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Comptes bancaires au Maroc: Le régime juridique du contrat de dépôt et les règles régissant le fonctionnement des comptes bancaires

Deuxième partie de notre article sur les comptes bancaires au Maroc. pour lire la première partie, cliquez ici. 



 

Avant d’entamer les différentes règles régissant les différents comptes et leurs fonctionnements, il y a lieu de rappeler, que le compte bancaire, est un contrat entre la banque et son client, ce dernier peut mandater ultérieurement à l‘ouverture du compte, une tierce personne pour le faire fonctionner. L’étendue du mandat fait ressortir la nature des opérations sur le compte, soit par la limitation à quelques opérations soit à toutes opérations confondues.

 

En règle générale, le dépôt de fonds et comptes en banques sont intimement liés, puisque les personnes qui déposent des fonds en banque font le plus souvent inscrire ce dépôt en compte, afin d’en disposer ensuite, par chèques ou virements également portés en compte. Pourtant, il s’agit de deux mécanismes juridiquement distincts. Ils peuvent d’ailleurs, être également dissociés en pratique, s’il est rare qu’un compte fonctionne sans dépôt, de nombreux dépôts ne donnent pas lieu à l’ouverture d’un compte. (Françoise Dekeuwer-Défossez ‘’Droit Bancaire’’ op.cit. p, 34)   

 

Le dépôt est un contrat par lequel, une personne remet une certaine somme d’argent à un banquier qui s’engage, à la lui restituer, sur sa demande. 

 

Le dépôt de fonds en banque, est une forme de dépôt très particulière, et elle ne s’apparente pas au dépôt de droit commun tel que régi par le code des obligations et contrats (DOC).

 

Le banquier a un droit absolu d’utilisation des sommes d’argent confiées à titre de dépôt, en vertu du caractère fongible de la monnaie. La seule obligation imposée au banquier, à l’instar du dépositaire de droit commun, est la restitution au client déposant les dépôts inscrits en compte, elle se fait par tout moyen de paiement tel le chèque émis par le titulaire au profit d’un bénéficiaire, par un ordre de débit de compte, par un avis de prélèvement, par carte bancaire de paiement ou de crédit et par virement. 

 

Dépôt de fonds 

 

Le code commerce définit à l’article 509 le dépôt de fonds comme étant: un contrat par lequel, une personne dépose des fonds auprès d’un établissement bancaire quel que soit le procédé de dépôt et lui confère le droit d’en disposer pour son propre compte, à charge de les restituer dans les conditions prévues au contrat.

 

Il ressort de ce qui précède, que par la définition donnée à travers ledit article, le législateur a voulu distinguer le contrat de dépôt en matière bancaire, à celui prévu par le code des obligations et contrats dans les articles allant de 781 au 817 (DOC).

 

D’ailleurs, et dans le même sens, la nouvelle loi bancaire n° 1O3 -12 dispose à l’article 2: que sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille de tiers sous forme de dépôt ou autrement, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, à charge pour elle de les restituer.




 

Les fonds assimilés à ceux reçus du public:

 

- Les fonds déposés en compte à vue, avec ou sans préavis, même si le solde du compte peut devenir débiteur; 

- Les fonds remis en échange de monnaie électronique, qui donne lieu à l’inscription d’un solde créditeur sur un compte tenu auprès de la banque;   

- Les fonds déposés avec un terme ou devant être restitués après un préavis;

- Les fonds versés par un déposant avec stipulation d’une affectation spéciale, si l’entreprise qui a reçu le dépôt ne le conserve pas en l’état, à l’exception des fonds versés auprès des sociétés légalement habilitées à constituer et gérer un portefeuille de valeurs mobilières;

- Les fonds dont la réception donne lieu à la délivrance, par le dépositaire, d’un bon de caisse ou de tout billet portant intérêts ou non.

 

La preuve du contrat de dépôt est libre, du fait que le débiteur est une banque, ayant la qualité de commerçant.  



 

  1. Le remboursement du dépôt obéit à des règles particulières.

  

 La restitution du dépôt bancaire peut être paralysée par une compensation avec une créance du banquier sur son client conformément aux articles 361 et suivants du DOC.

 

Sauf clause de préavis, ou stipulation d’un terme, le dépôt peut être réclamé à tout moment par le client. 

 

Le banquier a le droit de disposer des fonds déposés pour son propre compte. Il est seulement débiteur d’une somme d’argent. Cette règle comporte deux conséquences:

 

‘’Que le banquier ne peut être coupable du délit d’abus de confiance’’ (Cour de Cassation Française, chambre criminelle, du 28 janvier 1991 89-84939, Publié au bulletin. Site de la C. de Cas. fr)     

 

‘’Que le banquier ne peut jamais être déchargé de l’obligation de rembourser, même en cas de force majeure comme disposé à l’article 807 du dahir formant code des obligations et contrats’’. (DOC)

 

Il y a lieu  de souligner que si le client ou ses ayants droit laisse écouler un délai de 10 ans sans demander le remboursement des fonds et valeurs déposés en compte, et après avoir été informés par la banque teneur de compte par avis recommandé, le compte est clôturé et les fonds et valeurs sont versés ou déposés  par la banque teneur du compte, à la Caisse de Dépôt et de Gestion qui les tiendra pour le compte de leur titulaire ou ayants droit jusqu’à l’expiration d’un nouveau délai de cinq ans, le dépôt est alors acquis au Trésor Public, comme il ressort de l’article 152 de la nouvelle loi bancaire n°103.12.  

              

 

Les règles organisant le fonctionnement du compte bancaire

 

Le fonctionnement du compte bancaire met en exergue la relation du banquier à son client titulaire du compte ou son représentant, il revient donc au banquier en tant que dépositaire des ordres de ses clients d’effectuer son contrôle, entre autre, de la signature apposée sur tout acte émanant ou donné par le titulaire du compte ou son représentant. Bien entendu, le banquier même s’il reste astreint au contrôle de signature de son client, n’est pas tenu de se comporter en expert. C’est pourquoi, la non-conformité de la signature, au spécimen de signature déposé par le client ne peut être reprochée à la banque que si elle est manifeste, à l’œil nu. 

 

Les établissements de crédit à l’instar des autres entreprises utilisent les instruments informatiques pour l’exécution de certains types d’opération relative à la tenue des comptes, transferts de fonds, paiement par carte ou l’utilisation de la signature électronique, et compte tenu du développement du commerce électronique cette signature reste tributaire des ordres transmis virtuellement, le banquier et le client conviennent du procédé d’identification.

 

La tenue du compte incombe au banquier qui a l’obligation d’inscrire et d’enregistrer au compte toutes les opérations bancaires avec ponctualité et exactitude. Mais ce dernier peut parfois par inadvertance, inscrire par erreur au débit ou au crédit du compte d’un client et dans ces deux cas, il doit rectifier l’écriture par le biais d’une écriture de contrepassation consistant à l’annulation de l’écriture erronée par une écriture générant une écriture inverse.‘’La preuve de l’absence de cause du débit ou du crédit inscrit au compte, est suffisante’’. C.Cavalda et J.Stoufflet, op.cit. note 360-361, p.201 à 202.

                    

 

Relevés de compte

 

Pour ce qui est des relevés de compte, et conformément à l’article 156 de la nouvelle loi bancaire n°103-12 les relevés doivent faire ressortir la nécessaire information du titulaire du compte sur les écritures enregistrées, les charges qu’il a, à supporter, ainsi que la position de son compte lors du dernier arrêté provisoire, et ils jouent un rôle non négligeable dans la preuve des opérations. 

 

En principe, les relevés sont censés être acceptés même si le client n’élève aucune remarque. Autrement dit, le silence vaut ici acception même si l’intéressé n’a pas la qualité de commerçant.

(Cass. .com.10 Mai 1994 : Bull.civ. IV, n° 170 ; RTD com. 1994, 533, obs. Cabrillac et Teyssié ; cité dans le traité droit des affaires op. cit. p, 91, note 93)

 

La solution se justifie par les usages bancaires. Elle n’est cependant pas irréfragable et le titulaire du compte peut toujours démontrer qu’il n’a pas donné son accord. (Cas. com. du 13 mai 1997 Bull.civ. IV n°128 cité dans le traité droit des affaires op.cit. p.91 note 93)

 

Pour la jurisprudence, si la réception sans protestation ni réserve des avis d’opéré et des relevés de compte, fait présumer, l’existence et l’exécution des opérations qu’ils indiquent, elle n’empêche pas le client, pendant le délai convenu ou à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à celui qui a effectué ces opérations d’avoir agi sans mandat.

(Cass.com.10 février 1998 RTD 1998 339 obs. Cabrillac cité dans le traité droit des affaires op.cit. p, 91. note 93) 

      

Par ailleurs, il faut souligner, que les litiges et différends entre la banque et sa clientèle sont désormais soumis à la médiation bancaire, la saisine du médiateur peut se faire par le client ou par la banque, elle est facultative et gratuite, elle ne peut être exercée qu’en dehors de tout litige judiciaire ou arbitral. Le seul bémol, c’est qu’il n’y a qu’un médiateur bancaire pour l’ensemble des établissements de crédit au Maroc, alors qu’il devait y avoir un médiateur par établissement de crédit.(cfr.la circulaire de Bank Al-Maghrib n° 9/W/16)                     

 

Cela étant, l’on distinguera alors, le compte ou les comptes à vue (de dépôt) ou à terme, ou compte titres et aux comptes collectifs avec ou sans solidarité, ainsi que le compte courant.                   

 

1) Les comptes collectifs:

 

L’article 490 du code de commerce dispose que: ‘’l’établissement bancaire peut ouvrir des comptes collectifs avec ou sans solidarité’’.

Le compte collectif est ouvert au nom de plusieurs titulaires, il peut prendre la forme d’un compte joint qui est caractérisé par une double solidarité active et passive, ou d’un compte indivis.

 

IL y a lieu de soulever, le cas du compte collectif, en tant que compte en usufruit et nu propriété, l’un des titulaires est usufruitier et l’autre nue propriétaire. L’usufruitier peut percevoir sous sa seule signature les intérêts des fonds déposés et même, en vertu des règles du quasi-fruitier sur les sommes d’argent, il peut disposer librement des fonds déposés, sous réserve d’en restituer le montant à l’expiration de l’usufruit, son décès donne au nu-propriétaire tous les droits sur le compte.       

 

Dans le cas où le solde du compte collectif sans solidarité fait ressortir un solde débiteur, l’établissement de crédit ne pourra demander le remboursement dudit solde à celui qui faisait fonctionner le compte, mais à chacun des co-titulaires, en proportion des parts revenants à chacun d’eux. Sauf, si les co-titulaires du compte collectifs sont tous des commerçants et que le compte, a été ouvert pour le besoin de leur commerce, et dans ce cas, le compte est réputé commercial et qu’en matière commerciale, la règle de la solidarité est présumée, comme il est disposé, à l’article 335 du code de commerce qui énonce: 

 

Qu’en matière d’obligations commerciales, la solidarité se presume.Et dans le cas où le solde du compte collectif est créditeur, la banque est tenue de le remettre, à celui qui faisait fonctionner le compte, en vertu d’un ou des mandats donnés par les autres co-titulaires. (LAFROUJI Mohamed op.cit. p,58)       

 

Pour mieux cerner la solidarité concernant le compte collectif, nous devons analyser cette solidarité dans ses deux aspects: active et ou passive.

 

Dans le cas de la solidarité active, chacun des co-titulaires du compte collectif, peut seul faire fonctionner le compte sans mandat des autres co-titulaires, à condition, que ces derniers conviennent, au préalable, avec la banque que le compte fonctionnera avec la seule signature de chacun d’eux, comme si le compte est ouvert en son nom personnel, conformément à l’article 154 du dahir formant code des obligations et contrats (DOC) qui dispose : 

 

‘’Que l’obligation est solidaire, entre les créanciers, lorsque chacun d’eux, a le droit de toucher, le total de la créance, et le débiteur n’est tenu de payer qu’une seule fois à l’un d’eux…’’

 

De ce fait, et conformément aux disposions de l’article 162 du dahir formant code des obligations et contrats (DOC) les co-titulaires du compte collectif avec solidarité active, ont le droit de se retourner contre celui qui s’est fait retirer tout ou partie du solde créditeur du compte revenant à chacun d’eux, chacun des créanciers solidaires, reçoit soit à titre de paiement, soit à titre de transaction; devient commun entre lui et les autres créanciers, lesquels y concourront pour leurs parts. Si l’un des créanciers se fait donner une caution ou une délégation pour sa part, les autres créanciers ont le droit de participer aux paiements faits par la caution ou par le débiteur délégué ; le tout si le contraire ne résulte de la convention des parties ou de la nature de l’affaire.

 

 Aussi, et si l’un des co-titulaires du compte collectif avec solidarité active fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de saisie-arrêt, ses créanciers ne peuvent se prévaloir du solde créditeur du compte collectif en vertu de la solidarité active entre les co-titulaires, mais uniquement sur les parts revenants au débiteur, comme il a été jugé par la cour de cassation française dans un  arrêt du 08 Mars 1988 Revue banque 1988 p. 821 –note Rives Langes.(Site de la Cour de Cas.fr.)



 

Par contre, la solidarité passive permet à la banque teneur du compte collectif, en cas de solde débiteur, de s’adresser à l’un des co-titulaires, pour pouvoir payer la totalité dudit solde, et ce conformément aux règles du DOC régissant la solidarité entre les débiteurs, comme il ressort de l’article 165 du dahir formant code des obligations et contrats.

 

  1. L’ouverture de comptes multiples à titulaire unique :              

 

L’article 489 du code commerce dispose que: en cas de pluralité de comptes ouverts au même client dans une agence ou dans plusieurs agences d’un même établissement bancaire, chacun de ces comptes fonctionne indépendamment des autres, sauf stipulations contraire.

 

Ce principe, repose sur l’idée que chaque compte, a pour assise juridique, un contrat distinct devant recevoir une exécution autonome, et a des conséquences fortes importantes : 

 

1) la compensation entre les comptes n’est pas possible en cas de redressement judicaire du client.

 

2) la provision d’un chèque doit être appréciée au regard du seul compte sur lequel le chèque est tiré.

 

3) chaque compte est producteur d’intérêts, notamment d’intérêts débiteurs dont le paiement ne peut être écarté au prétexte qu’un autre compte présente un solde créditeur.  

(Thierry Bonneau ‘’Droit Bancaire’’ op.cit. p.270 note 394)

 

Nous précisons à cet effet, que l’indépendance de chaque compte signifie que tout moyen de paiement ne peut être utilisé que sur le compte y adossé, et que tout paiement effectué sur un autre compte même s’il présente un solde créditeur est considéré par la jurisprudence française comme un paiement non valide, et engage la responsabilité de l’établissement de crédit tiré. (C.Gavalda et J.Stoufflet  ‘’ chèques et effets de commerce’’ p. 388 PUF Paris 1994).

 

  1. L’indépendance des comptes peut cependant être écartée par des stipulations contractuelles.

 

L’on distinguera alors, l’accord de compensation des soldes, de l’accord de fusion de comptes. 

 

  1. L’accord de compensation des soldes: concerne des comptes qui sont juridiquement distincts.

 

Par cet accord, il est convenu que l’une des parties, généralement l’établissement de crédit, peut décider que le solde débiteur d’un compte se compense avec le solde créditeur d’un autre contre. Ce qui constitue donc une garantie pour le banquier que ce dernier peut mettre en œuvre à tout moment.

 

Tant que cette faculté de compensation n’est pas exercée, les comptes fonctionnent de manière indépendante. L’exercice de celle-ci, met fin au fonctionnement de l’un des comptes au moins.

 

Cet accord de compensation est opposable aux tiers. Cependant, son efficacité semble limitée.

C’est d’ailleurs le cas où la compensation est paralysée par la mise en œuvre d’une saisie sur compte.

 

En effet, l’accord ne peut être mis en œuvre que si les soldes des comptes sont disponibles. Or, ils deviennent indisponibles dés notification de l’acte de saisie.         

 

D’autre part, l’efficacité de l’accord de compensation est discutée en cas de redressement judiciaire du titulaire du compte. Il est considéré qu’un tel accord ne peut être conclu pendant la période suspecte.

 

Par contre, sa mise en œuvre reste divergeant au sein de la doctrine française, il y a l’avis de certains auteurs comme Rives-Lange et Contamine-Raynaud qui considèrent que l’accord de compensation peut être mis-en œuvre nonobstant le prononcé du redressement judiciaire du titulaire du compte, en raison de la connexité des dettes. D’autre, comme D.Martin la rejette.

 

Mais la solution donnée par les premiers auteurs a été entérinée par la jurisprudence qui admet la connexité conventionnelle en des termes relativement extensifs.

(C.Cas. fr. Com.9 mai 1995, Bull. Civ. IVn°130 p. 117) cité par Thierry Bonneau ‘’droit bancaire ’’op.cit. p. 271 note 396.       

 

En outre, et dans le cas où le client tire un chèque sur l’un de ses comptes qui dégage un solde débiteur, la banque doit le payer sur la base du solde provisoire de tous les comptes et non pas le rejeter sur la base du solde débiteur du compte sur lequel le chèque est tiré, et le refus d’honorer le chèque, engage la responsabilité de la banque.

 

D’ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 309 du code de commerce dispose : que tout établissement bancaire, ayant provision et en l’absence de toute opposition, refuse de payer un chèque régulièrement assigné sur ses caisses, est tenu responsable des dommages résultant pour le tireur, tant de l’inexécution de son ordre que de l’atteinte porté à son crédit.

 

En plus, l’article 319 du code de commerce, sanctionne la banque tirée, au paiement d’une amende de 5.000 à 50.000 dirhams.

 

  1. L’accord de fusion de comptes: dénommé aussi lettre d’unicité de comptes : 

 

Il porte sur les divers comptes qui sont réputés constituer de simples rubriques d’un compte unique. C’est le solde global résultant des différents comptes qui sera la référence pour savoir si le titulaire du compte doit des intérêts débiteurs ou si un chèque émis a une provision suffisante. Ce qui démontre que les comptes fonctionnent de façon inter- dépendante.

 

L’accord de fusion de comptes est radicalement différent de l’accord de compensation qui concerne des comptes fonctionnant de façon indépendante jusqu’à la décision de compenser les soldes des comptes. Cette différence explique que l’on admet plus facilement la mise en œuvre de l’accord de fusion en cas de redressement judiciaire du titulaire du compte que celle de l’accord de compensation.

  

L’accord d’unité de comptes ou de fusion doit concerner des comptes compatibles entre – eux (Thierry Bonneau ‘’Droit bancaire’’ op.cit. p.272 note 395) 

 

La Cour d’Appel de Paris, (dans un arrêt du 17 décembre 1992 JCP 1993 éd. E. 349 p.111) a admis la compensation opérée par une banque, entre le solde débiteur d’un compte de dépôt et les soldes créditeurs des comptes d’épargne-logement et sur livret, reconnaissant ainsi la compatibilité des comptes en cause.     

 

Par ailleurs, le créancier peut, en respectant certaines conditions particulières, saisir-arrêter les fonds de son débiteur auprès d’un tiers conformément aux dispositions de l’article 488 du code de procédures civiles approuvé par le dahir portant loi n° 1-74-447 du 28 septembre 1974.

 

Si cette procédure est pratiquée sur les fonds appartenant au débiteur et enregistrée sur l’ensemble de ses compte qui font ressortir à la fois, des soldes créditeurs ou débiteurs, elle peut n’avoir d’effets en dépit que le solde du compte soit créditeur du moment que la banque, et son client ont convenu de l’unicité de l’ensemble des comptes ouverts auprès d’elle. 

 

En conséquence de quoi, la saisie sera inopérante et sans effets. (jugement du tribunal de commerce de la ville de PAU daté du 18 décembre 1967 in revue banque 1968 p.383 note de Marin) cité dans l’ouvrage de C.Gavalda t J.Stoufllet ‘’Droit Bancaire’’ op.cit.  

 

Bien entendu, cette solution est adoptée aussi dans le cas d’un porteur d’un chèque tiré sur un compte, ayant un solde créditeur, mais faisant partie des comptes dont les parties ont convenu de leur l’unicité. ( LAFROUJI Mohamed : op.cit. p.124).

      

Comme indiqué ci-dessus, le compte en banque, est régi par l’article 487 du code de commerce, et il est soit à vue, soit à terme, cette nouvelle division fait ressortir, une rupture par le législateur de la dichotomie traditionnelle du compte bancaire issue de la pratique du compte courant.

 

A cet effet, il y a lieu de souligner, que les comptes les plus simples sont les comptes à vue ou de dépôt ou espèces, dit aussi, compte- chèques, ces comptes peuvent constituer ‘’le droit commun’’ des comptes bancaires.     

 

§ 2 : Le compte à vue ou compte dépôt ou compte- chèques-ou espèces

 

L’article 493 du code de commerce définit le compte à vue comme étant : un contrat par lequel, la banque convient avec son client, d’inscrire sur un relevé unique leurs créances réciproques sous forme d’articles de crédit et de débit, dont la fusion permet de dégager à tout instant, un solde provisoire, en faveur de l’une des parties.

 

Il est nécessaire d’indiquer aussi, que c’est pour la première fois, que le législateur marocain s’est vu définir le compte bancaire dans son acception générale. 

 

En effet, le compte à vue peut être considéré comme commercial suivant les dispositions de l’article 6 du code de commerce, par l’exercice habituel ou professionnel des activités citées à  l’alinéa 7 de l’article précité.

 

Mais l’article 4 du même code de commerce dispose expressément: que l’acte est commercial pour un contractant et civil pour l’autre, les règles du droit commercial s’appliquent à la partie pour qui l’acte est commercial; elles ne peuvent être opposées à la partie pour qui l’acte est civil, sauf disposition spéciale contraire.

 

En dépit de ces dispositions particulières, les litiges concernant le compte à vue sont de la compétence des tribunaux de commerce.

 

D’ailleurs, l’article 497 du code de commerce fait ressortir que: la créance d’intérêts de la banque est reportée au débit du compte pour former un nouveau solde en faveur de la banque qui porte à son tour intérêts.         

  1. Les particularités du compte à vue

 

Comme indiqué ci-dessus, l’article 493 du code commerce définit le compte à vue comme un contrat entre la banque et son client, pour y passer leurs créances réciproques, issues de toutes les opérations actuelles ou futurs. 

 

D’ailleurs,  et comme il ressort de l’article 503 du code de commerce le compte à vue prend fin par la volonté de l’une des parties, sans préavis lorsque l’initiative de la rupture a été prise par le client, sous réserve pour la banque, de respecter le préavis prévu au chapitre régissant l’ouverture de crédit.

Lorsque la banque a pris l’initiative de la rupture, quand le client cesse d’alimenter son compte pendant la durée d’une année, à compter de la date du dernier solde débiteur inscrit en compte, ledit compte doit prendre fin à l’initiative de la banque. 

 

Dans ce cas, la banque doit, avant la clôture du compte, notifier au client cette clôture, par lettre recommandée transmise à sa dernière adresse déclarée à son agence bancaire. Si le client n’a pas exprimé sa volonté de garder son compte dans un délai de 60 jours, à compter de la notification, le compte est réputé clôturé, après expiration de ce délai. Le compte à vue comme indiqué à l’article 499 en précisant que : la convention de compte, n’emporte pas à elle seule, ouverture de crédit en faveur du client. Le solde débiteur occasionnel doit être remboursé sans délai par le client.

 

La Directive n°04/G/10 du 28 décembre 2010 relative à l’ouverture de compte de dépôt à vue sans versement de fonds au préalable prévoit dans son article 3 l’exception pour la banque de le clôturer, sans préavis, s’il n’a pas fait l’objet d’aucun mouvement au crédit à compter de son ouverture.            

 

§ 3- Le compte courant  

 

Le compte courant est un contrat par lequel, les parties décident de faire entrer en compte, toutes leurs créances et dettes réciproques, de manière à ce que celles-ci, soient réglées immédiatement 

Par leur fusion dans un solde disponible soumis à un régime unitaire. (Thierry Bonneau ‘’Droit Bancaire’’ 5ème édition, p.215 note 333, édition Delta Montchrestien 2003) 

 

En France, aucune loi n’ayant traité du compte courant malgré l’ancienneté de l’institution, les effets juridiques en ont été déterminés par l’usage, approuvés, corrigés, voire modifiés par la doctrine et la jurisprudence. (Jean-Louis-Lange Monique Contamine-Raynaud ‘’Droit bancaire’’

6ème édition Dalloz Delta)   

 

Même si le compte courant n’est règlementé par aucun texte, il est ouvert par le banquier à des clients commerçants pour les besoins de leur profession. Il déroge sur un certain nombre de points au régime de droit commun du compte à vue ou compte de dépôt. (Philippe Neau-Leduc ‘’Droit Bancaire’’ op.cit)

 

  1. Nature du compte courant

 

Il faut laisser au compte courant sa nature juridique propre. Le compte constitue un mécanisme financier particulier qui a des effets spécifiques. Ces effets ne tiennent pas à l’application des règles de droit commun, mais au caractère de son mécanisme. 

 

Il y’a lieu de souligner, que le règlement des créances portées au compte, est réalisé par un phénomène d’agglomération qui les amalgame et les réduits en bloc homogène, en vue d’une liquidation globale à la clôture du compte.

 

Ce mode de règlement s’applique automatiquement aux créances qui présentent les caractères nécessaires pour être payées et qui son inscrites au disponible du compte.


 

Au contraire, les créances qui ne peuvent pas faire l’objet d’un règlement immédiat, par exemple parce qu’elles sont affectées d’un terme ou ne sont pas fongibles, figurent à une partie distincte, le ‘’différé’’, ne sont pas soumises au mécanisme de règlement de compte, bien qu’elles soient englobées dans le principe d’affectation générale et soient d’ors et déjà affectées à la garantie des créances en sens inverse. 

 

Leurs règlements s’effectuent lorsqu’elles passent du différé au disponible suivant leur destination normale; le redressement judiciaire ou la liquidation du client ne fait pas obstacle à ce mouvement. 

 

La C.Cas.com., 28 septembre 2004, n°03-131682 Site de la C.de Cas.fr.) refusant l’inscription en compte de l’encaissement d’effets de commerce, après l’ouverture du redressement judiciaire, dés lors que ces créances non susceptibles d’être inscrites avant leur encaissement, n’étaient pas entrées en compte, avant le jugement d’ouverture.

(Traité De Droit Des Affaires op. cit. p, 124 note 144).           

 

D’après certaine doctrine, notamment celle de C.Gavalda et J.Stoufflet (‘’Droit Bancaire’’ op.cit. p,225 , note 402) le solde du compte courant pouvant être créditeur indifféremment pour l’une ou l’autre partie, ce qui le distingue du compte à vue ou de dépôt. C’est donc un contrat consensuel qui ne doit son existence qu’à travers la volonté des parties. Sans cette volonté, il n’existe qu’un compte ordinaire, dépourvu des effets spécifiques du compte courant, quand bien même, les éléments matériels de ce type de compte seraient réunis. D’ailleurs, cette intention est recherchée par la jurisprudence.

 

‘’Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé, que la création d’un compte, entre les parties, qui entretiennent des relations d’affaires implique leur commune intention de suspendre, entre elles, pendant la durée du compte, l’exigibilité de leurs créances, et dettes, de telle manière, que cette exigibilité soit reportée sur le solde qui apparaîtra au bénéfice de l’une d’elles, à la clôture du compte’’  Cas.com. 13 Janv. 1970 Bull.civ.IV 1970 n°16 Site de la C.de Cas. Fr. ; Idem, Cass. 1re civ. 13 février 1996 rev. Banque mai 1996 p. 96 obs. Guillot).

  

La spécificité du compte courant découle de son élément intentionnel avec ses éléments matériels. Toutefois, l’intention des parties doit être ‘’réelle et confirmée par une structure des conditions de fonctionnement du compte conformes à la définition du compte courant ’’ Paris, 3e ch. A  19 février 1991 Cass. D 199 ; Site de la C. de Cas. française.’’    

 

En plus, le compte courant est un contrat consensuel et non solennel, il se forme sans le respect d’un formalisme rigoureux, il peut être matérialisé par un support écrit, automatisé ou immatériel. Seule l’existence des remises conditionne la validité d’un tel compte. Ces remises doivent répondre à trois conditions dégagées par la jurisprudence, à sa voir, ‘’la généralité des remises, leur réciprocité et leur enchevêtrement’’. 

 

La généralité du compte courant signifie que l’entrée d’une créance au compte n’implique aucun accord spécial du créancier. (Cass.com. 08 juillet 1997 Chron. Dr.Bancaire Jcp E 1998, 321 n°8)

 

Les parties s’interdisent mutuellement toute faculté d’exclusion unilatérale d’une créance qui a vocation à entrer au compte. Il s’ensuit qu’aucune partie ne peut laisser en dehors du compte, les remises susceptibles d’équilibrer le compte.

    

Par ailleurs, les parties ont la possibilité de convenir de l’affectation spéciale d’une créance, dans le cas d’une garantie, d’une opération bien déterminée par exemple, ou d’une constitution de la provision pour paiement d’une lettre de change.

                    

Les éléments de la convention du compte courant ressort traditionnellement que le compte courant suppose la réunion de deux éléments:

 

  1. La condition de réciprocité doit être dans l’intention des parties. 

 

La réciprocité lorsqu’elle est respectée par les intervenants est parachevée par celle d’enchevêtrement ou d’alternance de remises. L’enchevêtrement des remises signifie qu’aucun ordre d’entrée en compte des remises ne doit être fixé au préalable par les parties. Un compte n’est pas un compte courant si la nature et l’ordre des opérations sont prédéterminées dans la convention, encore que les remises soient matériellement enchevêtrées (Cas.com. 6 novembre 1951 ; Bull. civ.III, 1951 p. 232 ;Site de la C.de Cas.fr)

                                                    

           2- L’admission de la réciprocité des remises: 

 

La condition de réciprocité doit être dans l’intention des parties. 

 

‘’Attendu que le contrat intervenu n’exclut pas la réciprocité des remises et dont aucune cause n’empêche chacun des correspondants d’être alternativement créancier et débiteur’’ (Cas.civ.02 juillet 1890 bulletin des arrêts de la cour de cassation Fr.n°7. Site de de la C.de Cas.Fr.)

 

            3) L’exception au principe de généralité des remises                   

 

Il est fait application de cette faculté quand un banquier est porteur d’un effet impayé signé par un client ou par d’autres signataires ; il lui est permis de s’abstenir de porter en compte sa créance, pour éviter de perdre ses droits cambiaires. ‘’Hamel, Banques et opérations bancaires’’, cité par C.Gavalda et J.Stoufflet ‘’Droit Bancaire’’ op.cit. 

 

  1. L’effet novatoire du compte courant.

 

La théorie de Tahller citée par C.Gavalda et J. Stoufflet, ‘’Droit Bancaire’’ op.cit. précise que : ‘’le compte courant est assimilable à un creuset dans le quel, viennent se fondre les remises qui perdent totalement leur individualité, et leur spécificité pour ne constituer qu’un élément indifférencié du solde. De cette théorie largement accueillie par la jurisprudence française Cass.civ.24 juin 1903 D.1903 I, 472 S. 1904 I 220. Site de la C. de Cas.fr.) 

 

L’on en déduit deux règles de droit commun qui traduisent l’essentiel du régime juridique du compte courant à savoir l’indivisibilité, et l’effet novatoire.

 

L’effet novatoire est l’opération par laquelle toute créance portée sur un compte courant subit une sorte de novation du remplacement d’une obligation par une autre, du fait qu’elle perd son individualité, pour devenir un simple article de ce compte, elle perd ainsi les sûretés garanties dont elle a été assortie, elle est désormais fondue dans le solde du compte courant, et la créance est considérée comme payée.

 

Ainsi, si la créance est considérée comme éteinte, il est évident que la sûreté y attachée subit le même sort que l’obligation principale, et seul le solde du compte courant dans lequel est fusionné la créance produit des intérêts.

 

A défaut de respecter ces obligations, la banque est déchue de son droit à percevoir des intérêts conventionnels. (Cass. Com.16 mars 2010 Site de la C.de Cas. Fr.)

 

En outre, la perte du ou des sûretés grevant la créance qui entre en compte courant autorise la banque à procéder à la contrepassation d’effets escomptés au client et par conséquent, elle doit restituer ces effets dont le montant a été avancé au client et retournés impayés. (C.Cas.16 mars 1982 Bull. civ. 1982 p 91 n° 104 Site de la C.de Cas.Fr).

 

  1. La mise en œuvre de l’indivisibilité :

 

Signifie que jusqu’à sa clôture, le compte courant forme un ensemble indivisible et dont le solde ne peut être disponible. Seul le solde définitif du compte, à la clôture, peut être saisie et non un article du compte. Ainsi, le banquier créancier ne peut demander au client débiteur, le règlement de sa créance. Le solde du compte n’est exigible tant que le compte n’est pas clôturé, par conséquent aucune action en paiement à l’encontre du client débiteur ne peut être engagée, à son encontre, et la prescription ne commence à courir qu’à partir de la clôture définitive du compte courant. Seul le solde définitif du compte peut être saisi et non un article du compte.

 

La stricte application du principe de l’indivisibilité des écritures passées en compte courant a conduit à refuser à la saisie-arrêt tout effet immédiat. 

 

En effet, puisqu’il était impossible, avant la clôture du compte courant, de fixer laquelle des deux parties était créancière de l’autre, il fallait attendre que la clôture du compte intervienne avant de savoir si le tiers saisi était bien débiteur du saisi et si, en conséquence, la saisie-arrêt pratiquée entre les mains du tiers aurait un résultat. La cour de cassation française, dans un arrêt du 24 juin 1903 (1903.1.472 Site C.Cas.fr.) reconnait en effet que : ‘’les opérations d’un compte courant se succédant les unes aux autres jusqu’au règlement définitif, forment un tout indivisible qu’il n’est pas permis de décomposer et de scinder’’. 

 

Tant que le compte reste ouvert, il n’y a ni créance ni dette, mais seulement des articles de débit et de crédit et c’est par l’arrêté final seulement, que se déterminera le solde, à la charge de l’une ou de l’autre des parties, et par conséquent, les qualités de créancier et de débiteur jusqu’là sont en suspends.         

 

C- Calcul des intérêts

 

Il y a lieu de noter au préalable, la problématique posée par les Dates de valeur. 

Il paraîtrait normal que l’on tienne compte de la date de l’entrée en compte pour le calcul des intérêts. C’est pourtant une date différente qui est prise en considération. Cette date est généralement antérieure à la date réelle de l‘entrée en compte pour les opérations de débit et postérieure pour les opérations de crédit telle une remise de chèque ou effet.

 

La pratique des dates de valeur constitue un usage qui n’est pas prohibé par la loi, elle a plusieurs justifications qui varient selon l’opération effectuée. Si l’on est en présence d’un chèque remis à l’encaissement, les dates de valeur trouvent leur justification dans les délais nécessaires à la circulation des moyens de paiement à l’intérieur du système bancaire, c’est- à –dire, dans les délais nécessaires aux encaissements et aux décaissements, délais qui ne font pas obstacle à l’utilisation par le client des sommes ainsi entrées en compte. Aussi, dés lors que le client dispose de ces sommes avant l’encaissement des chèques, il bénéficie d’un crédit rémunéré par le jeu des dates de valeurs.

 

Pour certains auteurs la pratique des jours de valeur est la rémunération conventionnelle forfaitaire du service global de caisse de la convention de compte courant passée entre la banque et son client. Les dates de valeur ne sont pas sans cause.

C’est ce qui a été jugé par la cour de cassation française dans un arrêt du 06 avril 1993 Bull.IV n°138 cité par Thierry Bonneau ‘’Droit Bancaire’’ op.cit.p. 258 et 259 note 381) qui n’a pas condamné toutes les dates de valeur mais uniquement celles appliquées aux opérations de dépôts et de retrait espèces.           

 

Il est important de rappeler, que les règles du droit commun (DOC) appliquées en matière de prêt avec ou à intérêts, interdisent la capitalisation d’intérêts en matière de prêts civiles, comme il ressort de l’article 874 du DOC : ‘’Est nulle, entre toutes parties, la stipulation que les  intérêts non payés seront à la fin de chaque année, capitalisés avec la somme principale et seront productifs eux même d’intérêts’’. Par contre, l’article 873 du DOC dispose que: ‘’les intérêts ne peuvent être calculés que sur la base d’une année entière’’.

 


 

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