Pourquoi BAM a encore déjoué les attentes? Les explications de Abdelatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib.
Contre toute attente, Bank Al-Maghrib (BAM) a décidé, lors de sa réunion de mars 2025, d'abaisser son taux directeur de 25 points de base, le portant à 2,25%. Cette décision, qui marque la troisième réduction depuis juin dernier, intervient alors que le consensus du marché tablait sur un statu quo. Lors de la traditionnelle conférence de presse suivant le Conseil, le Wali de la Banque centrale a expliqué les motivations de cette mesure en insistant sur la stabilité des indicateurs économiques et les marges de manœuvre disponibles pour soutenir la croissance et l'emploi, tout en préservant la stabilité des prix.
"Notre mission fondamentale reste la stabilité des prix et la lutte contre l'inflation", a rappelé le Wali de BAM. Les chiffres le confirment : l'inflation a chuté de 6,1% à 0,9%, et les projections pour 2025-2026 se stabilisent autour de 2%, aussi bien pour l'inflation globale que pour l'inflation sous-jacente. "Si l'inflation sous-jacente ne baissait pas et ne s'alignait pas sur notre objectif de 2%, nous aurions adopté une approche différente", a-t-il précisé.
La décision de BAM s'appuie également sur un environnement budgétaire et financier rassurant. "Le gouvernement a fait preuve de discipline budgétaire en 2024, et la loi de finances 2025 prévoit un déficit réduit", a indiqué le Wali. Les projections internes de BAM et les engagements pris dans le cadre du programme triennal présenté au FMI confortent cette tendance à l'amélioration des équilibres budgétaires.
Autre élément-clé : les réserves de change, qui couvrent aujourd'hui près de cinq mois et demi d'importations. "Nos exportations restent dynamiques, les importations énergétiques sont sous contrôle, et les entrées de devises issues du tourisme, des transferts MRE et des investissements directs étrangers s'améliorent constamment", a souligné le gouverneur de la Banque centrale.
Avec une croissance non agricole qui commence à dépasser les 4%, BAM estime disposer d'une marge de manoeuvre monétaire suffisante pour accompagner l'activité économique sans compromettre son mandat de stabilité des prix. "Nous avons décidé de renforcer notre politique accommodante. Jusqu'à présent, nous assurions un accès illimité des banques à la liquidité. Aujourd'hui, nous allons plus loin en ajustant également notre taux directeur", a expliqué le Wali.
Dans cette même optique, Bank Al-Maghrib met en place un nouveau programme de soutien au financement bancaire des très petites entreprises (TPE), avec en particulier un refinancement des banques participantes à un taux préférentiel égal au taux directeur minoré de 25 pb. Ce dispositif et l’engagement exprimé par le secteur bancaire devraient améliorer l’accès au financement de cette catégorie d’entreprises et renforcer sa contribution à la création d’emplois dans notre pays.
L'un des principaux objectifs est d'accompagner les très petites entreprises (TPE), qui représentent 88% du tissu économique national. "Nous avons déjà échangé avec les banques sur l'importance de soutenir cette catégorie d'entreprises, notamment via des structures d'accompagnement et d'éducation financière. Nous comptons aussi renforcer les dispositifs de garanties de crédit en collaboration avec Tamwlicom", a déclaré le gouverneur.
Cette décision s'inscrit dans un mouvement graduel d'ajustement monétaire, amorcé depuis le pic inflationniste de 2023-2024. "Nous sommes partis d'un taux directeur de 1,5%, que nous avons relevé à 3% avant de le ramener progressivement à 2,25%. Avec une inflation stabilisée à 2%, nous avons la latitude pour agir", a expliqué le Wali.
En conclusion, BAM assume une posture prudente mais proactive : "Nous accompagnons la croissance et l'emploi de manière ciblée, sans compromettre notre mission principale. Chaque décision sera prise réunion après réunion, sur la base des données les plus récentes", a-t-il conclu. Un message clair pour le marché : la Banque centrale garde le cap tout en adaptant finement sa stratégie à l'évolution de la conjoncture.