La baisse des rendements agricoles et le stress hydrique devraient, selon les évaluations globales de la Banque mondiale, se traduire par une baisse de 6,5% du PIB et entraîner l'exode de presque 2 millions de marocains d'ici 2050, a rappelé le Wali de BAM dans son discours d'ouverture. "Dans le cas du Maroc, la Banque mondiale estime les besoins d'investissement entre 2022 et 2050 à environ 78 milliards de dollars", a alerté le Wali qui a indiqué que le changement climatique affecte la croissance, l'emploi et l'inflation. Ce dernier paramètre étant l'indicateur principal de conduite de la politique monétaire, ce qui lie de manière directe l'action des banques centrales au dérèglement climatique.
"La question de la contribution des banques centrales à l’effort de lutte contre le changement climatique reste, en revanche sujet à débat. Doivent-elles ? Ont-elles la capacité et les moyens ? Les boites à outils dont elles disposent sont-elles adaptées à cet élargissement de leurs missions ? Quelles seraient les conséquences sur leurs missions traditionnelles ? Sur leur indépendance ?,…Le débat et la réflexion se poursuivent au sein des banques centrales et des instances internationales telles que le Conseil de Stabilité Financière ou encore le Réseau pour le Verdissement du Système Financier (NGFS) qui réunit plus d’une centaine de banques centrales et de superviseurs financiers", a indiqué le Wali.
Des financements colossaux
Abdellatif Jouahri a expliqué que le changement climatique et l’atténuation de ses impacts requièrent la mobilisation de financements colossaux dans un contexte marqué au niveau mondial par des taux d’endettement public et privé très élevés et un amenuisement des marges budgétaires. Dans le cas du Maroc, la Banque mondiale estime les besoins d’investissement entre 2022 et 2050 à environ 78 milliards de dollars.
L'engagement de Bank Al-Maghrib
La banque centrale s'est engagée depuis plusieurs années dans le cadre des efforts nationaux et mondiaux de lutte contre le changement climatique et ses conséquences. Pour rappel, en 2016, en marge de la COP22 organisée à Marrakech, la Banque a fédéré les régulateurs et les acteurs du secteur financier national autour d’une feuille de route dédiée à la finance durable.
Dans le même sens, la Banque se mobilise aux côtés du ministère des Finances et des autres régulateurs financiers pour l’élaboration d’une stratégie de financement de la lutte contre le changement climatique. Celle-ci devrait permettre d’évaluer le gap de financements verts et d’identifier les mesures et mécanismes à même de permettre au secteur financier national, ainsi qu’aux institutions financières étrangères, de massifier leurs contributions à la finance verte et climatique. Elle s’accompagnera de l’adoption d’une taxonomie financière verte nécessaire pour canaliser les flux financiers et prévenir le « green washing ».
Nouvelles directives
Sur le plan de la régulation bancaire, Bank Al-Maghrib a édicté en 2021 une directive sur la gestion des risques financiers liés au changement climatique et à l’environnement. Pour accompagner les banques dans son déploiement, elle a mené, avec l’appui de la Banque mondiale, une évaluation de l’exposition du secteur bancaire aux risques climatiques physiques et de transition ainsi qu’une analyse de scénarios de chocs climatiques.
Bank Al-Maghrib travaille actuellement sur de nouvelles directives réglementaires pour fournir aux banques des orientations sur les données à collecter et les indicateurs et métriques à mettre en place pour mesurer les risques climatiques émanant des grands emprunteurs et évaluer la part verte et durable de leurs portefeuilles. Elles visent également la transposition des normes internationales de transparence en matière de durabilité pour renforcer la discipline de marché au sein du secteur bancaire.
Sur le plan de la gestion de ses réserves de change, Bank Al-Maghrib intègre le principe de durabilité dans sa directive d’investissement et ce, en favorisant les placements à caractère durable et responsable. Dès 2016, à l’occasion de la COP22 à Marrakech, elle a effectué un investissement de 100 millions de dollars dans des obligations vertes émises par la Banque mondiale. Plus récemment en 2023, elle a réalisé un placement similaire d’un montant de 200 millions de dollars. Ses investissements dans des obligations vertes, sociales et durables représentent aujourd’hui 7% des réserves de change, l’objectif à terme étant d’atteindre une part de 10%.