La Banque centrale européenne devrait sauf énorme surprise commencer à baisser jeudi ses taux d'intérêt, actuellement à leur plus haut niveau historique, offrant un bol d'air aux ménages et aux entreprises.
Il existe de "solides arguments en faveur d'une réduction des taux en juin", a déclaré récemment à l'AFP le gouverneur de la Banque de Finlande Olli Rehn, qui siège au sein du conseil des gouverneurs de la BCE.
Plusieurs de ses collègues se sont exprimés dans le même sens.
L'ampleur de cette première baisse des taux après le cycle de relèvement devrait être de 25 points de base, selon les experts. Cela ramènerait le taux sur les dépôts de 4%, son plus haut atteint en septembre dernier, à 3,75%.
Si la baisse se confirme, la BCE va brûler la politesse pour la première fois de son histoire à la Fed américaine dans ce domaine.
L'inflation est repartie à la hausse en mai dans la zone euro, à 2,6% sur un an après 2,4% en mars et avril, selon des chiffres publiés vendredi.
Cette remontée "est liée à des facteurs temporaires", a commenté Riccardo Marcelli Fabiani, analyste d'Oxford Economics.
Du coup, elle "n'empêchera pas la baisse des taux d'intérêt en juin, clairement annoncée. Mais la BCE sera prudente et il est peu probable qu'elle abaisse (à nouveau) ses taux d'intérêt lors de la réunion de juillet", a-t-il estimé.
Le gros de la désinflation a été effectué en zone euro, depuis le sommet à plus de 10% de hausse des prix atteint en octobre 2022.
La BCE entend néanmoins la voir encore descendre vers l'objectif de 2% qu'elle a fixé.
"La question la plus intéressante" jeudi autour de la table du conseil des gouverneurs sera donc de savoir "dans quelle mesure la BCE sera disposée à donner des orientations" sur ses taux au-delà de juin, affirme à l'AFP Dirk Schumacher, économiste chez Natixis.
A ce sujet, des nuances au sein de la BCE entre les "colombes", partisans d'un cap monétaire souple, et les "faucons" adepte de l'orthodoxie monétaire, se sont déjà manifestées ces derniers jours.
Après juin, une deuxième baisse consécutive des taux en juillet est tout sauf acquise car "nous ne sommes pas sur pilote automatique", a prévenu le "faucon" Joachim Nagel, président de la Banque centrale allemande.
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a plaidé quant à lui pour "un maximum d'optionnalité", la BCE devant garder sa "liberté sur le timing et le rythme".
Pour alimenter la discussion, la BCE disposera d'un nouveau jeu de projections économiques.
En mars, l'institution disait s'attendre à ce que l'inflation atteigne son objectif de 2% en 2025.
Depuis, tant le PIB que l'inflation en zone euro ont quelque peu surpris à la hausse.
Mais les nouvelles projections actualisées "ne devraient montrer que des changements marginaux, ce qui permettrait en principe des réductions régulières des taux", croit M. Schumacher.
Un indicateur commenté ces derniers temps, la croissance des salaires négociés, a rebondi à 4,7 % en glissement annuel au premier trimestre, après 4,5% au dernier trimestre de 2023, en raison notamment de paiements de primes ponctuelles.
"Les 'faucons' souligneront la forte croissance continue des salaires qui devrait appeler à la prudence" sur les taux, ajoute l'économiste.
Dans ce contexte, la BCE pourrait ne réduire ses taux qu'une fois par trimestre pour ramener le taux de dépôt à 3,25 % fin 2024", prévoit Holger Schmieding, chez Berenberg.
La Fed ou la Banque d'Angleterre pourraient de leur côté n'assouplir leur cap monétaire que vers la fin de l'année, face à une inflation restant résiliente.