WASHINGTON (Reuters) - La Réserve fédérale américaine a franchi mercredi un grand pas vers la fin du cycle de resserrement de sa politique monétaire engagé fin 2015 en laissant entendre qu’elle ne relèverait pas les taux cette année et en annonçant qu’elle arrêterait de réduire son bilan en septembre.
La banque centrale américaine, qui a réaffirmé son engagement à être “patiente”, ne table désormais plus que sur une seule hausse de taux d’ici 2021 et n’évoque plus la nécessité de resserrer sa politique monétaire pour prévenir une accélération de l’inflation.
Elle a en outre précisé qu’elle allait ramener la diminution de ses avoirs en bons du Trésor à 15 milliards de dollars par mois à partir du mois de mai, contre 30 milliards mensuels actuellement. La réduction du bilan sera ensuite totalement interrompue à partir de septembre si la situation économique et monétaire évolue d’ici-là conformément aux prévisions.
Ces annonces signifient que la Fed met à l’arrêt les deux moteurs du resserrement de sa politique monétaire afin d’adapter cette dernière au ralentissement de la croissance mondiale et à la dégradation de certains indicateurs économiques aux Etats-Unis.
“Il pourrait s’écouler un certain temps avant que les perspectives en matière d’emploi et d’inflation plaident clairement en faveur d’un changement de politique”, a dit son président, Jerome Powell, lors de la conférence de presse qui suit désormais chacune des réunions de politique monétaire.
“‘Patient’ signifie que nous ne voyons pas le besoin de nous précipiter pour arrêter un jugement.”
L’objectif de taux des fonds fédéraux (“fed funds”), principal instrument de la politique monétaire américaine, reste fixé à 2,25%-2,50% et les nouvelles prévisions publiées par la Fed montrent que ses dirigeants ne prévoient plus aucune hausse de taux cette année et n’en prévoient qu’une seule en 2020.
La Fed n’évoque en outre plus la nécessité de faire monter les taux à un niveau “restrictif” pour prévenir une accélération de l’inflation, qui reste inférieure à son objectif de 2%.
Après ces annonces, les contrats à terme sur les “fed funds” ont commencé à intégrer une augmentation de la probabilité d’une baisse de taux l’an prochain.
Jerome Powell a toutefois écarté cette possibilité en disant que l’économie américaine se portait bien et que les perspectives étaient “positives”.
Il a néanmoins évoqué la montée des risques, parmi lesquelles les incertitudes sur le Brexit, le ralentissement économique en Europe et en Chine ou encore les discussions commerciales entre Washington et Pékin.
“C’est un très bon moment pour être patient”, a-t-il ajouté.
Le dollar et les rendements des Treasuries se sont orientés à la baisse après ces annonces: le billet vert est revenu à son plus bas niveau depuis début février face à un panier de devises de référence et le rendement des bons du Trésor à dix ans cédait plus de huit points de base en fin de séance à 2,5245%, au plus bas depuis janvier 2018.
A Wall Street, le recul marqué des valeurs bancaires, dont la rentabilité dépend en partie du niveau des taux, a pesé sur la tendance, l’indice Dow Jones et le Standard & Poor’s 500 terminant dans le rouge.
“La Fed a dépassé les attentes du marché en matière de discours accommodant et le dollar en a payé le prix”, explique Joe Manimbo, analyste senior de Western Union Business Solutions. “La Fed a opéré une volte-face importante en matière de politique monétaire. Le fait que la Fed jette l’éponge et renonce à toute hausse de taux en 2019 est particulièrement ‘dovish’.”
Les nouvelles prévisions économiques de la banque centrale intègrent la perspective d’un chômage légèrement plus élevé qu’estimé initialement, d’une inflation un peu plus faible et d’une croissance moins dynamique.
La Fed a ainsi ramené sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis pour cette année de 2,3% à 2,1% et la prévision d’inflation à 1,8% contre 1,9%. Le taux de chômage, lui, est attendu à 3,7%, légèrement au-dessus du niveau attendu il y a trois mois.
Au moins neuf des 17 membres du Federal Open Market Committee (FOMC) ont parallèlement revu à la baisse leurs estimations en matière de niveau futur des taux d’intérêt.
La Fed, qui a procédé à sept hausses de taux sur la période 2017-2018, se dirige vers un taux des “fed funds” de 2,6% en fin de cycle de resserrement, un niveau bien inférieur aux références historiques.
“Pour l’instant, la Réserve fédérale évoque encore un biais vers un resserrement de sa politique puisqu’elle signale une hausse de taux en 2020. Mais avec la présidentielle en fin d’année et un président Trump enclin à profiter politiquement des défis qu’il lance à la Fed au sujet de la hausse des taux, nous doutons qu’elle ait lieu”, commente James Knightley, chef économiste d’ING.