La BCE va réaffirmer sa politique de soutien massif à l'économie jeudi en l'absence de nette relance de l'inflation et dans un contexte politique délicat avec le scrutin présidentiel en France, estiment des analystes.
"La BCE ne va pas se départir de sa posture très prudente juste avant le second tour de l'élection présidentielle française prévue le 7 mai", souligne l'économiste Marco Valli d'Unicredit.
L'élection probable du candidat pro-européen Emmanuel Macron constitue certes une bonne nouvelle propre à éloigner les risques d'instabilité financière et de freinage sur la croissance et les prix dans la zone euro.
Mais la qualification au second tour dimanche de la candidate du Front National Marine Le Pen reste un facteur de risques, jugent les économistes.
A vrai dire, la plupart des membres du conseil de la BCE "aurait préféré ne pas tenir la réunion à venir", afin d'éviter d'alimenter la spéculation sur les marchés qui épluchent les discours du patron Mario Draghi dans les moindres recoins, ironise Carsten Brzeski, chez ING Bank.
Le conseil ne dispose pas de données économiques majeures pouvant l'amener à modifier sa trajectoire, relèvent les experts.
L'inflation en rythme annuel s'est ainsi de nouveau tassée au mois de mars à 1,5% et ce de manière plus forte qu'attendu, après le pic de 2% de février qui, lui, était conforme à l'objectif défini par la BCE.
La statistique pour avril sera livrée vendredi, soit après la réunion du conseil des gouverneurs. Début mars, la BCE avait relevé ses prévisions d'inflation, surtout pour l'année en cours, en tenant compte de la hausse des prix du pétrole et de la meilleure dynamique économique en zone euro.
Jeudi, elle devrait donc maintenir des taux directeurs en zone euro à leur plus bas historique — avec le principal taux à zéro et celui sur les dépôts à -0,40% — et poursuivre le programme d'achats massifs de dettes publique et privée en vigueur depuis mars 2015, jugent les économistes.
Lors de cette dernière réunion de mars, le sentiment avait affleuré d'une discussion de fond menée entre gouverneurs de banque centrale sur la stratégie de sortie de l'actuelle politique monétaire.
Depuis, l'Italien a calmé le jeu, en martelant début avril que la BCE n'avait pas l’intention de relever ses taux directeurs avant la fin du programme d'achats d’actifs, censé se poursuivre jusqu'à la fin 2017 ou au-delà si nécessaire.
Comme aucune annonce forte n'est attendue ce jeudi, les yeux se tournent déjà vers la réunion du mois de juin où le débat pourrait s'envenimer, car les nouvelles prévisions d'inflation et de croissance de la BCE seront alors dévoilées.
"Pour le moment on en est encore à la paix des braves, mais il y a un conflit qui couve au sein du conseil des gouverneurs sur le degré de reprise et les risques qui pèsent sur cette reprise en zone euro", observe Gilles Moec.
Mario Draghi et le chef économiste de la BCE Peter Praet ont dernièrement insisté sur les menaces pesant sur l'économie de la zone euro compte tenu d'un contexte mondial compliqué, marqué par les craintes de repli protectionniste aux Etats-Unis, le "Brexit", ou encore la montée des mouvements populistes en Europe.
Plus optimiste, Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution, a jugé les risques "largement équilibrés" et évoqué la perspective prochaine d'une normalisation de la politique monétaire de la BCE.