Le chevauchement de plusieurs évènements macroéconomiques et géopolitiques a créé une atmosphère lourde et un climat anxiogène à la Bourse de Casablanca. Bilan du premier semestre.
Le semestre n’a pas été de tout repos à la Bourse de Casablanca. Le chevauchement de plusieurs évènements macroéconomiques et géopolitiques a créé une atmosphère lourde et un climat anxiogène dans lequel les investisseurs ont rapidement déchanté. Entre la guerre en Ukraine, la sècheresse, les tensions sur les taux et l’inflation qui prend une ampleur sans précédent, les opérateurs en actions ont perdu les repères. Leurs convictions changeaient à mesure que ces paramètres évoluaient.
Bien évidemment, le discours dominant sur les salles de marché depuis février était recentré autour de l’inflation et ses conséquences sur l’activité des entreprises cotées et sur leurs marges. Les investisseurs ont dû également intégrer ces derniers mois la remontée rapide des taux et le ralentissement économique à venir et ses effets délétères sur les perspectives bénéficiaires des entreprises.
En effet, la hausse des taux a été marquée au premier semestre sur les marchés primaire et secondaire. Les fonds obligataires et diversifiés ont opéré d’importantes sorties de flux pour honorer les rachats de leurs clients, soucieux des rendements. L’impact a donc été immédiat sur les actions avec des dégagements sur les grandes capitalisations principalement les dossiers bancaires, cimentiers ou encore Maroc Telecom. Notons à titre d’exemple que les OPCVM OMLT ont affiché une décollecte nette de près de 28 milliards de DH à fin mai, selon les chiffres de l’Association des sociétés de gestion et fonds d'investissement marocains «ASFIM».
Du côté de la politique monétaire, la Banque centrale a balayé à deux reprises l’hypothèse d’un resserrement, imprimant son style de «colombe». Elle a rassuré quant au caractère transitoire de l’inflation qui a pourtant touché des pics récemment tout en soutenant la croissance par le maintien du taux directeur inchangé.
N’oublions pas que la politique monétaire, c'est avant tout la stabilité des prix. Et seule la Banque centrale est capable d'assurer cette stabilité à long terme.
Dans ce contexte, le 1er semestre se devait de finir sur une note négative. Le Masi a donc abandonné plus de 10% pour revenir sur des niveaux de l’été 2021. Entre le début de la guerre russo-ukrainienne et la fin du semestre, les tentatives de rebond ont accouché d’une souris alors que les phases de baisse ont été impulsives et violentes. La hausse du mois d’avril (+2,49%) est à mettre sur le compte de ce qu’on appelle en Bourse le «rebond du chat mort», dit autrement un rebond dans un marché baissier. Pour les analystes, cette forte baisse du premier semestre traduit un changement de perception des investisseurs envers l’évolution des réalisations des sociétés cotées en 2022 ainsi qu’à l’égard des pressions haussières sur la courbe des taux au Maroc.
Même après un premier semestre particulièrement mauvais, la Bourse peut donc encore plonger davantage. On a vu comment le Masi a flanché de 2,19% à la clôture de vendredi en l’espace de quelques minutes, faute de soutien. Les opérateurs devront donc composer avec les mêmes paramètres cités plus haut au second semestre avec en toile de fond la menace d’une inflation qui tendrait à s’aggraver.
Les semestriels en ligne de mire
Si le premier trimestre a été globalement positif avec un chiffre d’affaires agrégé en hausse de 14,8% soit quelque 71 milliards de DH (Vs. 62,2 Mds de DH au T1-2021), les premiers résultats d'entreprises à mi-exercice, attendus dans quelques semaines, permettront de préciser la toile de fond avec plus de détails sur le volet opérationnel et financier.
Sur la deuxième partie de l’année, les sociétés cotées devraient faire face à deux risques majeurs : primo, une pression plus forte sur les marges suite à l’écoulement des stocks constitués durant les derniers trimestres. Les sociétés dont le CA est généré principalement au Maroc, seraient les plus vulnérables. Et secundo, un affaiblissement de la demande locale qui devrait se faire sentir davantage à compter du mois de juin 2022. La consommation du ciment, principal baromètre de l’économie, conforte ce sentiment.
Deux tendances devraient également se dessiner à compter du S2, les sociétés exportatrices devraient bénéficier d’une nette amélioration de leur profitabilité alors que les opérateurs qui dépendent principalement de la demande locale s’efforceraient à défendre leur niveau de marge historique. Un délicat exercice.
Youssef Seddik