Pas de flexibilité totale, mais un désancrage du panier euro-dollar. Le Maroc demande l'assistance du FMI. Ce qui reste à faire
Après avoir réussi la première phase de la flexibilité du dirham avec l'élargissement des bandes de fluctuation, le Maroc est plus proche que jamais de la prochaine phase, caractérisée cette fois-ci par la suppression de l'ancrage au panier de devises composé de l'euro et du dollar. Une phase dans laquelle la valeur du dirham sera un peu plus dépendante de l'offre et de la demande sur la monnaie nationale, mais qui ne sera tout de même pas un flottement total comme en Égypte. Car, selon le Wali de Bank Al-Maghrib en conférence de presse le mardi 19 mars 2024, la banque centrale continuerait à intervenir lorsque les mouvements sont jugés extrêmes dans un sens ou dans l'autre. La banque centrale continuera d'encadrer de près le marché, vraisemblablement en gardant les bandes de fluctuation qui provoqueraient son intervention, justement pour éviter le modèle égyptien où le pays a été contraint par le FMI de mener la réforme brutalement.
Les conditions sont presque réunies
Les autorités financières et monétaires du Royaume ont fixé un ensemble de prérequis avant de passer à cette nouvelle phase. Certains sont réunis, d'autres ne le sont pas encore. Le Maroc a en effet atteint un niveau d'exportations élevé à plus de 600 Mds de dirhams tout en étant diversifiées, ne dépendant plus des phosphates, l'automobile étant devenu le premier produit exporté par le Maroc. Ceci donne de la visibilité sur la demande récurrente qu'il y aura sur le dirham pour soutenir sa valeur même en cas de flottement total. Et bien que la balance commerciale soit structurellement déséquilibrée, les 359 Mds de dirhams de réserves de changes, qui battent des records chaque année, permettront à la banque centrale de protéger la monnaie en intervenant sur le marché des changes si besoin.
D'un point de vue technique, là aussi les prérequis sont là. De l'avis même du Wali : "Depuis pratiquement 6 ans, le marché interbancaire des devises fonctionne parfaitement. Il y a des flux sortants, d'autres entrants, avec des situations où les banques sont en positions, parfois courtes (short), parfois longues. Depuis mars 2020, BAM n'est plus intervenue sur le marché des changes. Les gens (les opérateurs de marchés ; ndlr) sont formés et savent de quoi ils parlent."
En revanche, ce qui peut retarder cette réforme selon le Wali, c'est la capacité des opérateurs économiques, notamment les entreprises, à évoluer dans ce nouvel environnement. "Je ne parle pas des grandes groupes mais des petites et moyennes entreprises, les entreprises individuelles, etc.", précise le Wali. Car ce nouveau régime sera accompagné par un ciblage de l'inflation et donc un changement plus fréquent du taux directeur qui aurait des "effets potentiels très négatifs" sur ces entreprises. "
"Je dis au Fonds Monétaire International que quand je sentirai le tissu économique marocain prêt, je vais faire le saut. Mais le saut n'est pas définitif. Ce n'est pas un flottement. On se désengage du panier euro-dollar pour s'ancrer sur la politique monétaire tout en surveillant le mouvement sur le marché interbancaire des devises. Les mouvements anormaux provoqueront des interventions de la banque centrale", a-t-il martelé.
Par ailleurs, la banque centrale a demandé l'assistance technique du FMI pour revoir ses modèles de prévisions et évaluer la capacité des banques à accompagner le projet.
Comment est fixée la valeur du dirham actuellement ?
Dans le système actuel, la Banque centrale fixe le cours central du Dirham sur la base de la composition d'un panier de référence composé à 60% de l'euro et 40% du dollar.
Ce panier, en plus de la liquidité du marché intérieur, va déterminer la valeur du dirham. L'avantage de ce modèle est que la monnaie n'est ni flottante, ni fixe. Elle offre la garantie aux opérateurs nationaux et étrangers que le dirham ne perdra pas de valeur. En revanche, elle ne prémunit pas le dirham contre les chocs exogènes que connaît souvent la parité euro/dollar. Selon les opérateurs de marché, rendre le marché des devises marocain plus local permettrait d'éviter ce type de chocs.
A.H