La Cour des comptes (CC) vient de publier un rapport détonant sur le secteur des établissements et entreprises publics (EEP). Lequel joue certes un rôle majeur dans le développement économique et social du Maroc, mais qui a commencé à manifester des signes d’essoufflement comme en témoignent le tassement des investissements réalisés, l’envolée de l’endettement et l’augmentation des transferts des ressources publiques de l’Etat vers les EEP. "Même si le secteur a fait l’objet de plusieurs réformes et a enregistré de réels succès, les problématiques liées à son dimensionnement, à son pilotage stratégique, à ses relations avec l’Etat et à sa gouvernance demeurent d’actualité", note la CC.
25,1 Mds de DH de crédit de TVA
A fin 2015, le montant total du crédit de TVA des EEP dépasse les 25.181 MDH, soit 47,8% des recettes de TVA revenant au budget général de l’Etat pendant cet exercice. "En plus du risque d’enrayer le modèle de l’EEP investisseur, cette situation plombe la performance des EEP concernés en raison des difficultés de trésorerie et des charges financières supplémentaires qu’elle engendre", relève la CC. Les EEP qui ont accumulé un crédit de TVA important recourent aux emprunts bancaires pour financer leurs besoins de trésorerie. Ce qui leur coûte des charges financières importantes. En 2015, les charges financières liées au crédit de TVA ont été estimées 1 Md de DH, précise le rapport.
Des dettes de financement de 28% du PIB
Depuis le début de la décennie 2010, les EEP enregistrent une augmentation constante de leurs dettes de financement. A fin 2015, l’encours des dettes de financement des EEP a atteint 245,8 Mds de DH, représentant environ 25% du PIB. Par rapport à 2004, l’endettement du secteur a enregistré une augmentation de 321,1%. "Ce qui pourrait constituer une source de fragilité pour le secteur", fait remarquer la CC.
Concernant la structure des dettes de financement des EEP, la part de la dette extérieure n’a cessé d’augmenter depuis 2008. A fin 2015, elle totalise 160,3 Mds de DH, soit 65,2% du total endettement du secteur, et représente 17% du PIB. Sur ce stock, 106 Mds de DH sont garantis par l’Etat.
La faible rentabilité financière du portefeuille public pointée du doigt
Selon la CC, le faible niveau de rentabilité financière du portefeuille public s’explique, entre autres, par les business models, les politiques tarifaires et les montages institutionnels de certains EEP investisseurs conduisant à des résultats structurellement faibles, voire négatifs. Par ailleurs, plusieurs EEP sont en phase de restructuration (ONEE, RAM) ou en période d’investissements massifs (ADM, ONCF, ONDA, ANP). De même, note la CC, la CDG, bien qu’elle soit un établissement public de grande taille, détient plusieurs filiales et participations structurellement déficitaires, dont certaines portent des projets entrant dans le cadre de la mise en oeuvre de politiques sectorielles initiées par l’Etat. En outre, les participations minoritaires ne remontent quasiment pas de dividendes, à l’exception de IAM dans laquelle le Trésor détient encore 30% du capital.
A noter que sur la période 2008 - 2015, les dividendes et part de bénéfices remontés au Trésor par les Groupes OCP, CDG et IAM ont contribué en moyenne à hauteur de 48,9% du total des transferts du secteur des EEP vers le budget général de l’Etat. De même, par rapport au total dividendes et part de bénéfices, ils ont représenté 84,8%.