Une performance meilleure qu'espéré malgré les difficultés: la Chine a annoncé mardi une croissance de son PIB de 5,3% au premier trimestre, au moment où une crise inédite de l'immobilier et une consommation sans tonus sont exacerbées par les incertitudes économiques.
Un groupe d'experts interrogés par l'AFP tablait en moyenne sur une hausse de 4,6%. Pékin s'est fixé cette année un objectif "d'environ 5%", loin des progressions à deux chiffres des dernières décennies.
Ce rythme, qui ferait bien des envieux dans la plupart des grandes économies, n'en serait pas moins le plus faible pour la Chine depuis 1990 (3,9%), hors période de Covid.
Au premier trimestre, "l'économie chinoise a continué sur sa lancée et a pris un bon départ" cette année, s'est félicité devant la presse Sheng Laiyun, un porte-parole du Bureau national des statistiques (BNS), assurant que les mesures du gouvernement pour soutenir la croissance "produisaient leurs effets".
Toutefois, par rapport au quatrième trimestre 2023, comparaison plus fidèle de la conjoncture, le PIB progresse plus modestement (+1,6%).
Eminemment politique et sujet à caution, le chiffre officiel du PIB n'en reste pas moins très scruté, compte tenu du poids du pays dans l'économie mondiale.
Les chiffres de la croissance sont publiés au moment où certains économistes s'inquiètent de la trajectoire de la deuxième économie mondiale.
Mercredi, l'agence de notation Fitch a abaissé à négative la perspective de la dette souveraine de la Chine, arguant de risques accrus pour les finances publiques du pays dans un contexte de "perspectives économiques plus incertaines".
Le rebond tant attendu après la levée des restrictions sanitaires contre le Covid-19 a été bref et s'est essoufflé l'an dernier.
La reprise bute notamment sur une confiance morose des ménages et des entreprises dans un contexte d'incertitudes, ce qui pénalise la consommation.
En mars, les ventes au détail, principal indicateur des dépenses des ménages, se sont ainsi tassées (+3,1% sur un an), après une hausse de 5,5% en janvier et février cumulés. Des analystes sondés par l'agence Bloomberg tablaient sur 5,4%.
La production industrielle s'est également essoufflée en mars (+4,5% sur un an), après une hausse de 7% en début d'année. Les estimations de Bloomberg anticipaient 6,6%.
"La consommation et l'investissement dans le logement ont été les principaux freins" pour la croissance au premier trimestre, indique à l'AFP l'économiste Dan Wang, de la banque hongkongaise Hang Seng.
L'immobilier a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine et constituait un important vivier d'emplois.
Mais ce secteur-clé est désormais sous pression, avec certains promoteurs au bord de la faillite (Evergrande, Country Garden...) et des prix en chute qui dissuadent les Chinois d'investir dans la pierre.
Les mesures de soutien de Pékin au secteur n'ont eu pour le moment que peu d'effets.
Les investissements dans l'immobilier s'affichent au premier trimestre en repli de 9,5% sur un an, selon le BNS.
L'immobilier souffre depuis 2020 d'un durcissement par Pékin des conditions d'accès au crédit pour les promoteurs immobiliers, afin de réduire leur endettement.
La reprise est disparate, avec des secteurs qui en bénéficient, comme par exemple les services, portés par le retour des clients dans les restaurants, les transports et les lieux touristiques.
Mais d'autres restent à la peine en raison d'une faible demande intérieure et à l'international.
Le taux de chômage a malgré tout reflué en mars (5,2%), contre 5,3% en février.
Ce chiffre dresse toutefois un tableau incomplet de la conjoncture, car il n'est calculé que pour les villes.
Il exclut de fait des millions de travailleurs migrants dans les zones rurales, dont la situation est exacerbée par la crise de l'immobilier.