Un nouveau document de recherche, relayé par Bank Al-Maghrib, révèle le phénomène de la thésaurisation au Maroc. Les chiffres sont impressionnants mais doivent être nuancés par les impacts de l'économie informelle.
Ce travail réalisé par les 3 économistes Shimi Linah, Seitz Franz et Saidi Abdessamad, a pour but de susciter les débats et d’appeler commentaires et critiques. Il fait partie des nombreux travaux de recherche relayés régulièrement par la banque centrale. Son objectif est de présenter des estimations de la demande de monnaie non transactionnelle au Maroc, qui englobe les montants thésaurisés du cash.
L’analyse se base sur trois approches empiriques répandues dans la littérature académique (méthode des ratios, méthode de la durée de vie et méthode de la saisonnalité) avec pour principale hypothèse l’idée que les billets à forte valeur faciale ( 200 MAD et 100 MAD) sont plus susceptibles d’être thésaurisés que le reste des coupures composant le système de division monétaire marocain.
Hausse du cash non transactionnel
Les résultats issus de ces différentes méthodes s’accordent sur la tendance haussière du cash non transactionnel et sur des montants potentiellement thésaurisés très élevés. La part des billets de 100 MAD et de 200 MAD détenue pour des motifs non transactionnels aurait progressé fortement depuis le début du millénaire et fluctuerait selon les hypothèses retenues entre 60% et 80% de leur valeur en 2021. "Ces résultats sont robustes à un large éventail d’hypothèses de référence et s’alignent avec les ordres de grandeur estimés des travaux empiriques menés dans d’autres pays", expliquent les chercheurs.
Bien entendu, ces chiffres estimés doivent être interprétés avec précaution étant donné les limites techniques intrinsèques de chacune des méthodes d’estimation utilisées et de leur « rationalité ».
"On peut ainsi imaginer que les billets transitant par l’économie informelle ou par l’économie souterraine ont des caractéristiques et un cycle de vie différent de ceux transitant uniquement par les circuits formels. Ainsi, la durée de vie des billets « non formels » pourrait être plus longue que celle des billets utilisés dans le cadre de transactions courantes formelles, sans pour autant que ces billets ne soient thésaurisés. Dans ce cas, les estimations réalisées incluent une part de la demande de cash non thésaurisée utilisée dans des sphères non formelles . De plus, ces estimations ne sont pas corrigées de l’épargne des ménages non bancarisés qui pratiquent une « thésaurisation forcée ». Néanmoins, l’ordre de grandeur du cash non transactionnel au Maroc interpelle puisque ces montants représenteraient en 2019 près de 13% du PIB. La crise sanitaire du covid-19 situerait ces montants à près de 20% du PIB en 2020 et 2021", nuancent les auteurs.