Samedi 31 Mai 2025

Comment le private equity marocain compte doubler la taille des levées à horizon 2030

Analyse du Marché Boursier Marocain

L’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) a dévoilé, main dans la main avec Strategy&, l’étude « Private Equity, the New Transformative Path to 2030 », qui se veut la boussole du secteur pour les cinq prochaines années. Objectif affiché : porter les levées annuelles de fonds, d’un peu plus de 3 Mds DH en 2024, à 5-6 Mds DH à partir de 2030, soit le double du rythme actuel.

     Il y a dix ans, le capital-investissement marocain ressemblait encore à un marché de niche. Avec vingt sociétés de gestion, des tickets modestes et une présence institutionnelle timide, le secteur peinait à exister face à la dette bancaire omniprésente. Depuis, le paysage s’est métamorphosé : plus de quarante gérants opèrent désormais, les levées ont été multipliées par trois et les sorties par quatre. Surtout, le ratio « levées/PIB » est passé de 0,05 % à 0,2 % – un petit pas dans l’absolu, mais un grand bond pour une industrie naissante. Cette trajectoire ascendante coïncide avec la montée en puissance des PME exportatrices (+30 % entre 2016 et 2022) et l’agenda macro – Coupe du monde 2030, corridors logistiques, transition énergétique – qui promet un pipeline de projets sans précédent. « Le Maroc bénéficie d’un momentum unique », insiste Jonathan Le Henry, Partner chez Strategy&.

 

Le catalyseur du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement

Accueilli comme un « game changer », le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement (FM6I) agit déjà comme multiplicateur de capitaux. En injectant des ressources dans des compartiments ciblés (tickets < 100 M DH, infrastructures, transition verte), le FM6I devrait combler l’absence d’offres adaptées au segment intermédiaire des PME/ETI. Car, derrière les métriques positives, se cache toutefois un déséquilibre. Entre 2006-2011 et 2018-2024, la part des opérations minoritaires est passée de 59 % à… 94 % en valeur. Autrement dit, la majorité des deals confère aux fonds un rôle d’actionnaire passif, alors que les entreprises cibles attendent parfois un partenaire opérationnel et stratégique.

Autre épine : le trou noir des tickets de 20-100 M DH, laissé pour compte entre le seed capital (< 10 M DH) et les tickets supérieurs (> 100 M DH). Résultat : les PME matures, pourtant fer de lance de l’export, peinent à trouver chaussure à leur pied. Cette situation s’explique par la taille grandissante des levées, qui oblige les équipes de gestion à opter pour de grandes opérations afin de limiter le nombre de cibles dans leurs portefeuilles. Les opérateurs s’accordent à dire que cette configuration devrait être corrigée, au moins en partie, grâce à l’intervention du FM6I, qui souhaite que des sociétés de gestion opèrent dans ces segments mal servis.

 

Trois leviers pour franchir le cap des 6 Mds DH

Le secteur souhaite doubler la taille des levées à horizon 2030. L’étude propose un triptyque d’actions pour transformer l’essai :

1. Boucler le cercle vertueux local
Porter la part des institutionnels marocains de 50 % à 70 % des levées, mobiliser family offices et caisses de retraite, et élargir la base d’actifs éligibles pour les OPCC. La TVA sur les frais de gestion, une particularité que l’on ne retrouve qu’au Maroc et qui lamine les TRI, est également dans le viseur des gérants. Ils espèrent que les autorités seront réceptives à cette doléance et corrigeront ce qu’ils considèrent comme une injustice fiscale.

2. Muscler l’attractivité internationale
Instaurer des co-investment funds transfrontaliers et poursuivre la fluidification des sorties sur le marché boursier.

3. Institutionnaliser le dialogue public-privé
Formaliser, sous l’égide de l’AMIC, une plateforme de suivi des réformes (cadre prudentiel, dette privée, marché secondaire) avec des indicateurs de pénétration du capital-investissement dans l’économie réelle.

 

Au-delà du rendement : un outil de souveraineté économique

Le plan ne se limite pas à des objectifs de collecte. Sur le plan micro, il mise sur la gouvernance, la professionnalisation ESG et l’émergence de « champions nationaux ». Sur le plan macro, il cible la création d’emplois, la montée en compétences et l’innovation. Dans un pays où le Nouveau Modèle de Développement veut porter la part de l’investissement privé aux deux tiers des flux totaux, le private equity se voit assigner un rôle de trait d’union entre épargne locale et croissance productive.

 

En 2015, rares étaient ceux qui misaient sur un doublement de la taille du marché en une décennie. En 2025, le secteur vise à rééditer l’exploit d’ici 2030. Pour cela, il faudra convaincre les institutionnels de continuer à renforcer leur allocation dans cette classe d’actifs et lever les verrous réglementaires résiduels qui, malgré les contraintes qu’ils engendrent, n’altèrent pas la qualité des multiples de sortie, lesquels n’ont rien à envier aux marchés matures. Pour l’heure, la dynamique est là, soutenue par un agenda d’infrastructures XXL et des ambitions industrielles renouvelées. À cinq ans de l’échéance, le private equity marocain joue déjà le premier match de sa Coupe du monde. 

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