Nouvelle forte hausse des taux d'intérêt en vue aux Etats-Unis, où la banque centrale cherche à tout prix à faire ralentir l'activité économique pour diminuer l'inflation, et alors que la menace de récession lui complique la tâche.
Les responsables de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, se réunissent depuis mardi matin, et jusqu'à mercredi midi.
Au programme des discussions: quelle doit être la hausse du taux directeur pour parvenir à faire enfin ralentir la hausse des prix? Et quand faudra-t-il commencer à lever le pied sur le resserrement monétaire pour ne pas faire sombrer l'économie?
Une nouvelle hausse de 0,75 point est très majoritairement anticipée par les marchés, il s'agirait de la quatrième d'affilée de cette ampleur. Le taux directeur est actuellement compris entre 3,00 et 3,25%.
Le comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed annoncera sa décision mercredi à 14H00 (18H00 GMT), puis son président, Jerome Powell, tiendra une conférence de presse à 14H30 (18H30 GMT).
Mais la Fed devrait aussi indiquer ce qu'elle compte faire ensuite, et signaler "que le rythme des hausses devrait ralentir lors des prochaines réunions", anticipe Steve Englander, responsable de la macro-économie américaine pour Standard Chartered, et ancien économiste à la Fed.
Il prévoit 0,75 point mercredi, puis 0,50 point lors de la réunion suivante, mi-décembre, et 0,25 point en janvier.
"Cependant, la Fed est plus susceptible de suggérer qu'elle veut donner à l'économie le temps de s'adapter à l'évolution des taux directeurs, plutôt que d'indiquer qu'elle voit la nécessité d'inverser sa politique", nuance-t-il.
Il faut en effet des mois pour que les hausses des taux aient un effet sur l'économie.
Ainsi, l'inflation était encore en septembre de 6,2% sur un an, proche de ses plus hauts niveaux depuis plus de 40 ans, selon l'indice PCE privilégié par l'institution, dont l'objectif est de la ramener à 2%.
Une autre mesure, l'indice CPI, qui fait référence notamment pour l'indexation des retraites, a montré une hausse des prix de 8,2% sur un an en septembre.
A moins d'une semaine des élections de mi-mandat, lors desquelles le président Joe Biden risque de perdre sa faible majorité démocrate au Congrès, l'inflation est désormais la principale préoccupation des foyers américains.
Mais un autre danger menace, puisque ce ralentissement volontaire de l'activité risque de faire plonger l'économie américaine dans la récession en 2023.
Jerome Powell avait averti, à l'issue de la dernière réunion, en septembre, qu'il n'existait pas de "moyen indolore" de combattre durablement l'inflation.
En attendant, les Etats-Unis ont enregistré un trimestre de croissance entre juillet et septembre, avec +2,6% de croissance du PIB en rythme annualisé. Quant au marché de l'emploi, il affiche toujours une santé de fer.
"Nous pensons que la Fed va continuer de se concentrer massivement sur la forte inflation et sur un marché du travail durablement solide", détaillent ainsi Krishna Guha et Peter Williams, économistes pour Evercore, société de conseil en investissements.
Mais les responsables de la Fed pourraient également reconnaître les risques de leur resserrement monétaire, entre autres, "pour la croissance mondiale".
La Fed a, déjà, depuis le mois de mars, relevé ses taux à cinq reprises, d'abord de 0,25 point, puis de 0,50, et enfin, trois fois, de 0,75 point.
Le sénateur démocrate Sherrod Brown, président de la commission bancaire du Sénat, a envoyé fin octobre un courrier à Jerome Powell, "pour rappeler à la Réserve fédérale sa responsabilité quant au maintien du plein emploi", et insister sur le fait que "la lutte de la Fed contre l'inflation ne doit pas faire souffrir les travailleurs", précise un communiqué.
La crédibilité de la puissante institution est par ailleurs en jeu car, après avoir assuré pendant des mois que la forte inflation ne serait que temporaire, elle a jusqu'à présent échoué à la faire ralentir. Or, plus les ménages anticipent une hausse des prix durable, plus ils agissent en conséquence, et plus celle-ci s'ancre.
Ce qui nécessite alors des mesures encore plus douloureuses, comme ce fut le cas au début des années 1980, après des années d'inflation frôlant parfois les 15%.