L’IPO de SGTM marque l'arrivée sur le marché d’un « grand nom » de l’économie réelle, dans un secteur au cœur du cycle d’investissement public à venir.
Fondée en 1972 par les frères Ahmed et Mohamed Kabbaj, SGTM s’est construite à contre-courant d’un secteur alors dominé par les entreprises étrangères. Plus de cinquante ans plus tard, le raisonnement qui conduit à l’IPO est assumé. Il ne s’agit pas de « sortir », mais d’organiser la suite. Les actionnaires historiques conservent 80% du capital après l’opération, et l’objectif central est d’institutionnaliser la gouvernance, d’ouvrir le capital à de nouveaux publics et d’inscrire le groupe dans le temps long, au-delà de la génération des fondateurs.
L’endettement du groupe est maîtrisé et largement constitué de crédit-bail affecté aux engins. Dans ce contexte, une augmentation de capital aurait surtout abouti à faire « dormir » de la trésorerie excédentaire, explique Idriss Berrada, DG d’Attijari Finances, conseiller financier de l'opération.
Un multispécialiste intégré, difficile à comparer
Interrogé lors d'une conférence de presse mercredi sur ce qui différencie SGTM de ses concurrents, Hamza Kabbaj, DG de SGTM, indique que l’entreprise n’a pas véritablement d’alter ego couvrant tout son spectre d’activités. Au-delà de la diversification sectorielle, SGTM revendique une intégration technique avancée. Sur ce terrain, SGTM insiste sur un point : être aujourd’hui la seule entreprise marocaine à avoir livré des unités industrielles complètes, incluant le process technologique (cimenterie, usine d’engrais, etc.), avec toutes les compétences nécessaires en interne. Une position stratégique au moment où se profile un cycle d’investissements dans l’hydrogène vert, le dessalement, les renouvelables et l’industrie lourde.
Des fondamentaux solides et un carnet de commandes de 37 milliards de dirhams
Sur le plan financier, le discours repose sur la continuité et la robustesse. Le groupe affiche un chiffre d’affaires passé d’environ 8,7 milliards de dirhams en 2022 à 10 milliards en 2024, avec un objectif de 14 milliards en 2025 ; une marge d’EBITDA autour de 17% en moyenne sur les trois dernières années, avec une projection à 16,9% en 2025 ; un résultat net retraité (hors éléments non récurrents) qui se situe en moyenne à 8,5% du chiffre d’affaires sur la période récente, avec un objectif de 7,7% en 2025, soit près de 2 milliards de dirhams ; un endettement net d’environ 830 millions de dirhams à fin 2024, correspondant à un gearing de l’ordre de 32%, projeté à 45% en 2025, ce qui laisse une capacité de levier significative.
Le carnet de commandes contractuel s’élève à 37 milliards de dirhams à l’horizon 2028, composé à près de 38% de commandes publiques, 60% semi-publiques et 5% privées. La visibilité est forte : le chiffre d’affaires 2025 est sécurisé à 100%, celui de 2026 à 72%, 2027 à 46% et 2028 à 23%. La direction insiste d’ailleurs sur le caractère conservateur de ces projections, fondées sur des hypothèses de croissance inférieures à celles anticipées pour l’ensemble du secteur.
Sur la gestion du BFR, sujet critique dans les métiers du BTP, SGTM détaille une palette d’outils : avances de démarrage prévues contractuellement sur une partie significative des projets, schémas classiques de préfinancement bancaire adossés au nantissement des marchés, et recours plus innovant à des « project bonds » pour certains grands chantiers, comme le port de Dakhla.
Une opération populaire, au cœur d’un cycle d’investissement historique
L’autre particularité de cette IPO est sa structuration. Elle porte sur 20% du capital, cédés par la famille Kabbaj, pour une valorisation de 26,7 milliards de dirhams (445 dirhams par action selon la méthode DCF) et un prix d’introduction fixé à 420 dirhams avec des décotes pour les particuliers (souscriptions à moins de 5 MDH) et les salariés. Au final, près de 60% de l’opération serait réservée aux personnes physiques, un ratio inédit pour une IPO de cette taille sur la place de Casablanca.
Cette ouverture intervient dans un contexte macroéconomique qualifié de « cycle d’investissement historique » : plus de 1 000 milliards de dirhams d’investissements publics prévus à l’horizon 2031, une montée en puissance des grands programmes industriels et énergétiques, et une projection affirmée de l’expertise marocaine en Afrique et sur les marchés régionaux, selon le top management de SGTM.
Avec cette opération, le marché casablancais recevra un bon coup de fouet salvateur en cette fin d'année où la dynamique s'est quelque peu endormie.