Les divisions ne cessent de s’intensifier au sein du Congrès National Africain (ANC, au pouvoir en Afrique du Sud) au point d’inciter certains responsables de cette formation à encourager discrètement l’émergence d’un parti dissident comme issue de l’actuelle crise qui prend tout le pays en otage.
Les analyses vont bon train dans ce sens à l’approche du congrès décisif que l’ANC tiendra en décembre prochain pour élire un nouveau leader en remplacement du président Jacob Zuma.
Les divisions découlant des scandales politico-financiers dans lesquels le président s’est embourbé depuis son élection et le climat d’incertitude qui s’en est suivi ont pris une nouvelle tournure cette semaine.
Le camp pro-Zuma, qui contrôle les organes décisionnels de l’ANC, a menacé de sanctionner les responsables du parti qui soutiennent les appels à la démission du président.
Certains analystes estiment que le chef d’Etat et ses acolytes ont fait tomber leur masque de conciliateurs, déterrant les haches d’une guerre aux retombées incalculables.
L’éventualité de la création d’un nouveau parti, issu de l’ANC, n’est plus à écarter surtout en cas de victoire du camp pro-Zuma lors de la conférence élective de décembre prochain, indiquent les analystes.
Le poste de chef de l’ANC, qui devra conduire automatiquement son titulaire à la magistrature suprême en cas de victoire du parti lors des élections générales de 2019, est convoité par Cyril Ramaphosa, actuel vice-président.
Cependant, Ramaphosa fait face à un challenger de taille, en l’occurrence Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne présidente de l’Union africaine.
Ex-épouse du président Zuma, cette ancienne ministre de l’Intérieur et des Affaires étrangères, est la candidate préférée du patron de l’Union Buildings, quartier général du gouvernement à Pretoria.
Pour de nombreux responsables de l’ANC, qui veulent tourner définitivement la page de l’ère Zuma, la création d’un nouveau parti serait la meilleure voie pour faire sortir l’Afrique du Sud de son actuelle crise.
Le pays est plombé par une sévère récession conjuguée à un grave taux de chômage atteignant les 27,7 pc de la population active, selon les chiffres officiels.
La récente dégradation de la note souveraine sud-africaine par les principales agences de notation a sérieusement entamé la confiance des investisseurs en particulier étrangers dans les perspectives d’avenir de ce pays, désigné comme étant le plus industrialisé du continent africain.
De l’avis de certains politiciens, dont Melanie Verwoerd, ancienne députée de l’ANC, il serait difficile pour toute nouvelle formation issue d’une scission de l’ANC de s’imposer dans l’actuel champ politique sud-africain, dominé par le parti de Nelson Mandela.
Les médias sud-africains ont rapporté que Ramaphosa serait tenté de se lancer dans une telle aventure politique, s’il vient à perdre la course à la présidence de l’ANC face à Dlamini Zuma.
D’après les analystes, cette hypothèse semble gagner du terrain, encouragée par les différends opposant l’ANC au parti communiste et à la puissante centrale syndicale du Cosatu, dont dépend l’ANC pour son maintien au pouvoir depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994.
Le parti communiste a en effet laissé entendre, la semaine dernière, qu’il pourrait soutenir l’émergence d’un parti dissident de l’ANC.
«Il s’agit d’une possibilité à ne pas écarter», indique Mme Verwoerd, également ancienne ambassadrice sud-africaine en Irlande, ajoutant que la Cosatu pourrait elle aussi soutenir la future formation pour régler ses comptes avec l’ANC.
En dépit de l’influence qu’exerce l’ANC sur la scène politique sud-africaine, certains analystes argumentent qu’un parti conduit par Ramaphosa pourrait au moins grignoter des points au dépend de l’ANC et contribuer à réduire sa côte de popularité sous la barre de 50 pc.
De nombreux dirigeants de l’ANC n’ont eu de cesse de mettre en garde que cette formation historique risque fort bien de perdre sa majorité lors des élections de 2019.
Habitué à des victoires faciles dans toutes les opérations électorales qui se sont déroulées dans le pays depuis 1994, l’ANC a vu sa majorité chuter à 54 pc lors des élections communales de 2016.
Le parti a fait, depuis 2007, face à une série de scissions. L’éviction de l’ancien président Thabo Mbeki en 2007 avait conduit ses supporters à quitter l’ANC pour former le Congrès du Peuple (COPE). En 2012, de nouvelles divisions ont conduit l’ancien chef de la jeunesse de l’ANC, Julius Malema, à former le parti de l’Economic Freedom Fighters (EFF), actuellement troisième puissance politique au pays de Mandela.