«Face à une accélération de l’inflation à des niveaux jamais observés depuis des décennies, les banques centrales font face à un dilemme délicat, resserrer la politique monétaire et freiner davantage l’économie, ou privilégier une orientation accommodante avec le risque d’une accentuation de la flambée des prix. « Si la tendance est clairement vers la première option, certaines banques centrales parmi les premières à commencer la normalisation comme celle de la Corée du Sud, appellent à plus de finesse et d’agilité au regard des niveaux élevés d’incertitudes qui entourent les perspectives de croissance et d’inflation » a indiqué le Wali.
« De leur côté, et outre le ralentissement de l’économie, les gouvernements sont confrontés à des besoins sociaux accrus et des pressions pour apporter leur soutien au pouvoir d’achat, sachant que leurs marges budgétaires ressortent largement réduites par la crise sanitaire, avec des niveaux d’endettement très élevés et des conditions de financement de plus en plus difficiles », a-t-il souligné, expliquant qu’à cela s’ajoutent de nombreux autres défis liés en particulier à la persistance des perturbations des chaines d’approvisionnement et aux mutations profondes qui étaient à l’œuvre bien avant la crise sanitaire et que celle-ci a accélérées. « Il s’agit en particulier de la digitalisation, de la montée du souverainisme économique, de la remise en cause du multilatéralisme et des exigences en matière de lutte contre le changement climatique ».
Selon le Wali de Bank Al-Maghrib, c’est tout l’ordre mondial qui est en train d’être refaçonné au gré des intérêts économiques et géopolitiques.
« Ici au Maroc, nous ne sommes évidemment pas à l’abri des effets de cet environnement international difficile. Grâce à une mobilisation exceptionnelle à tous les niveaux, l’économie nationale a pu en grande partie dépasser la crise sanitaire, enregistrant un rebond de près de 8% en 2021. Toutefois, et comme partout ailleurs, elle subit les conséquences de la guerre en Ukraine avec en particulier un alourdissement de la facture énergétique et de fortes pressions externes sur les prix à la consommation. Au niveau de Bank Al-Maghrib, nous continuons de maintenir les mesures exceptionnelles que nous avons déployées lors de la crise sanitaire pour ne pas freiner la reprise mais en même temps nous restons très vigilants quant à l’évolution des prix. Comme je l’ai indiqué lors de la conférence de presse que j’ai tenue à l’issue de la réunion du Conseil il y a deux jours, nous tablons sur un taux d’inflation légèrement au-dessus de 5% cette année, mais qui devrait revenir à un niveau modéré l’année prochaine . Après son analyse de l’ensemble des données disponibles sur l’environnement national et international ainsi que des projections macroéconomiques à moyen terme, le Conseil a décidé lors de cette réunion de maintenir le taux directeur inchangé ».
L’hypothèse d’une stagflation ne fait pas l’unanimité
Dans la dernière édition de ses perspectives économiques, la Banque mondiale évoque une hausse du risque de stagflation, mais, selon le Wali, « c’est un avis qui ne fait pas nécessairement l’unanimité, l’ancien président de la Fed, Ben Bernanke ou encore la présidente de la BCE à titre d’exemples, rejettent les rapprochements établis entre la situation des années 1970 et celle d’aujourd’hui.», précise-t-il.