Les marchés boursiers ont fortement reculé mercredi, anxieux des intentions monétaires de la banque centrale américaine (Réserve fédérale, Fed), alors que certains anticipent une récession économique aux États-Unis mais aussi en Europe à cause des embargos et du resserrement monétaire.
Les Bourses européennes, qui ont creusé leurs pertes tout au long de la journée, ont clôturé en forte baisse: Paris a perdu 2,21%, Francfort 1,89%, Milan 2,06%. Les places française et italienne ont même lâché très brièvement 3%. Londres a pour sa part perdu 0,34%.
La Bourse de New York s'est également repliée: le Dow Jones a cédé 0,42%, le S&P 500 0,97% et le Nasdaq, à forte coloration technologique, a chuté de 2,22%.
Les investisseurs ont guetté, inquiets toute la séance, la publication du compte-rendu (les "minutes") de la dernière réunion de la Fed afin de déceler de nouveaux indices sur l'ampleur des futures hausses de taux et le rythme de réduction de son bilan.
Les membres de la Fed ont montré, dans ces "minutes", qu'ils étaient favorables à des tours de vis monétaires plus marqués.
"De nombreux participants ont souligné qu'une ou plusieurs hausses de 50 points de base (un demi-point de pourcentage, NDLR) (...) pourraient être appropriées lors de réunions futures, en particulier si les pressions inflationnistes restent élevées ou s'intensifient", est-il indiqué dans ce compte-rendu.
Surtout, la banque centrale semble désormais déterminée à se défaire plus rapidement des milliards de dollars d'achats d'actifs qu'elle a emmagasinés pendant la crise sanitaire pour soutenir l'économie.
"La Fed a révélé qu'elle prévoyait de réduire son bilan de près de 100 milliards de dollars par mois, ce qui est le double du rythme de réduction de bilan opéré entre 2017 et 2019", a commenté Paul Ashworth de Capital Economics.
Cette perspective d'un resserrement monétaire agressif fait craindre aux analystes de la Deutsche Bank une récession économique aux États-Unis d'ici à la fin de l'année. "Et ils ne sont pas les seuls, de nombreux économistes ont cette vision", affirme Philippe Cohen, gérant de portefeuille de Kiplink Finance.
Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), un membre du directoire a prévenu mercredi qu'un resserrement de la politique monétaire en zone euro risquerait de plomber l'activité économique déjà fragilisée.
Les opérateurs européens sont d'autant plus inquiets que des discussions se tiennent actuellement entre les pays membres de l'Union européenne sur de nouvelles sanctions contre la Russie, concernant le charbon et les investissements dans le pays. Le Royaume-Uni et les États-Unis ont annoncé de nouvelles mesures économiques et financières.
C'est surtout un arrêt des importations de gaz et de pétrole russes qui inquiète les marchés, "ce serait insupportable pour l'économie", selon Philippe Cohen.
Mais pour Michael Hewson, "ce n'est qu'une question de temps avant que la pression ne devienne trop forte" et que les pays encore réticents à cette mesure ne cèdent, surtout si de "nouvelles preuves d'atrocités commises par les Russes" surviennent. La Russie est accusée d'exactions sur les populations civiles en Ukraine, notamment dans la ville de Boutcha, près de Kiev.
Le président du Conseil européen Charles Michel a estimé mercredi que l'UE devrait "tôt ou tard" prendre des sanctions sur le pétrole et le gaz russes.
Sur le marché obligataire, les taux d'intérêt réagissaient à tout ce contexte en grimpant: celui pour l'emprunt américain à 10 ans s'établissait à 2,59%, au plus haut depuis 2019. Ceux en Europe se tendaient également nettement, le 10 ans allemand montant à 0,644%.
Les valeurs de la technologie, qui ont besoin de taux bas pour financer leur croissance et pour la valorisation de leurs bénéfices à long terme, ont reculé.
À New York, des géants tels que Meta (-3,68%) ou Amazon (-3,23%) ont conclu dans le rouge. En Europe, Teleperformance (-4,53%), Darktrace (-1,55%) ou encore HelloFresh (-9,46%) ont aussi souffert.
Encore plus exposés, les fabricants de semi-conducteurs ont mal supporté les tensions internationales et des mesures de restriction en Chine. Infineon a reculé de 3,78%, STMicroelectronics de 2,77%. Nvidia a perdu 5,88% et AMD 2,95%.
Les prix du pétrole ont baissé après une hausse sensible et surprise des stocks de brut américains.
Le baril de WTI à échéance mai est repassé sous les 100 dollars, perdant 5,61% à 96,23 dollars. Le Brent de mer de Nord, la référence européenne, pour livraison mai a cédé 5,22% à 101,07 dollars.
Sur le marché des devises, le rouble est temporairement revenu près du niveau auquel il avait clôturé le 23 février (81,16 roubles pour un dollar), avant l'invasion russe de l'Ukraine. Vers 20H30 GMT, il s'échangeait à 82,4375 roubles pour un dollar.
L'euro restait faible (-0,05% à 1,0900 dollar), face au billet vert, galvanisé cette semaine par la politique de la Fed.
Le bitcoin reculait de 4,28% à 43.906 dollars.