Les créanciers de Résidences Dar Saada, réunis en Assemblée générale le vendredi 16 février, ont envisagé de déclarer le défaut de paiement malgré l'obtention d'un contrat portant sur plus de 6.800 biens pour le relogement des habitants des bidonvilles de la région de Casablanca. Le groupe cherche à persuader les marchés et sollicite un délai supplémentaire.
Pour Résidences Dar Saada (RDS), la journée du vendredi 16 février a été marquée par une bonne et une mauvaise nouvelle. D'une part, la masse des obligataires (détenteurs d'obligations émises en 2017 par RDS) a demandé en Assemblée générale réunissant les créanciers que leur représentant engage des poursuites judiciaires pour constater le défaut de paiement de RDS et récupérer leurs fonds. D'autre part, RDS a obtenu un contrat significatif dans le cadre du projet de relogement des bidonvilles de Mediouna, qu'il espère utiliser pour obtenir un report de paiement. Le groupe souhaite reporter le règlement des échéances impayées au 5 avril, ce que les créanciers refusent catégoriquement. La course contre la montre est lancée.
Contexte
RDS avait levé 250 millions de dirhams (MDH) par voie d'emprunt obligataire en 2017. Trois ans plus tard, en pleine pandémie, le groupe a sollicité un premier rééchelonnement de sa dette, ce qui avait été accordé. Mais en juillet 2023, RDS n'a pas pu honorer une première échéance et a proposé en octobre de la reporter (celle de juillet) au 30 novembre 2023, tout en répartissant les cinq échéances restantes en dix paiements trimestriels débutant le 5 janvier 2024. Selon nos informations, le groupe n'a réglé ni l'échéance de novembre, ni celle de janvier. La raison ? Un blocage de compte opéré par des fournisseurs, que RDS a réussi à lever, mais qui a été immédiatement suivi d'un avis à tiers détenteur (ATD) que la direction tente de résoudre par tous les moyens.
Lors de l'Assemblée générale des obligataires du 16 février 2024, les obligataires ont donc pris la décision de considérer le non-paiement des échéances de juillet 2023, d'octobre 2023 et de janvier 2024 comme un cas de défaut. La direction de RDS espérait quant à elle obtenir un nouveau report du règlement de toutes ces échéances jusqu'au 5 avril.
Le programme de relogement peut-il faire la différence ?
Selon des sources du marché, RDS avait informé ses créanciers de sa candidature pour la construction de plus de 10 000 logements, dont 1 280 unités livrables, dans le cadre de l'appel à Manifestation d'Intérêt pour le relogement des habitants des bidonvilles à Médiouna, Nouaceur et Casablanca. Nous avions révélé vendredi que RDS avait remporté le marché pour 6 801 logements lors de l'ouverture initiale des offres. Néanmoins, les obligataires ne semblent plus enclins à accorder de délai supplémentaire aux promoteurs.
RDS, de son côté, croît dur comme fer au bien fondé de sa démarche. Le promoteur considère que ce programme pourrait lui permettre de surmonter cette période difficile et éviter le défaut. Le management a d'ailleurs assuré par écrit à ses créanciers que les fonds générés par ce programme garantiraient le paiement des échéances de la dette privée si elles étaient reportées au 5 avril 2024. Il faut dire que la somme d'argent en jeu est significative : la ville de Casablanca prévoit des avances considérables, allant jusqu'à 30 000 dirhams (DH) par unité à produire, 60 000 DH par unité dont l'avancement est supérieur à 50%, et plus de 90 000 DH par unité achevée, et ce, dès la signature de l'accord. Ceci représente, selon nos estimations, un encaissement immédiat et à minima de plus de 115 millions de dirhams, si l'on considère que les 1.280 unités livrables immédiatement. Mais pour les créanciers, cela n'est pas suffisant pour à la fois honorer la dette et livrer les unités promises dans le cadre de ce programme.
Alors défaut ou nouveau sursis ? Le marché retient son souffle.
A.H