Alexei Kireyev avec Christine Lagarde, Directrice générale du FMI.
Une intégration plus poussée au sein du Maghreb pourrait amortir l’impact éventuel de la montée des tensions commerciales au niveau mondial, affirme le Fonds Monétaire International (FMI) qui vient de publier une étude à ce sujet.
Intitulée "L’intégration économique du Maghreb : Une source de croissance inexploitée", l’étude soutient que si le protectionnisme devait s’intensifier sur les marchés traditionnels, les pays du Maghreb pourraient partiellement en compenser les effets négatifs sur leurs exportations et leur croissance en augmentant leurs échanges intra-régionaux, ce qui leur permettrait de préserver les bienfaits, pour leurs économies, de la récente reprise économique mondiale.
Réalisé par une équipe des services du FMI dirigée par Alexei Kireyev (photo), le document examine ainsi la source de croissance inexploitée que constitue l’intégration économique des pays du Maghreb et le rôle qu’elle pourrait jouer à ce titre. Il démontre qu’une plus grande intégration économique régionale et mondiale créerait une dynamique favorable pour atteindre une plus forte croissance durable.
Une plus grande ouverture aux échanges et aux investissements intra-régionaux élargirait l’accès à des biens et services moins coûteux, stimulerait la concurrence, favoriserait l’innovation et la diversification, améliorerait la transparence, réduirait les rentes et, à terme, ferait progresser la productivité et la croissance dans tous les pays, souligne le rapport.
Cette intégration régionale pourrait constituer un instrument puissant, complétant les politiques intérieures, pour accroître le potentiel de croissance du Maghreb, créer des emplois et réduire la pauvreté, ajoute-t-on.
En analysant la situation actuelle, l’équipe du FMI constate que si certains pays du Maghreb ont accompli des progrès substantiels sur le front des échanges, la région dans son ensemble reste l’une des moins intégrées du monde. Les échanges intra-régionaux représentent ainsi moins de 5 % du total des échanges des pays qui la composent, soit un pourcentage nettement inférieur à celui observé dans tous les autres blocs commerciaux régionaux du monde, fait-on observer.
Des considérations géopolitiques et des politiques économiques restrictives ont empêché l’intégration régionale, rappelle l’étude, ajoutant que les politiques économiques, guidées par des considérations nationales prêtant peu d’attention à la région, ne sont pas coordonnées et les restrictions aux échanges et aux mouvements de capitaux restent importantes et freinent l’intégration régionale pour le secteur privé.
"Une plus grande intégration entre les pays du Maghreb se justifie sur le plan économique", soulignent les experts du FMI, notant que l’intégration créerait un marché régional de près de 100 millions de personnes disposant chacune d’un revenu moyen d’environ 4.000 dollars en termes nominaux et d’environ 12.000 dollars en parité de pouvoir d’achat. Cela rendrait la région plus attrayante pour l’investissement direct étranger, réduirait les coûts des échanges intra-régionaux et des mouvements de capitaux et de main-d’oeuvre, et améliorerait l’efficience de la répartition des ressources. Cela renforcerait aussi la résilience du Maghreb face aux chocs exogènes et à la volatilité des marchés.
Faisant état des estimations qui suggèrent que l’intégration régionale pourrait, à long terme, contribuer à augmenter la croissance d’un point de pourcentage en moyenne dans chacun des pays du Maghreb, le document relève que l’évolution économique reste certes principalement tributaire de politiques nationales vigoureuses, mais l’intégration pourrait entraîner un doublement des échanges intra-régionaux qui soutiendrait la croissance et augmenterait l’emploi.
Une plus grande intégration fera sans doute des gagnants et des perdants dans chaque pays. La politique publique devra s’efforcer de remédier aux éventuelles perturbations, font remarquer les experts du FMI.
Pour intégrer leurs économies, l’étude recommande aux pays du Maghreb de réduire les obstacles aux échanges et à l’investissement et relier leurs réseaux d’infrastructure. Ils devraient axer leurs efforts sur la libéralisation des échanges de biens et de services et celle des marchés financiers et des marchés du travail.
La levée progressive des obstacles aux échanges intra-régionaux, la construction d’infrastructures régionales et l’amélioration du climat des affaires stimuleraient les échanges au sein du Maghreb et permettraient d’intégrer davantage les chaînes de valeur mondiales, ajoute la même source, soulignant que cette plus grande intégration régionale devrait accompagner l’intégration mondiale des pays du Maghreb.
Pour accélérer la transition de la coopération à l’intégration, les experts du FMI proposent aux gouvernements du Maghreb de fixer des objectifs d’action "communs" couverts en anglais par l’acronyme "JOINT" (Jobs, Openness, Inclusion, Negotiations, Trade).
Ceux-ci s’articulent autour de la création d’emplois grâce à une plus forte croissance; l’ouverture du modèle économique de chaque pays; une croissance inclusive bpermettant de répartir plus largement les bienfaits de la croissance; la négociation d’un nouvel accord d’intégration régionale et une forte intensification des échanges régionaux pour atteindre ces objectifs.
MAP.