La décision de Bank Al-Maghrib de baisser son taux directeur à 2,75% en juin 2024, une première depuis 2016, a surpris plus d’un. Cette décision, motivée par la nécessité de stimuler l'économie et de contenir l'inflation, soulève de nombreuses interrogations. Décryptage et analyse avec Khadija El Moussily, responsable Equity au sein de BMCE Capital Global Research.
Propos recueillis par Mokhliss Rochdi.
Boursenews: Dans un contexte d'assouplissement de la politique monétaire, pensez-vous qu'une nouvelle baisse du taux directeur est à prévoir en septembre prochain ?
Khadija El Moussily: A priori, nous ne pensons pas qu’une deuxième baisse du taux directeur devrait avoir lieu en septembre. En effet, selon nous, Bank Al-Maghrib devrait marquer une pause lors du prochain Conseil, dans l’attente des retombées de la première réduction, qui a d’ailleurs été perçue comme une mesure stratégique afin de stimuler l'économie et encourager les investissements. La future décision pourrait ainsi dépendre de l’impact de cette inflexion monétaire ainsi que de celui de la décompensation du gaz butane sur l’inflation. Toutefois, si Bank Al-Maghrib estime que le stimulus n’est pas suffisant et que l’économie marocaine a besoin d’une baisse additionnelle pour croître de façon plus rapide, ce mouvement baissier en termes de taux directeur pourrait être poursuivi lors du prochain Conseil. A noter que nous allons corroborer notre analyse à travers une enquête auprès des investisseurs afin de déceler leurs anticipations en matière de politique monétaire.
Boursenews: Suite à ce changement de politique monétaire, quels sont les secteurs à surveiller de près au cours du deuxième semestre de l'année, selon vous ?
Khadija El Moussily: Le premier secteur à surveiller suite à ce changement de politique monétaire serait celui des Banques. En effet, le PNB devrait profiter d’une valorisation à la hausse des portefeuilles de trading suite à la baisse des taux sur le marché obligataire ainsi que d’un allègement du coût de refinancement. Toutefois, l’impact devrait être limité en raison principalement de la prépondérance des ressources non rémunérées au niveau sectoriel. En termes de distribution de crédits, la répercussion de la variation du taux directeur sur le rendement ne devrait pas se faire de façon automatique et serait opérée dans le temps, ce qui nous laisse penser que l’activité d’octroi ne devrait pas être impactée pour l’instant.
Boursenews: Depuis la baisse du taux directeur, nous avons constaté une tendance à la baisse généralisée des taux sur le marché obligataire. Selon vous, comment les investisseurs vont-ils arbitrer entre le marché actions et le marché obligataire dans ce contexte ?
Khadija El Moussily: Effectivement, dans le sillage de la réduction du taux directeur par Bank Al-Maghrib, le spread entre le rendement des BDT 10 ans et le D/Y 2024E (selon nos prévisions) a poursuivi sa contraction passant de -143,9 pbs en mars 2023 et de -60,7 pbs en septembre 2023 à seulement -19 pbs à fin juin 2024. La phase d’assouplissement monétaire entamée par la Banque Centrale devrait renforcer cet arbitrage en faveur du marché actions si l’orientation dovish se confirme davantage lors des prochains Conseils de Bank Al-Maghrib.