La guerre en Ukraine et les niveaux élevés d'inflation, conjugués au redressement des taux d'intérêt et le ralentissement économique, ont créé d'énormes défis pour le secteur immobilier au Maroc l’année passée. En Bourse, l’immobilier coté a enregistré une variation négative de 24%, contre 19,59% enregistré par le masi en 2022.
En 2023, le secteur évolue dans le vert (+3,69% en ytd) mais reste sujet à plusieurs problématiques dont les principales sont l’érosion du pouvoir d’achat, la hausse des prix des matériaux de construction, et l’augmentation des taux d’intérêt qui affecte aussi bien les promoteurs que les acquéreurs.
A fin mars, les crédits destinés aux promoteurs immobiliers ont fortement baissé à fin mars 2023. C’est même la seule catégorie de prêts qui baisse d’une année à l’autre, selon les dernières statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib relatives au mois de mars. L’encours est de 51,59 milliards de DH en baisse de 7,5% par rapport à mars 2022. En glissement mensuel, il ressort en baisse de 1,8%.
«Plusieurs promoteurs immobiliers ont redimensionné leurs projets et mis en arrêt des chantiers en raison du manque d'engouement des acheteurs en 2022, avec une baisse des dépôts d'autorisations de construction et de mises en chantier d'au moins 50%, ainsi qu'une tendance baissière des ventes de ciment», avait indiqué BKGR dans une note en février.
Qui plus est, le retard dans l'adoption de nouvelles incitations annoncées par le gouvernement pour le secteur crée également de l'incertitude parmi les opérateurs et les acheteurs. Rappelons que le projet de décret sur les aides au logement est fin prêt et sera sur la table du Conseil du gouvernement dans les prochains jours pour une insertion dans la prochaine Loi de Finances. Mais aucune clarification n'a été faite sur les détails de ce programme, laissant les promoteurs dans le flou total.
Absence des dividendes depuis la crise sanitaire
L'enjeu de la masse dividende est crucial pour les actionnaires des sociétés cotées en Bourse, mais la capacité à distribuer des dividendes dépend d'une situation financière saine et d'une dette maîtrisée. En raison des crises récentes, les entreprises du secteur n'ont pas pu verser de dividendes depuis 2020. Il convient donc d'examiner de près les indicateurs financiers des entreprises immobilières dans ce contexte.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'endettement total du secteur coté, il s'élevait à 7,33 milliards de DH au 31 décembre 2022. Cependant, certaines entreprises ont réussi à maîtriser leur endettement, comme Alliances dont l'endettement net a diminué de 7% entre fin 2021 et fin 2022 pour s'établir à 2,1 milliards de DH, avec un gearing de 36%. Pour RDS, l'endettement total était de 1,9 milliards de DH en 2022 et le gearing net a diminué de 38% à 32%. De plus, Résidence Dar Saada a remboursé 553 MDH de dettes bancaires en 2022.
Quant à Addoha, l'endettement total est resté stable à 3.337 MDH avec un gearing de 32%.
Un autre point à souligner est le décalage important entre les programmes de production et de livraison, ce qui a entraîné des baisses significatives des chiffres d’affaires. Ainsi, la politique de déstockage des produits finis a pesé sur les marges.
Corrélé à différents facteurs économiques, politiques et sociaux, le secteur immobilier marocain vit une situation complexe et peine à redresser la pente. Continuant de pâtir de la situation post-covid, l’année 2023 s’annonce également délicate aussi bien pour les promoteurs immobiliers que pour les ménages ou «futurs acquéreurs» qui se heurtent à des facteurs endogènes et exogènes.
La hausse des taux pèse sur les valeurs
La hausse des taux d’intérêt a conduit BMCE Capital Global Research en février à revoir sensiblement à la baisse le potentiel de son scope de 40 valeurs, qui comprend les titres des trois sociétés opérantes dans le secteur de la «participation et promotion immobilières», à savoir ADH, ADI et RDS. Par société, la valorisation de Addoha passe de 10 DH à 7 DH, Alliances dont la nouvelle valorisation est de 53 DH (ancienne valorisation: 87 DH), et RDS qui passe de 20 DH à 15 DH.
Par Mokhliss R.