Il est indispensable que le Fonds monétaire international (FMI) utilise ses droits de tirage spéciaux (DTS), sorte de monnaie créée par le FMI pour soutenir des États, afin d'atténuer les effets de la crise du Covid-19, estime son ancien secrétaire général Dominique Strauss-Khan (DSK).
"Allègement des dettes des pays à bas revenus et émission massive de DTS sont aujourd'hui un passage obligé pour contribuer à éviter une catastrophe économique", estime le Français dans une longue tribune à paraître dans le prochain numéro de la revue française Politique Internationale.
Estimant qu'on "assiste à un coma organisé et à un délitement subi, mais sans doute durable, des chaînes d'approvisionnement" provoqués par l'épidémie et les mesures confinement, il souligne que l'action des grandes banques centrales (en plus de celle des gouvernements) pour éviter un affaissement de la demande "n'atteindra que par ricochet les économies émergentes" pour lesquelles il est particulièrement inquiet.
"En revanche, il est possible d'utiliser un mécanisme qui a déjà fait preuve de son efficacité dans la crise financière mondiale: les Droits de tirage spéciaux du FMI. Rien n'empêche de les réactiver; rien, sauf l'allergie américaine à tout ce qui ressemble à une action multilatérale, allergie que la tiédeur des Européens n'aide pas à contrebalancer", juge l'ancien secrétaire général de 2007 à 2011, reconverti dans le conseil.
Économiste, ancien homme politique un temps pressenti pour être candidat de la gauche à la présidence de la République en 2102, il a été contraint à la démission de son poste du FMI après un retentissant scandale sexuel et plusieurs mises en causes qui ont mis un terme à ses ambitions politiques.
Dans les pays dépendant de leurs exportations de matières premières ou de la manne touristique, l'effondrement économique "risque de replonger des millions de personnes de la +classe moyenne émergente+ vers l'extrême pauvreté. Or, plus de pauvreté, c'est aussi plus de morts".
DSK anticipe également un déferlement migratoire vers l'Europe. "Avant la crise actuelle, l'Europe avait déjà le plus grand mal à gérer l'afflux de quelques centaines de milliers de migrants se pressant à ses portes. Qu'en sera-t-il lorsque, poussés par l'effondrement de leurs économies nationales, ils seront des millions à tenter de forcer le passage"?
Dans un long papier balayant largement les risques et les opportunités (économiques et politiques) causées par la crise du Covid, l'ancienne figure de la gauche social-démocrate souligne comment la crise épidémique jette une lumière crue sur les failles de l'économie mondialisée, "la relativité de notre souveraineté", les risques pour les libertés publiques et individuelles et les dangers pour "la démocratie parlementaire cacochyme".
(AFP)