Hassan Mounir, DG du Groupe Cosumar, revient pour Boursenews sur les ambitions du groupe en matière de production sucrière locale, les innovations agricoles déployées et les leviers de résilience face au stress hydrique. Grâce à une stratégie intégrée alliant technologie, accompagnement des agriculteurs et mobilisation des ressources en eau, Cosumar prévoit une production de 600.000 tonnes de sucre local en 2026, renouant avec les niveaux record de 2016. Entretien.
Boursenews: Quel regard portez-vous sur la participation de COSUMAR à cette 17ᵉ édition du SIAM ?
Hassan Mounir: Notre participation à cette 17ᵉ édition du SIAM s’inscrit dans une démarche de dialogue, de valorisation des efforts collectifs et de partage d’innovations. Comme chaque année, cet évènement stratégique pour notre Groupe constitue à la fois une vitrine de nos avancées, une opportunité d’échanges avec nos partenaires, de rencontre avec la presse et aussi un rendez-vous de proximité avec le grand public.
Nous avons eu l’honneur et l’immense privilège d’accueillir Son Altesse Royale le Prince Héritier Moulay El Hassan sur notre stand lors de l’inauguration officielle du Salon. Sa présence, empreinte de bienveillance et de prestige, restera pour nos équipes et pour l’ensemble de la filière sucrière marocaine un moment exceptionnel et profondément marquant.
Sur notre stand, nous avons mis en avant les dernières innovations déployées dans l’amont agricole : agriculture de précision, gestion intelligente de l’eau, outils digitaux, accompagnement technique offert à nos agriculteurs partenaires. Ces leviers permettent de préserver durablement les ressources naturelles, de moderniser les pratiques agricoles et surtout d’améliorer les rendements et les revenus des agriculteurs.
Le succès a été au rendez-vous : notre stand a attiré un large public, aussi bien des citoyens curieux de comprendre le fonctionnement de la filière sucrière que des acteurs du B2B, avec lesquels nous avons pu engager des échanges fructueux. Cette dynamique a d’ailleurs été récompensée par le Prix du Meilleur Stand du pôle agroalimentaire de cette édition, une belle reconnaissance du travail collectif mené par nos équipes.
Nous avons également valorisé le travail remarquable de nos agriculteurs partenaires, ces hommes et femmes qui, au quotidien, font vivre la chaîne sucrière marocaine. Nous avons même organisé plusieurs Master class ayant réuni plus de 400 agriculteurs, afin de leur présenter les dernières innovations techniques, tout en menant un travail de sensibilisation approfondi sur la gestion raisonnée de l’eau, un enjeu majeur pour l’avenir.
Boursenews: La campagne agricole actuelle semble engagée. Avez-vous une bonne visibilité sur ses résultats ?
H.M.: En effet, nous disposons d’une meilleure visibilité sur la campagne 2024/2025 en cours, qui évolue dans des conditions satisfaisantes malgré un début d’année marqué par une sécheresse persistante. Grâce à l’engagement de tous les partenaires – agriculteurs, associations, autorités – nous avons pu emblaver 40.000 hectares, avec une production attendue de 330.000 tonnes de sucre blanc issu des plantes sucrières.
Les dernières pluies survenues aux mois de mars et avril ont contribué à l’amélioration significative des performances agronomiques, notamment le rendement et la richesse en sucre, facteurs déterminants pour l’accroissement des revenus des agriculteurs.
Cette dynamique repose également sur des outils concrets : l’introduction des drones, des capteurs intelligents, de l’irrigation de précision, ou encore de la fertilisation raisonnée adaptée à chaque parcelle… Ces technologies, aujourd’hui déployées à grande échelle, permettent à nos agriculteurs partenaires de mieux maîtriser leurs charges, d’économiser l’eau,… et partant améliorer l’attractivité économique de la filière.
Grâce à la généralisation de l'irrigation de précision, notamment du goutte-à-goutte, les exploitants partenaires réalisent aujourd'hui une économie moyenne de 25 % d’eau par rapport aux méthodes traditionnelles. L’intégration de capteurs intelligents et de solutions basées sur l’intelligence artificielle permettant un ajustement en temps réel des apports hydriques selon les besoins réels des plantes sucrières, permet d’atteindre jusqu’à 55 % d’économie d’eau. Ces avancées concrètes traduisent l'engagement collectif pour une gestion plus efficiente et plus durable des ressources hydriques sur les périmètres sucriers.
Boursenews: Cela vous rend-il plus optimistes pour la campagne prochaine 2025/2026? Avez-vous déjà entamé les préparatifs ?
H.M.: Absolument. Le Groupe COSUMAR est prêt pour la prochaine campagne, avec une feuille de route claire et des objectifs ambitieux. Les préparatifs sont déjà lancés sur le terrain : planification des emblavements, sécurisation des semences et des intrants, mobilisation de nos équipes d’appui technique… tout est mis en œuvre pour assurer le bon déroulement de la campagne.
Nous visons l’emblavement de 68.500 hectares de plantes sucrières dont 60.000 hectares de betteraves à sucre, soit une hausse de près de 50 % des superficies betteravières par rapport à la campagne en cours, pour une production prévisionnelle de 600.000 tonnes de sucre blanc issu des plantes sucrières locales. Ce niveau marquerait un retour aux performances de la campagne exceptionnelle de 2016.
Cet objectif s’appuie sur un travail de fond mené tout au long de ces dernières années pour améliorer la compétitivité de la filière de façon durable et renforcer la capacité de résilience du modèle agricole sucrier.
À ces efforts s’ajoutent aujourd’hui des éléments favorables au niveau national : l’amélioration du taux de remplissage des barrages desservant les périmètres sucriers, ainsi que la concrétisation de projets majeurs de dessalement de l’eau de mer, déjà réalisés ou en cours de réalisation par l’Etat.
Cette dynamique permet au Royaume de sécuriser l’approvisionnement en eau potable, tout en libérant davantage de ressources en eau pour l’irrigation agricole, un facteur clé pour renforcer la souveraineté alimentaire du Royaume.
La hausse attendue de la production locale jouera également un rôle déterminant pour sécuriser l’approvisionnement du marché national en sucre et libérer des volumes importants à l’export, contribuant à l’atteinte de notre objectif stratégique d’exporter 1 million de tonnes de sucre blanc par an à partir de 2026.
Boursenews: COSUMAR est souvent citée comme l’une des filières agricoles les plus structurées du pays. Comment expliquez-vous cette performance dans un contexte pourtant difficile ?
H.M.: Cette structuration s’explique d’abord par notre modèle d’agrégation agricole, qui est unique au Maroc. Il repose sur un partenariat encadré et de long terme entre COSUMAR et plus de 80 000 agriculteurs. Ce modèle repose principalement sur la confiance, l’accompagnement technique et financier ainsi que l’uniformisation des bonnes pratiques agricoles dans les cinq périmètres sucriers du Gharb, Loukkos, Tadla, Doukkala et de l’Oriental.
Nous bénéficions aussi d’une expérience de plusieurs décennies dans la gestion des cultures sucrières, ce qui nous confère une connaissance fine des territoires, des sols, des cycles et des réalités socio-économiques.
La structuration de la filière s’appuie également sur une interprofession forte, la FIMASUCRE, première interprofession agricole à avoir obtenu la reconnaissance officielle de l’État en avril 2016. Elle fédère l’ensemble des acteurs de la chaîne sucrière, intégrée de l’amont agricole à l’aval industriel, autour d’une vision commune de développement, de compétitivité et de durabilité au service de la souveraineté alimentaire du Royaume.