'effrite sur le marché local. Les trois plus grandes banques marocaines compensent par leurs revenus à l'international et par l'activité de marché qui profite des taux bas, mais les autres, à dimensions plus modestes, subissent de plein fouet cette baisse des marges, semestre après semestre. C'est vraisemblablement l'heure de gloire des banques d'affaires et d'investissement. La question que l'on peut se poser désormais est de savoir si la Banque centrale va maintenir sa politique de taux bas, voire l'accentuer ou au contraire l'arrêter. Car, disons-le, en dehors du maintien de l'inflation autour de 2%, Bank Al-Maghrib n'a jamais lié sa nouvelle politique à un indicateur macroéconomique précis. Ceci lui laisse la latitude de conduire sa stratégie sans pressions et rend impossible l'exercice de prévision. Preuve en est nos confrères qui se prêtent à l'exercice, se trompent une fois sur deux, sauf peut-être lors des périodes où la visibilité est accrue.


Cet équilibre précaire est une réalité. Cette semaine, une étude de la Banque centrale européenne (BCE) montre que dans un échantillon de 141 banques de la zone Euro, une majorité veut réduire la cadence des crédits car elles “vendent” à perte à cause de la baisse des taux (taux réels négatifs pour les dépôts). Les économistes se demandent désormais si la BCE va lever le pied sous la pression de ses poulains. Au Maroc, le manque de profondeur du marché pourrait pousser à des tensions entre banques commerciales et Bank Al-Maghrib plus vite qu'en Europe. Mais là aussi, prévoir est un exercice difficile.


Le débat est lancé et en attendant, les boursicoteurs doivent remercier Abdellatif Jouahri, car l'année s'annonce bonne et les relevés des comptes titres redonnent le sourire à certains. Un sourire perdu depuis bientôt 8 ans.