Lors de la présentation du budget exploratoire 2016, le commentaire de Ahmed Lahlimi Alami, patron du haut commissariat au Plan (HCP) sur l’administration publique, a eu l’effet d’un pavé dans la mare, notamment concernant la gestion de celle-ci, longtemps réputée pour sa nature budgétivore. C’est en substance ce que Lahlimi a affirmé : «Aussi, est-il pour nous, aujourd’hui, un impératif catégorique…de revoir en profondeur le mode de gestion actuel de l’administration publique. Cette dernière, dont le coût de fonctionnement absorbe plus de 20% du PIB, c’est-à-dire quatre fois plus que la Caisse de compensation dans ses pires années, pourrait autrement devenir intolérable si ce mode de gestion était dupliqué dans le cadre de la régionalisation». Il faut dire que cette sonnette d’alarme tombe à point nommé, dans un contexte où la rationalisation des dépenses publiques devrait être l’alpha et l’oméga de toutes les politiques publiques. Même si on devrait assister à un allégement du déficit budgétaire entre 2014 et 2015 (passage de 5,2% à 4,4% du PIB), il y a lieu de faire remarquer que cette performance reste tributaire de la réduction des dépenses de soutien des prix, conjuguée aux efforts de collecte des recettes fiscales et non de la réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat. L’autre donnée factuelle militant en faveur de la réduction du train de vie de l’Etat est l’augmentation croissante du taux d’endettement public global, qui devrait culminer à 79,6% du PIB, en 2015, et 81,2% en 2016. Même son de cloche pour la dette du Trésor qui devrait elle aussi grossir. Toutefois la question qui se pose est de savoir si la hausse des dépenses de fonctionnement de l’Etat a des répercussions tangibles sur la qualité des prestations et des services publics (justice, santé, éducation, sécurité. etc.). Au regard de la situation actuelle, il serait difficile de répondre par l’affirmative.
Masse salariale et dépenses diverses: des proportions inquiétantes
En se penchant sur le budget citoyen de 2015, ce qui interpelle, est la fulgurante progression de la masse salariale dans le Budget général de l’Etat (BGE). En effet, celle-ci était estimée à 66,5 Mds de DH en 2007, et devrait atteindre, d’après les prévisions de la Loi de Finances 2015, la bagatelle de 105,5 Mds en 2015, soit une augmentation de 39 Mds de DH en l’espace de 8 ans. Or, le paradoxe est que le benchmark international montre que le Maroc, comparé à des pays comme la France, la Tunisie et l’Algérie, ne compte pas autant de fonctionnaires que cela. En effet, en 2014, le pays comptait près de 577.277 fonctionnaires civils dont plus 90% sont concentrés au niveau de sept départements ministériels. Ce qui pose le problème de la répartition des effectifs au sein de l’administration publique dont certains départements cumulent un personnel pléthorique, avec des résultats en deçà des attentes des citoyens, tandis que d’autres en manquent cruellement. D’ailleurs, on note que sur les 22.960 postes budgétaires créés au titre de l’année 2015, les ministères de l’Intérieur et celui de l’Education nationale s’arrogent respectivement 7.600 et 7.020 postes. Et pourtant, la question de l’insécurité dans les grandes villes et celle liée à l’effritement de la qualité du système éducatif demeurent toujours pendantes. A cela, il faudrait ajouter qu’entre 2007 et 2014, le ministère de la Santé ne s’était accaparé que 10% des postes budgétaires et celui de la justice 4%. Ce qui permet de faire le parallèle avec le faible taux d’encadrement médical au Maroc, auquel s’ajoutent des tribunaux de plus en plus submergés par les affaires, faute d’un personnel suffisant. L’autre élément qui interpelle à plus d’un titre est que si la masse salariale a accusé une augmentation annuelle moyenne de 6,7% entre 2007 et 2013, celle de l’effectif n’était que de 1,4%. Ce qui amène à s’interroger sur la pertinence des critères requis donnant droit aux indemnités et aux avancements de grade et d’échelon. D’ailleurs, la nécessité d’optimiser les dépenses publiques en masse salariale devrait davantage induire à indexer les indemnités et les avancements sur des critères de performance plutôt que d’ancienneté. Par ailleurs, il est utile de rappeler que les dépenses de matériel et celles diverses du BGE se chiffraient à 19,4 Mds de DH en 2007, et devraient atteindre près de 33,6 Mds de DH cette année. Ce qui représente une hausse de 14 Mds de DH en l’espace de 8 ans. Cette hausse conséquente remet en selle le débat sur l’opportunité de certaines dépenses de l’Etat, notamment celles inhérentes à son parc automobile, qui, en 2013, comptait déjà pas moins de 74.000 véhicules avec toutes les charges y afférentes (carburant, entretien, assurance, etc.). A noter que ce chiffre exclut les voitures de l’armée, celles des collectivités locales et bien d’autres entités. Pour rappel, en importance de parc automobile, le Maroc surclasse bon nombre de pays développés (France, Japon, etc.), qui s’emploient à réduire le train de vie de leur administration.
M. Diao