EMISSION DU 03/28 - par

Bank Al-Maghrib: Un nouvel assouplissement monétaire attendu d’ici fin 2025

Le 18 mars dernier, Bank Al-Maghrib (BAM) a pris les marchés de court en abaissant de 25 points de base son taux directeur, le ramenant de 2,50% à 2,25%. Une décision surprise, alors que le consensus tablait sur un statu quo. Dans son communiqué, la Banque centrale a estimé que « l’inflation devrait évoluer à des niveaux compatibles avec l’objectif de stabilité des prix », ouvrant ainsi la voie à un soutien accru à l’activité économique et à l’emploi.

Si un nouveau geste est attendu, il ne devrait toutefois pas intervenir avant le second semestre. Selon BMI, BAM réduira une nouvelle fois son taux directeur de 25 points de base pour le porter à 2,00% d’ici fin 2025. Mais à court terme, notamment au deuxième trimestre, la prudence devrait l’emporter. La Banque centrale européenne (BCE), à laquelle BAM reste étroitement attentive, devrait maintenir le statu quo en avril, dans un contexte de tensions commerciales croissantes, notamment vis-à-vis des États-Unis.

Historiquement, BAM a privilégié le maintien d’un différentiel positif de taux avec la BCE afin d’attirer les flux de capitaux et soutenir le dirham. Or, depuis le début du cycle de resserrement monétaire européen en 2022, cet écart est devenu négatif. Malgré la solidité des réserves de change marocaines et l’attrait croissant du pays dans le cadre des stratégies de relocalisation, les autorités monétaires pourraient chercher à restaurer ce différentiel dès que le contexte international le permettra.

Des conditions propices à un nouvel assouplissement

Trois facteurs principaux expliquent l’anticipation d’un nouvel assouplissement :

D’une part, l’inflation devrait rester contenue. Les prix mondiaux des denrées de base comme le blé, le sucre et le soja sont attendus en léger recul en 2025, ce qui devrait limiter l’inflation alimentaire — un poste qui pèse pour 39% dans l’indice des prix à la consommation au Maroc. Les bonnes précipitations de mars laissent aussi présager une amélioration de l’offre agricole. Côté énergie, la tendance est également baissière, avec une offre mondiale en hausse et une demande menacée par les tensions commerciales. Résultat : une inflation moyenne estimée à 1,6% en 2025, en deçà de la cible implicite de 2%.

D’autre part, le chômage demeure élevé, à 13,3% au quatrième trimestre 2024, bien au-dessus des niveaux pré-Covid. Le secteur agricole, qui emploie près d’un tiers de la population active, reste fragile, et les migrations vers les villes exercent une pression croissante sur l’emploi urbain, où le taux de chômage a atteint 16,9%. BAM pourrait ainsi être tentée de relancer davantage le crédit, dont la croissance reste timide (3,8% en glissement annuel en janvier 2025, contre une moyenne de 4,8% sur 2020-2024), afin de stimuler l’investissement et la création d’emplois.

Enfin, la reprise attendue de l’assouplissement monétaire aux États-Unis et en zone euro à partir de mi-2025 offrirait à BAM une marge de manœuvre supplémentaire, sans craindre de déséquilibres externes. Si la BCE termine l’année avec un taux à 1,75%, le différentiel de taux redeviendrait positif, offrant plus de latitude à la Banque centrale marocaine.

Des marges limitées malgré tout

Malgré ces signaux favorables, un assouplissement plus marqué semble improbable. L’économie marocaine devrait afficher une croissance vigoureuse en 2025, passant de 3,3% à 5%, portée par l’investissement étranger, la politique budgétaire expansionniste et la progression des transferts des MRE. Cette dynamique limite le besoin d’un soutien monétaire plus agressif. De plus, des baisses de taux supplémentaires pourraient éroder le différentiel avec la BCE, exposant le dirham à des pressions en cas de choc externe, comme une flambée soudaine des prix des matières premières.

Le maintien de solides réserves de change – en nombre de mois d’importations – demeure un filet de sécurité, mais la Banque centrale veille à ne pas compromettre cette stabilité.

Scénarios de risques

Plusieurs incertitudes pourraient infléchir ce scénario. Une escalade des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, notamment entre l’Iran et les États-Unis ou Israël, ferait grimper les prix du pétrole et relancerait l’inflation. Un durcissement de la BCE, en cas de résurgence des pressions inflationnistes en Europe, freinerait également les ambitions d’assouplissement de BAM.

À l’inverse, une croissance mondiale plus faible que prévu pourrait peser sur les prix des matières premières, ouvrant la voie à un nouvel abaissement de taux au Maroc. Le maintien du dollar à son niveau actuel, conjugué à des entrées de devises soutenues, allégerait aussi les craintes sur le dirham. Un environnement où BAM pourrait envisager un troisième geste d’assouplissement en 2025.

En somme, Bank Al-Maghrib s’oriente vers un ajustement graduel de sa politique monétaire, avec pour boussole l’équilibre délicat entre soutien à l’activité et ancrage de la stabilité financière.

BAM

Articles qui pourraient vous intéresser

Vendredi 21 Mars 2025

Liquidité bancaire : Le déficit moyen s'allège de 1,5% du 13 au 19 mars

Mardi 18 Mars 2025

Vers une détente marquée des taux obligataires après le Conseil de BAM

Mardi 18 Mars 2025

Abdellatif Jouahri: "Nous avons décidé de renforcer notre politique accommodante"