Si 2023 avait déjà placé la barre haut avec une hausse de 12,8% du Masi, 2024 a pulvérisé toutes les attentes. L’indice phare de la Bourse de Casablanca termine l’année en beauté, affichant une progression de 22%, pour atteindre 14.773 points au 31 décembre. Records battus, volumes historiques, et transformations stratégiques : retour sur une année exceptionnelle.
Après une progression déjà respectable de 12,8% en 2023, peu d’analystes osaient rêver d’un cru encore plus impressionnant. Et pourtant, 2024 s’est clôturée sur une hausse de 22% du Masi, portant l’indice phare à 14.773 points au 31 décembre. Une performance qui ferait presque oublier les incertitudes économiques mondiales et qui traduit une confiance renouvelée de l’ensemble des investisseurs.
La dynamique boursière de cette année s’est surtout reflétée par des volumes d’échanges historiques. Sur le seul premier semestre, 36,5 milliards de dirhams ont transigé sur le marché central soit plus du double de 2023 sur la même période. Au deuxième semestre, la dynamique s'est renforcée avec 57 Mds de dirhams de volumes entre juin et décembre. Ce regain d’activité s’explique notamment par le retour massif des investisseurs particuliers, dont les transactions ont été multipliées par 4,8 en un an. Leur part dans le volume transigé est passée de 11% au T2-2023 à 27% au T2-2024, un bond de 16 points de pourcentage en seulement douze mois.
Cet engouement s’accompagne d’une forte augmentation des comptes-titres ouverts par les particuliers résidents, qui atteignent 169.863 comptes au deuxième trimestre 2024, contre 152.676 un an plus tôt. Ce regain d’intérêt trouve son origine dans le succès des introductions en Bourse récentes, ayant réconcilié les investisseurs particuliers avec le marché, mais aussi dans la démocratisation des outils de trading en ligne, lesquels représentent désormais 67,83% des ordres passés, avec une hausse annuelle de 69,48%.
D’ailleurs, l’introduction en bourse de CMGP Group, réalisée le 16 décembre, en est le parfait exemple. Avec une demande 37 fois supérieure à l’offre initiale, cette opération a mobilisé plus de 33.000 investisseurs et permis de lever 1,1 milliard de dirhams. Depuis son IPO, le titre affiche déjà des gains de 45%.
Au-delà du niveau d’activité, l’année 2024 a également été marquée par une amélioration notable des fondamentaux. Le PER (Price-to-Earnings Ratio) global du marché s’est établi à 17,7 fois au 17 décembre, un niveau inférieur à la moyenne des cinq dernières années (autour de 20 fois), en raison de la hausse des bénéfices des sociétés cotées, selon les régulateurs du marché. Cette progression des résultats a permis de maintenir des valorisations attractives et de renforcer l’attrait du marché pour les investisseurs. En parallèle, le marché a amélioré sa liquidité, avec un ratio de 11,48 % à fin novembre 2024, contre 9,50 % en 2023.
En outre, si le Masi a brillé, les moyennes et petites capitalisations n’étaient pas en reste. Le MASI Mid and Small Cap affiche une progression stratosphérique de 52% sur l’année, portée par l’attrait pour des valeurs de croissance et quelques paris spéculatifs. Une preuve que le marché a su offrir des opportunités à tous types d’investisseurs, des plus prudents aux plus «audacieux».
20 novembre 2024 : un jour historique
Parmi les moments forts de l’année, le 20 novembre restera à jamais gravé dans les tablettes. Ce jour-là, dans une ambiance survoltée, le Masi a effacé son record historique de 2008 en franchissant le cap symbolique des 15.049 points. Ce nouveau sommet n'est pas seulement une marque technique, mais aussi une récupération totale des pertes causées par les crises des années précédentes, notamment la guerre en Ukraine et ses répercussions inflationnistes et avant elle le printemps arabe et la crise de 2008.
2024 ne se résume pas qu’à des records. Le lancement du marché à terme en novembre pour une activité effective en 2025 marque une avancée structurelle majeure pour l’écosystème financier. Cet outil, attendu depuis des années, offre, dans un premier temps, aux investisseurs professionnels des solutions inédites pour couvrir leurs risques et dynamiser leur gestion de portefeuille. Avec cette nouveauté, la Bourse de Casablanca s’inscrit dans une modernité indispensable pour répondre aux attentes des investisseurs locaux et internationaux.
Les gagnants et les perdants de l’année
Profitant de vents favorables tant micros que macroéconomiques, plusieurs secteurs cotés (immobilier, BTP, santé, banques, se sont distingués cette année, surperformant même le Masi. Comme en 2023, l’immobilier s’impose comme le grand gagnant avec une progression vertigineuse de plus de 200%, portée par des programmes d’aide au logement et une demande en pleine reprise et des bilans de promoteurs assainis pour les plus grands.
Quant à lui, le secteur de la santé, représenté par Akdital, affiche une progression de 110%, témoignant de l’intérêt croissant des investisseurs pour le secteur, grand gagnant de la généralisation de l'AMO et d'une politique publique favorable à l'investissement privé pour accompagner l'ambition de l'Etat de faciliter l'accès aux soins.
Dans un contexte de reprise des activités portuaires, le transport, porté notamment par Marsa Maroc, a également brillé avec une hausse de 89%, renforcée par l’intégration de nouveaux marchés africains.
Mais l’année n’a pas fait que des heureux en Bourse. Le secteur des télécommunications, représenté par Maroc Telecom, accuse une baisse marquée de 16,40%. Les distributeurs ont vu leurs performances baisser de 3,71%, sous l’effet de pressions sur les marges et d’une concurrence exacerbée dans un marché fragmenté. Ces baisses demeurent toutefois légères en comparaison des importantes hausses enregistrées dans les autres secteurs.
Il faut dire que cette année encore, l’adage «Time in the market matters more than timing the market» a trouvé tout son sens. Les investisseurs de long terme, avec une approche diversifiée et disciplinée, ont non seulement récupéré leurs pertes éventuelles des cycles précédents, mais aussi profité de l’accélération des marchés. La patience, combinée à une stratégie rigoureuse, a prouvé qu’elle demeure la meilleure stratégie à adopter.
Quelles perspectives pour 2025?
En se tournant vers l’avenir, les perspectives pour 2025 restent plutôt prometteuses. Bank Al-Maghrib prévoit une inflation sous la barre des 2,5%, ce qui laisse présager un environnement monétaire favorable. De grands événements tels que la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et les préparatifs pour le Mondial 2030 au Maroc continueront d’être des catalyseurs majeurs pour des secteurs comme le BTP, la construction, la santé et le tourisme.
Marché obligataire : Retour au calme et baisse des taux en 2024
Le marché obligataire a retrouvé un calme relatif en 2024, en nette contraste avec les turbulences des années 2022 et début 2023. Dans un contexte où l’inflation a été ramenée à des niveaux historiquement bas et où les finances publiques ont affiché une résilience, les rendements obligataires ont reculé, tandis que les émissions de Bons du Trésor (BDT) se sont contractées. Ce retour à la sérénité est le fruit d’une gestion prudente des finances publiques et d’une politique monétaire ajustée avec précision.
La baisse de l’inflation à un niveau historiquement bas, estimée à 1% pour 2024 contre 6,1 % en 2023, a joué un rôle central dans la détente des taux. Ce recul a offert à Banque Al-Maghrib la latitude nécessaire pour abaisser le taux directeur à deux reprises, en juin et décembre, le portant à 2,5%. Cet assouplissement a non seulement réduit les coûts de financement sur le marché intérieur, mais il a aussi contribué à modérer les exigences de rentabilité des investisseurs. Les émissions de BDT ont chuté à 169,2 milliards de dirhams à fin novembre, contre 239,8 milliards à la même période en 2023, soit une contraction significative de près de 30%. Cette baisse s’explique par la combinaison d’une amélioration des recettes fiscales et du recours à des mécanismes de financement innovants pour plus de 30 Mds de dirhams, ce qui a limité les besoins d’endettement du Trésor. Les rendements ont également suivi une trajectoire baissière, en ligne avec l’amélioration des perspectives budgétaires et la confiance des investisseurs.
Cette dynamique continue d'être renforcée par l’anticipation d’une émission obligataire internationale au premier trimestre 2025, susceptible de réduire encore davantage la pression sur le marché domestique. Cette perspective permet au Trésor de se financer à des conditions plus avantageuses tout en limitant ses besoins.
Par Youssef Seddik.