(Reuters) - Le département américain du Commerce a infligé mardi des droits de douane de quasiment 220% sur les avions CSeries de Bombardier à la suite d‘une plainte de Boeing accusant le constructeur canadien de bénéficier de subventions indues.
Il s‘agit d‘une décision préliminaire qui sera appliquée seulement si la Commission américaine du commerce international (ITC) donne raison à Boeing dans son jugement définitif attendu en 2018.
Boeing accuse Bombardier d‘avoir vendu ses CSeries à perte l‘an dernier aux Etats-Unis grâce à des subventions publiques au Canada. L‘avionneur américain affirme notamment que la commande de 75 CSeries, un avion de 110 à 130 places, passée en avril 2016 par Delta Air Lines a été remportée par Bombardier avec les mêmes méthodes commerciales déloyales employées dans les années 1990 par l‘européen Airbus.
“Ce différend n‘a rien à voir avec une volonté de limiter l‘innovation ou la concurrence, que nous jugeons bienvenues. Cela a plutôt complètement à voir avec le fait d’être sur un même pied d’égalité et de garantir que les entreprises aérospatiales respectent les accords commerciaux”, a réagi Boeing dans un communiqué.
Bombardier s‘est dit “totalement en désaccord” avec la décision du département du Commerce, en jugeant “absurde” l‘ampleur de la pénalité imposée. Le département du Commerce n‘a pas précisé comment il avait calculé ces droits de douane de 219,63%.
Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères, a dénoncé une décision “destinée à l’évidence à écarter le CSeries de Bombardier du marché américain”.
Pour convaincre l‘ITC, Boeing doit prouver que les pratiques commerciales de Bombardier lui ont porté préjudice bien qu‘il n‘ait pas présenté d‘avion concurrent du CSeries pour la commande de Delta, souligne Dan Pearson, ancien président de l‘ITC, qui exprime ainsi ses doutes sur l‘issue de la procédure.
D‘après une source du secteur aéronautique, Boeing voit les pratiques commerciales de Bombardier comme une menace à long terme.
Au-delà des tensions entre les Etats-Unis et le Canada, cette querelle commerciale pourrait avoir des répercussions jusqu‘au Royaume-Uni, Bombardier étant le premier employeur industriel d‘Irlande du Nord.
Sur Twitter, la Première ministre britannique, Theresa May, s‘est dite mercredi matin ”amèrement déçue par la “décision préliminaire” du département américain du Commerce. Quelque 4.200 emplois pourraient être menacés en Irlande du Nord, où sont construites les ailes des CSeries.
“Le gouvernement continuera de travailler avec la compagnie pour protéger des emplois vitaux en Irlande du Nord”, a-t-elle ajouté.
Le Parti unioniste démocrate d‘Irlande du Nord (DUP), dont dépend la majorité de May à la Chambre des communes depuis les élections du mois de juin, entend lui aussi poursuivre les discussions avec les parties impliquées. “Ce n‘est pas la fin du processus, d‘autres initiatives suivront”, a promis sa dirigeante, Arlene Foster, dans un communiqué.
Jeffrey Donaldson, député du DUP, a annoncé pour sa part qu‘il ferait tout ce qui est possible pour que l‘usine Bombardier de Belfast reste ouverte. “Je suis sûr que la Première ministre May discutera de nouveau avec Donald Trump du contentieux Bombardier-Boeing”, a-t-il ajouté.