Les financements innovants continuent de faire parler d’eux. En 2023, le gouvernement marocain a budgétisé 25 milliards de dirhams par ces mécanismes, et pour 2024, il vise une mobilisation de 30 milliards de dirhams. Depuis leur lancement en 2019, ces outils financiers ont permis de mobiliser quelque 55 milliards de dirhams et d’alléger ainsi la pression sur le budget de l’État.
Ces financements se distinguent par leur nature non traditionnelle, échappant au cadre classique de l’endettement. Ils incluent des partenariats public-privé (PPP) et la monétisation d’actifs publics via des opérations de leaseback. Cette stratégie permet à l’État de disposer rapidement de liquidités pour continuer à investir dans des projets stratégiques tout en limitant son recours à l’endettement.
Toutefois, malgré leurs avantages évidents, ces méthodes de financement suscitent des préoccupations croissantes quant à leur supervision et à leur impact à long terme. Interpellé sur ce sujet, le Wali de Bank Al-Maghrib a souligné la nécessité d'encadrer ces pratiques et a évoqué plusieurs points de vigilance.
«Dans un souci d'équité et de prudence financière, il est impératif d'encadrer les financements innovants, au même titre que les privatisations», a affirmé le Wali. Il a souligné que ces financements sont considérés comme des recettes courantes selon les normes du FMI et nécessitent une gestion rigoureuse pour éviter tout déséquilibre budgétaire futur.
Il a également mis en garde contre les risques potentiels liés aux montants de plus en plus élevés en jeu. «Les volumes croissants impliquent une nécessité d'encadrement. Il s'agirait aussi de clarifier les situations où certains acteurs pourraient devenir propriétaires à la fin des contrats, tandis que d'autres ne le deviendraient pas», a-t-il expliqué.
Une autre préoccupation soulevée par Jouahri concerne l'impact à long terme sur les finances publiques. «Nous devons anticiper les implications des volumes de loyers à venir sur les charges courantes de l'État», a-t-il ajouté.
En outre, le Wali a souligné les conséquences potentielles sur le marché obligataire, notamment sous forme d’effet d’éviction. «Lorsque l'État opte pour des mécanismes de financements innovants, il sollicite des organismes institutionnels d'épargne, réduisant ainsi leur participation aux émissions de Bons du Trésor. Cela pourrait compromettre ses propres intérêts», a-t-il averti.
En résumé, Jouahri a identifié trois raisons qui justifient l'encadrement strict de ces pratiques : l'ampleur croissante des montants impliqués, leur impact sur les finances publiques passant des recettes aux charges courantes, et les possibles préjudices causés à d'autres opérations de financement, notamment les émissions de BdT.
D’ailleurs, dans la rapport annuel de la Banque centrale présenté au Roi, il est mentionné que «… les fortes pressions des dernières années l’ont amené à recourir à de nouveaux mécanismes de financement, dits innovants, devenus désormais une source importante de recettes. Dans ces conditions, les principes de bonne gouvernance requièrent une évaluation rigoureuse et un encadrement adéquat de ces mécanismes».