NEW YORK, 18 juin (Reuters) - Face aux tensions sur le front du libre-échange, les gérants de fonds cherchent à identifier les entreprises qui pourraient échapper aux conséquences d'une éventuelle guerre commerciale internationale ou en tirer profit.
Les gérants de fonds d'entreprises telles que AllianceBernstein, Causeway Capital Management et Janus Henderson renforcent ainsi leurs positions dans des sociétés allant de la plus grande banque italienne au numéro un chinois du commerce ligne.
Parmi les critères qu'ils retiennent: une solide activité sur un marché national peu sensible aux tarifs douaniers, une position dominante sur le marché, ou encore des produits protégés par la propriété intellectuelle que les clients continueront à acheter en dépit de taxes supplémentaires.
"L'impact de tarifs douaniers est devenu un facteur plus important dans notre prise de décision", explique George Maris, gérant d'un portefeuille du fonds Janus Henderson Global Select, d'une valeur de 2,2 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros).
TECHS ET FINANCIÈRES
George Maris, qui dit négocier "tactiquement" plus qu'habituellement en raison des menaces de tarifs douaniers, a renforcé ses positions dans des groupes comme Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne, qui dominent leur marché intérieur.
Le président américain Donald Trump a annoncé vendredi l'instauration de droits de douane de 25% sur 50 milliards de dollars d'importations en provenance de Chine.
Pékin a aussitôt riposté. Le Conseil d'Etat (gouvernement) a décidé d'imposer des droits de douane de 25% sur 659 produits américains d'une valeur totale de 50 milliards de dollars, a rapporté l'agence Chine nouvelle.
Donald Trump, qui s'en prend également à ses alliés, a dressé une liste de plus de 800 produits chinois, qui seront taxés à compter du 6 juillet
Il a qualifié le Premier ministre canadien de "très malhonnête et faible" après le sommet du G7 qui s'est tenu le week-end dernier au Canada, et a évoqué la possibilité d'imposer des droits de douane sur les importations d'automobiles, une décision susceptible de peser sur l'économie canadienne.
De son côté, l'Union européenne a ouvert une procédure devant l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) contre la décision américaine d'imposer les importations d'acier et d'aluminium en provenance de l'UE et a dressé une liste de produits américains qui seraient frappés par des mesures de rétorsion.
Les menaces de protectionnisme, conjuguées à la hausse des taux d'intérêt américains ont contribué à la chute des marchés boursiers en février. Depuis, les principaux indices ont regagné la majeure partie du terrain perdu. Le S&P-500 affiche une hausse de près de 5% depuis le début de l'année, tandis que l'indice des principales valeurs européennes Stoxx 600 a pris plus de 2,5% sur la même période.
"DES OPPORTUNITÉS À COURT TERME"
Conor Muldoon, gérant de portefeuille du fonds Causeway International Value de 8,7 milliards de dollars, explique que ces tensions commerciales et d'autres données macroéconomiques "offrent des opportunités à court terme". Le fonds a renforcé ses positions dans la banque italienne UniCredit, par exemple, après un fort mouvement de vente sur le titre en mars, dans le sillage d'élections italiennes qui ont fait redouter une nouvelle crise au sein de la zone euro.
Le fonds Causeway International Value accroît également ses positions dans les groupes pharmaceutiques, comme GlaxoSmithKline et Takeda, qui possèdent tous les deux de solides portefeuilles de médicaments, ajoute-t-il.
L'action du britannique a pris 19,5% depuis le début de l'année, tandis que celle du japonais a perdu 32% sur la même période, après le relèvement de son offre à 62 milliards de dollars sur son concurrent Shire.
Sammy Suzuki, co-gérant de portefeuille du fonds AB International Strategic Core doté de 77 millions de dollars, estime que la menace de perturbations technologiques sur certains marchés est tout aussi préoccupante pour quelques grandes entreprises mondiales que l'impact de tarifs.
En conséquence, son fonds se concentre davantage sur ce qu'il appelle les "facilitateurs", des fournisseurs de technologie, dont les valorisations ne sont pas aussi élevées que celle d'Amazon.com et autres Netflix.
Le groupe espagnol Amadeus, par exemple, fournit la technologie de réservation utilisée notamment par British Airways, Southwest et Lufthansa. L'action Amadeus s'est adjugé 20% depuis le début de l'année.
"Même si vous le vouliez, il est difficile de se passer de ce type de sociétés", relève-t-il.
Sammy Suzuki a également accru ses positions dans les grands noms du luxe, comme le groupe italien de prêt-à-porter Moncler ou le numéro un mondial des spiritueux Diageo. L'un comme l'autre fabrique des produits qui ne devraient pas être fortement pénalisés par les coûts commerciaux mondiaux, ajoute-t-il.
"On peut trouver des entreprises qui résisteront aux tarifs douaniers sur des niches, mais ça demande du travail."