La Bourse de Moscou (MOEX), première place de Russie, a suspendu, jeudi, ses échanges en dollars US, en euros et en dollars de Hong Kong, en raison d'une nouvelle vague de sanctions américaines. Une situation qui met la Russie face au risque d'une forte volatilité, voire une instabilité monétaire.
Cette mesure a été annoncée mercredi par la Banque de Russie (BCR), dans la foulée de sanctions imposées par le Trésor américain à plusieurs institutions financières russes, dont la place boursière de la capitale, ainsi que le Centre national de compensation de Russie (NCC) et le Dépositaire national de règlement (NSD), tous deux propriété de la MOEX.
Bien qu’attendues depuis novembre 2023 par la BCR, les sanctions contre la Bourse de Moscou n’ont pas manqué de susciter moult interrogations et inquiétudes concernant les possibles répercussions sur le taux de change du rouble et sur les épargnes en devises.
Plusieurs experts, interrogés par les médias russes, jugent que la suspension des opérations en dollars et en euros sur la place de Moscou entraînera une "augmentation significative des écarts entre l'achat et la vente de devises".
Comme les échanges en dollars et en euros, qui représentaient plus de 50% du volume total des échanges de la MOEX en mai, s'effectueront désormais sur le marché interbancaire de gré à gré, il n'y aura plus d’instrument garantissant la visibilité des cotations pour tous les acteurs du marché, estime Denis Domashchenko, analyste des marchés financiers à l’Université russe d'économie Plekhanov.
Autrement dit, les banques échangeront entre elles des informations sur les taux sans l'intermédiaire d'une bourse centrale, ce qui créera un marché plus enclin aux manipulations, explique l’expert qui s’attend à une augmentation de la volatilité sur le marché de gré à gré, avec de grandes fluctuations du cours de change.
Jeudi, le rouble est tombé à son plus bas niveau depuis près de trois semaines face au dollar dans la foulée de la suspension des échanges boursiers en dollars et en euros. Sur le marché interbancaire, il avait atteint son plus bas niveau, à 91,49 unités le billet vert, certaines banques ayant pris des positions spéculatives avant le lancement officiel des offres à 06:50 GMT.
À ce sujet, Yuri Popov, stratège chez SberCIB Investment Research, convient qu'à court terme, "il pourrait y avoir une forte volatilité et des écarts importants aux guichets de change".
Ces écarts devraient diminuer à moyen terme, selon l’économiste, et pourraient conduire à un renforcement du rouble, en raison d’une "baisse" des sorties de capitaux.
L’expert indépendant Andreï Barkhota minimise, quant à lui, les effets de la suspension des échanges en devises européenne et américaine, précisant que la Banque centrale de Russie a commencé à se préparer à d’éventuelles sanctions contre la Bourse de Moscou dès le troisième trimestre 2023.
"Travailler avec des monnaies toxiques nécessitera des opérations plus complexes et en plusieurs étapes”, a-t-il dit, se joignant à la position du Kremlin, qui place toute sa confiance en la BCR, chapeautée par Elvira Nabioullina.
De l’avis du porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, la Banque de Russie est en mesure d'assurer la stabilité sur tous les marchés dans cette nouvelle conjoncture économique.
"Basons-nous sur les déclarations de la Banque centrale. En fait, la Banque centrale est un méga-régulateur, elle est capable d'assurer la stabilité de tous les marchés", a-t-il déclaré, en réponse aux questions des journalistes.
Le régulateur du système bancaire russe s’est voulu rassurant concernant l’impact possible des sanctions américaines sur la Bourse de Moscou, notant que "le rôle du dollar américain et de l'euro sur le marché russe n'a cessé de diminuer au cours des deux dernières décennies".
Toutefois et en dépit de ces assurances, les experts sont unanimes: les sanctions américaines contre la MOEX influeront sur le taux directeur de la Banque de Russie, qui pourrait être revu à la hausse lors de la prochaine réunion de son comité directeur le 26 juillet.