S’empêtrant dans un cycle de croissance quasi-nulle depuis presque sept ans, l’Afrique du Sud ne semble plus bénéficier des faveurs des investisseurs, inquiétés par l’incertitude politique dans laquelle le pays s’est engouffré.
Cette perte d’intérêt dans le marché sud-africain est constatée par de nombreux centres de recherche nationaux et internationaux, qui soulignent que l’Afrique du Sud est appelée à opérer des réformes structurelles approfondies pour espérer s’inscrire dans une nouvelle trajectoire de croissance durable mais surtout crédible aux yeux de la communauté des affaires.
Les investisseurs internationaux désireux d’investir en Afrique ne se tournent plus vers l’Afrique du Sud comme une porte d’entrée vers d’autres marchés du continent, indique la firme de consulting et de recherche économique, Jack Hammer.
«Les analyses dont nous disposons montrent que les compagnies internationales qui veulent s’implanter en Afrique ne considèrent plus l’Afrique du Sud comme leur plate-forme d’entrée», note Debbie Goodman-Bhyat, président-directeur général de Jack Hammer.
Cette situation s’explique, selon la responsable, en partie par les perspectives de plus en plus difficiles de l’économie sud-africaine.
Un rapport publié récemment par la chambre de commerce et de l’industrie sud-africaine corrobore cette conclusion, en notant que la confiance des investisseurs dans les perspectives d’avenir de l’économie sud-africaine continue de s’affaiblir, atteignant son niveau le plus bas depuis plus de 30 ans.
L’indice de confiance des investisseurs a baissé à 89,6 points au mois d’août dernier contre 95,3 points aux mois de juillet, soit le niveau le plus faible depuis les années 1980.
Les analystes sont unanimes à lier ce déclin de l’Afrique du Sud au ralentissement de la croissance économique qui perdure depuis presque sept ans et aux inquiétudes croissantes associées à la gouvernance politique et économique.
Le pays vient de sortir d’une récession technique suite à un taux de croissance de l’ordre de 2,5 pc au deuxième trimestre de 2017. Le taux de croissance pour toute l’année en cours ne devra pas dépasser 0,6 pc, selon les prévisions de la Banque mondiale.
Ce marasme économique têtu aggrave les problèmes d’un pays qui a besoin d’une croissance annuelle de 5 pc pour espérer réduire un chômage galopant qui plombe 27,7 pc de la population active, selon les chiffres officiels.
Au milieu de cette situation peu confortable du pays arc-en-ciel, d’autres pays africains continuent de réaliser des avancées qui les placent sur les radars des investisseurs.
«Les multinationales réalisent que l’Afrique compte plus de 50 marchés différents», indique Goodman-Bhyat, relevant qu’outre les défis posés à l’Afrique du Sud, ce pays fait face à la concurrence de nouveaux acteurs capables de faciliter l’implantation des compagnies en Afrique.
Le même constat est fait par Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), dans un article paru sur les colonnes de la revue «Africa Renewal».
Tout en reconnaissant la place qu’occupe l’Afrique du Sud sur l’échiquier économique continental pour des raisons historiques, le responsable onusien a souligné que «les choses sont en train de changer». D’autres pays africains commencent à attirer des investissements importants.
M. Kituyi cite en particulier le Maroc, qui réalise d’importants progrès en particulier dans le secteur financier. «Aujourd’hui, l’industrie des services financiers réalise une croissance plus rapide au Maroc par rapport à l’Afrique du Sud», indique-t-il, ajoutant que certaines multinationales ont quitté l’Afrique du Sud.
Outre le Maroc, l’Ile Maurice est également citée comme destination africaine de plus en plus privilégiée aux yeux des investisseurs.
L’incertitude politique en Afrique du Sud et l’échec de mettre en œuvre des réformes capables de renforcer la confiance des investisseurs ont contribué à l’émergence de l’Ile Maurice dans la partie australe de l’Afrique, indique Soria Hay, directrice exécutive du cabinet Bravura.
En plus des années d’incertitude politique, le gouvernement sud-africain n’a entrepris aucune mesure visant à améliorer le climat des affaires, indique l’analyste, citant comme exemple les difficultés que rencontrent les compagnies pour être cotées à la bourse de Johannesburg.
A court terme, les analystes se montrent de plus en plus pessimistes au sujet de la trajectoire du pays. Ils estiment que la nation arc-en-ciel se dirige vers davantage d’incertitude à l’approche de la conférence décisive que le parti de l’ANC, au pouvoir, tiendra en décembre prochain.
Lors de cette conférence, la formation aux commandes du pays depuis 1994, devra élire un nouveau leader pour remplacer le président Jacob Zuma.
Les divisions qui s’accentuent au sein de l’ANC à l’approche de ce rendez-vous repoussent tout débat national sur les moyens de remettre l’Afrique du Sud sur le chemin d’une reprise convaincante pour les investisseurs.