Fitch a estimé mardi que les Etats-Unis ne méritaient plus leur meilleure note (AAA), devenant la deuxième agence de notation à priver le pays de ce précieux sésame. Une décision dont l'impact pour la première économie mondiale reste dans l'immédiat surtout symbolique.
Le AAA ou triple A correspond à la meilleure note attribuée par une agence de notation pour évaluer la capacité d'un État, d'une collectivité ou d'une entreprise à rembourser sa dette.
Les trois principales agences dans le monde, S&P Global, Fitch et Moody's, utilisent un système de notation sous forme de lettres, allant de AAA, la meilleure note possible, à C ou D pour les défauts de paiement.
Ces appréciations sont censées refléter la santé économique: pour noter un pays, les agences évaluent ainsi la croissance, la dette, le déficit, les dépenses, les recettes fiscales... afin d'établir un diagnostic qui guidera les financiers dans leurs décisions d'investissement.
En conséquence, plus la note sera basse, plus les investisseurs seront tentés de réclamer un taux d'intérêt élevé pour prêter de l'argent à un Etat ou une entreprise, car sa dette sera considérée comme plus risquée.
Seul un petit cercle de pays bénéficie de la meilleure note possible auprès des trois grandes agences: l'Australie, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, la Norvège, Singapour, la Suisse et le Luxembourg.
Quelques autres sont notés AAA par seulement une ou deux des trois agences: c'est notamment le cas des Etats-Unis avec Moody's qui note toujours le pays triple A, ou du Canada et de l'Union européenne.
En Europe, plusieurs pays, dont la France, ont été privés du précieux sésame auprès des trois agences principales au lendemain de la crise financière de 2008.
Pour la France, "c'était le saut dans l'inconnu", expliquait en mars dernier Anne-Laure Kiechel à l'AFP. Pourtant, après cette perte du triple A en 2012-2013, la France "n'a pas perdu d'investisseurs" sur sa dette, assure la fondatrice du cabinet Global Sovereign Advisory, spécialisé dans la stratégie économique des États.
Pas davantage après que l'agence Fitch a dégradé la France de "AA" à "AA-" en avril sur fond de contestation de la réforme des retraites.
Fitch, qui note les Etats-Unis depuis 1994, et Moody's, depuis 1949, n'avaient auparavant jamais dégradé la note américaine. Les Etats-Unis ont en revanche déjà perdu leur AAA avec l'agence S&P Global en 2011.
La perte du triple A est symbolique par le signal qu'elle envoie sur les marchés. Dans les faits, les États-Unis gardent une note très favorable (AA+) qui ne fera pas fuir les investisseurs car la dette américaine reste un placement incontournable pour l'épargne mondiale.
Le taux d'intérêt américain à 10 ans, référence sur les marchés, a ainsi franchi pour la troisième fois de l'année la barre des 4% juste avant l'annonce de Fitch et s'y maintient depuis. Mais il évolue près de ce niveau symbolique depuis des mois, et sa progression résulte avant tout de la remontée des taux de la Banque centrale américaine (Fed). Le dollar de son côté était en petite hausse face à l'euro mercredi, signe de son statut de valeur refuge.
Wall Street ne montrait pas non plus de signes majeurs d'inquiétude: les indices Dow Jones, S&P 500 et Nasdaq laissaient entrevoir une ouverture seulement en légère baisse.
"Le dollar américain est la monnaie de réserve la plus importante au monde, ce qui donne au gouvernement une flexibilité de financement extraordinaire" a rappelé Fitch dans ses conclusions, suggérant que les Etats-Unis continueront à trouver très aisément des acheteurs pour leur dette.
Mais bien que l'économie américaine soit robuste et que le taux de chômage soit inférieur à 4%, "le déficit fédéral reste en bonne voie d'atteindre près de 6% du PIB pour l'exercice fiscal en cours", tempèrent les analystes du cabinet Capital Economics dans une note publiée mercredi.
"Et les coûts d'intérêt devraient doubler, passant de 1,4% du PIB en 2021 à 2,8% en 2025", ajoutent-ils, appelant à surveiller les taux d'intérêt de la Fed qui, s'ils continuent à augmenter trop fortement, risqueraient de rendre la dette américaine "insoutenable".