FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne a annoncé jeudi une augmentation plus importante que prévu de son soutien à l’économie de la zone euro face au choc provoqué par la pandémie de coronavirus, qui se soldera par la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale.
Moins de trois mois après avoir déployé un nouvel arsenal de mesures d’urgence, la BCE a décidé d’augmenter de 600 milliards d’euros, pour le porter à 1.350 milliards, le montant du “Programme d’achats d’urgence pandémique” (PEPP), un plan d’achats de dettes sur les marchés visant à faire baisser les coûts de financement des Etats, des entreprises et des ménages.
Les achats dans le cadre du PEPP seront en outre prolongés d’au moins six mois, soit jusqu’en juin 2021, et le produit des échéances de titres de ce portefeuille sera réinvesti jusqu’à la fin 2022 voire au-delà.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a toutefois déçu les investisseurs qui espéraient des précisions sur une possible extension des achats aux obligations d’entreprise notées en catégorie spéculative, les “junk bonds”, en déclarant que le Conseil des gouverneurs n’avait pas abordé le sujet.
Ces annonces ont néanmoins été saluées par une nouvelle hausse de l’euro au-delà de 1,1290 dollar, au plus haut depuis le 12 mars, tandis que les grands indices boursiers de la zone euro réduisaient leurs pertes ou passaient en territoire positif.
Le rendement des obligations d’Etat allemandes à dix ans, référence pour l’ensemble de la zone euro, est parallèlement monté à -0,308%, son plus haut niveau depuis près de deux mois.
“Les mesures d’assouplissement d’aujourd’hui sont une nouvelle illustration du fait que la BCE ne plaisante pas et qu’elle est prête à faire tout ce qu’il faudra pour aider la zone euro à sortir vivante et entière de la crise du coronavirus. La BCE jouera son rôle et elle espère que les gouvernements joueront le leur”, commentent les analystes de la banque Nordea dans une note.
La BCE s’attend désormais à une contraction de 8,7% de l’économie de la zone euro cette année, alors qu’elle tablait en mars sur une croissance de 0,8%.
Elle anticipe un rebond de 5,2% en 2021 et de 3,3% en 2022 mais Christine Lagarde a reconnu que la reprise était pour l’instant “laborieuse” et que les risques entourant son scénario de base penchaient à la baisse: l’hypothèse la plus sombre envisagée par la banque centrale est celle d’une contraction allant jusqu’à 12,6%.
La présidente de l’institution s’est par ailleurs dite confiante dans la possibilité d’une “bonne solution” au casse-tête juridique et politique que constitue la décision rendue début mai par la Cour constitutionnelle allemande, qui oblige la Bundesbank, la banque centrale nationale, à justifier d’ici début août les achats d’emprunts d’Etat.
Ces achats visent entre autres à faciliter la tâche des gouvernements de la zone euro, confrontés à l’envolée du chômage et des déficits budgétaires et contraints d’accroître fortement leurs emprunts sur les marchés financiers au risque d’une hausse de leurs coûts de financement.
Christine Lagarde a par ailleurs salué le projet ambitieux de la Commission européenne visant à compléter le budget de 1.100 milliards d’euros de l’Union pour la période 2021-2027 par un plan de relance de 750 milliards.
Sans surprise, la BCE n’a pas modifié ses taux d’intérêt : son taux de dépôt reste fixé à -0,5%, le taux de refinancement à zéro et le taux de la facilité de prêt marginal à 0,25.
Le fait que le taux de dépôt soit négatif signifie que les banques qui choisissent de déposer leurs liquidités excédentaires à la BCE plutôt que de les prêter doivent payer des intérêts à la banque centrale.