Les travaux sont déjà entamés à travers la mise à jour des hypothèses adoptées lors du dernier PLF 2020. Les nouvelles prévisions tiendront compte de l'impact de la crise sur le déficit budgétaire, sur la balance des paiements et sur l'endettement.
“L'élaboration d’une loi de finances rectificative, durant cette période de crise sanitaire du nouveau coronavirus (covid-19), est un acte courageux alors qu’on est en terrain inconnu où la seule certitude est l'incertitude”, a souligné l'économiste et professeure universitaire, Nezha Lahrichi.
"L'objectif de la LFR est l’adhésion de toutes les forces vives du pays au plan de relance qui va faire l’objet d’arbitrages difficiles. Nous constatons la volonté d’un travail collectif aussi bien du gouvernement que du parlement qui ont annoncé la consultation des partis politiques, des syndicats et des acteurs économiques", a-t-elle expliqué à l’agence MAP.
Et d’appuyer: "La responsabilité est collective et impossible à déléguer. Chaque acteur a ses contraintes".
Recours incontournable à l'endettement
Lahrichi, première femme Docteur en sciences économiques au Maroc et ex-conseillère de trois premiers ministres, a fait remarquer que l'Etat est sur tous les fronts, puisqu'il doit faire face à l’urgence sociale et au choc sur la croissance économique, continuer d’investir et poursuivre les réformes, ce qui implique des suppléments de dépenses.
Elle a, à cet effet, estimé que le recours à l’endettement est "incontournable", notant qu'actuellement les taux d’intérêts sont très bas pour de très longues échéances, ce qui est avantageux pour assurer le financement des investissements publics.
D'ailleurs, a soutenu Lahrichi, "le débat sur la dette extérieure devrait s’articuler autour du coût de la dette et non son montant et il ne faut pas analyser cette question avec la grille de lecture préexistante qui remonte au Programme d'ajustement structurel (PAS)".
Et d'ajouter: "Généralement, la singularité de cette crise impose de sortir de notre modèle mental. Il n’est pas souhaitable de déléguer les prises de décisions aux chiffres".
"En définitive, l'exercice est difficile car il s’agit de répondre à une situation inattendue et partout dans le monde il y a la crainte du chômage et le risque de la colère. Le plan de relance est appelé à transgresser les modèles prescriptifs d’avant covid-19", a-t-elle conclu.
Comment financer le déficit budgétaire 2021?
Pour Tarik El Malki, Docteur en Economie, Professeur universitaire et Directeur de l’ISCAE Rabat, “Cette loi de finances rectificative (LFR) doit se fixer des objectifs réalistes et réalisables en termes de prévision de croissance en prenant en considération les nouvelles hypothèses internes et externes. Il devra s’agir d’un budget de relance, volontariste et non d’austérité”.
Il précise que cette LFR doit proposer des mesures économiques et sociales fortes et volontaristes. A titre d’exemple, il convient de proposer des mesures fiscales de soutien à la compétitivité des TPE et PME à travers la mise en place d’un crédit d’impôt recherche.
T. El Malki ajoute que la dotation du Fonds spécial doit être substantiellement augmentée afin de continuer à verser des aides directes aux ménages les plus fragiles. Il conviendra également d’inscrire dans ce projet et les LF des prochaines années une réforme de l’IR, de la TVA, etc. Ces mesures fiscales devant s’inscrire dans le cadre plus global d’une vaste réforme fiscale.
Et de développer “ce budget rectificatif doit être vu comme un budget test afin d’atténuer les impacts négatifs à court terme de cette crise sur notre économie, mais surtout de préparer les conditions de la relance qui devra se poursuivre en 2021”.
Pour ce qui est du déficit budgétaire, El Malki explique qu’il est désormais acquis que le niveau de déficit pour 2020 sera important (de l’ordre de 6-7% du PIB). Cela est normal au vu du contexte exceptionnel que nous vivons. S’agissant de 2021, il faudra penser à "programmer" le déficit à un niveau qui soit soutenable pour permettre de se donner les moyens de la relance dans un contexte de tarissement des recettes fiscales.
Ce déficit pourra être financé dans un premier temps à travers l’augmentation de l'endettement (dette intérieure de préférence). Pourquoi ne pas penser à un vaste emprunt national, comme c'était le cas après la crise de 2008 dans certains pays européens? Ce déficit sera amené à être réduit de manière progressive à mesure de l’augmentation des recettes fiscales dans un contexte de reprise de l’activité économique.
Mettre à côté la doxa libérale
L'autre dossier chaud sur lequel d’attèle le gouvernement est le tant attendu plan de relance économique. Pour le ministre, l’objectif étant de faire du plan de relance économique un pacte de redynamisation de l'économie et de l'emploi, basé sur une ambition commune et partagée entre les différentes parties concernées (Etat, entreprises, secteur bancaire et partenaires sociaux...).
En cela, le ministère prône une approche globale et intégrée à travers l'implication des différents acteurs. Ce schéma de relance se base en effet sur "des mécanismes transversaux qui prennent en compte les spécificités de chaque secteur selon des stratégies bien définies", avait noté le ministre de l'Économie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, Mohamed Benchaâboun, devant les parlementaires.
Ce plan constituera ainsi un levier important pour accompagner la reprise progressive des différents secteurs de l'économie en standby. Car, entre les effets pervers de la crise sanitaire et ceux de la sécheresse, l’activité économique est actuellement dans un état comateux.
Verbatim : Tarik El Malki, Docteur en Economie, Professeur universitaire et Directeur de l’ISCAE Rabat