La transmission d'entreprises est un sujet où la dimension psychologique est très présente.
Le modèle d’affaires de Mutandis, cité en modèle par les spécialistes du Private Equity, pourrait être dupliqué.
L’absence d’un marché structuré et de la culture fait toujours défaut au capital-transmission au Maroc. Dans la majorité des cas, le transfert est plutôt subi qu’un véritable choix. Résultat : les opérations sont souvent mal ou pas du tout préparées. Via le capital transmission (ou Buy-out), les investisseurs peuvent acquérir une entreprise à maturité grâce à une combinaison de capitaux et de financements bancaires (dette structurée). Les opérations prennent souvent la forme d'un LBO (Leveraged Buy-out). En face, les dirigeants peuvent transmettre leurs entreprises ou, plus généralement, de préparer leurs successions en plusieurs étapes.
Les tickets d’investissement dans les opérations de capital- transmission sont souvent plus élevés que ceux du capital- développement/ risque ou amorçage. En 2018, le ticket moyen s’est élevé à 65 MDH vs 7 MDH pour l’amorçage/risque, selon l’AMIC.
«La transmission est un sujet où la dimension psychologique est très importante», affirme Zakaria Fahim, président de BDO Maroc lors des Rendez-vous annuels de l'AMIC tenus à Casablanca cette semaine. Pour lui, le mécanisme implique plusieurs appréhensions et freins chez les cédants qui se détachent difficilement de leurs entreprises.
Z. Fahim constate une légère évolution de l’activité de transmissions au cours des dernières années. «Selon la dernière édition du Baromètre de transmissions au Maroc, 64% des entrepreneurs sont enclins à transmettre leurs entreprises contre 46% en 2011». Il confie aussi que la communication et la pédagogie de l’entrepreneur sont les deux facteurs essentiels pour développer ce genre d’opérations.
Le cas Mutandis
Si la thématique de la transmission d’entreprises est peu développée au Maroc, Mutandis, elle, a bien su en tirer profit. En plus d’être un groupe industriel spécialisé dans les biens de consommation, la société a pu croître, dans ses premières années d’existence, via l’acquisition de sociétés dans une logique de transmission. D’où son slogan : «Accélérateur de marque». «Au tout début de son histoire et pour croître plus vite, Mutandis s’est retrouvée à faire du capital transmission. Sauf que dans son cas, la transmission n’a lieu a priori qu’une seule fois», se rappelle Adil Douiri, président du Groupe Mutandis.
Dit autrement, Mutandis n’achète pas pour vendre, mais pour intégrer les entreprises dans un système unifié, qui mutualise toutes les ressources pour toutes les activités. «Quand Mutandis rachète une entreprise, elle devient un actif qui s’intègre dans un système plus grand, lequel utilise les mêmes synergies (même force de vente, même force de recherche & développement, même top management…)», détaille A.Douiri.
L’industrie alimentaire et celle de l’hygiène demeurent par ailleurs les secteurs privilégiés pour les initiatives de croissance externe au Maroc.
La solution «Mutandis» permet ainsi aux actifs acquis d’être intégrés dans un acteur pérenne, institutionnalisé comme peut l’être Mutandis et coté en Bourse.
Ce modèle est d’ailleurs duplicable, note Douiri : «D’autres Mutandis pourraient être créées. Elles pourraient intégrer plusieurs petites PME familiales, en choisissant une espèce de spécialisation pour qu’elles soient ensuite mieux comprises par la Bourse et de pouvoir grandir à l’infini. Ceci en augmentant leur capital et/ou en levant de la dette».
«Pour nous, cela a été une expérience assez heureuse depuis 10 ans», résumé A.Douiri.
Intégration, mutualisation et spécialisation : 3 ingrédients qui ont permis à Mutandis de devenir une success-story.
Quels types de cibles ?
La typologie d’entreprises qui peuvent être agglomérées ou reprises dans ce genre de véhicules sont «Des entreprises en difficulté parce qu’elles sont trop petites; soit des entreprises où les héritiers n’ont pas de motivations à perpétuer le travail industriel du fondateur initial; soit aussi des grands groupes qui recherchent un meilleur parent pour une activité (filiale) trop petite pour eux», énumère Douiri.
A noter que pour les entreprises en difficulté, nous parlons de capital-retournement (Turn-around). Un mécanisme à travers lequel les investisseurs apportent un financement en fonds propres à des entreprises en difficulté. L’investisseur donne donc aux dirigeants l’opportunité et les moyens de mettre en place des mesures de redressement de l’activité permettant le retour aux bénéfices.
Y.S