Le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques (CCSRS) a tenu, ce mardi 2 juillet, sa dix-neuvième séance au siège de Bank Al-Maghrib à Rabat.
Il a examiné et approuvé le rapport sur la stabilité financière au titre de l’année 2023 et fait le point sur l’état d’avancement de la feuille de route de stabilité financière couvrant la période 2022-2024.
Il a également passé en revue les conclusions des travaux de son sous-comité mensuel ainsi que les résultats de l’évaluation des risques systémiques et noté à cet égard que les indicateurs de suivi continuent de montrer la solidité et la résilience du secteur financier marocain.
L’analyse de la situation du système financier au regard des évolutions économiques et financières, observées et attendues, a permis au Comité de relever les principaux constats suivants :
- L’économie mondiale, en dépit du resserrement monétaire, des tensions géopolitiques et des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, a montré en 2023 une résilience notable accompagnée d’une atténuation tangible des pressions inflationnistes. Toutefois, ses perspectives s’inscrivent en ralentissement en raison notamment des fortes incertitudes qui les entourent. Dans ce contexte, l’économie nationale a enregistré une nette amélioration de sa croissance, avec un rythme passant de 1,5% en 2022 à 3,4% en 2023. Pâtissant d’une faible production agricole, ce rythme devrait revenir, selon les projections de Bank Al-Maghrib, à 2,8% cette année avant de s’accélérer à 4,5% en 2025, tiré par la poursuite du raffermissement des activités non agricoles. Au niveau des comptes extérieurs, le déficit du compte courant s’est atténué en 2023 à 0,6% du PIB et devrait rester contenu, à 1,7% du PIB en 2024 et à 2,7% en 2025. Dans ces conditions, les avoirs officiels de réserve de Bank Al-Maghrib continueraient de se renforcer pour assurer la couverture de près de 5 mois et demi d’importations de biens et services. Pour ce qui est des finances publiques, le déficit budgétaire poursuivrait son atténuation post-covid, se stabilisant à 4,4% du PIB en 2024 avant de s’alléger à 4,1% en 2025, tandis que l’endettement du Trésor connaitrait une légère hausse à 70,1% du PIB en 2024 avant de diminuer à 68,5% en 2025.
- Dans cette conjoncture et après une progression de 2,7% en 2023, le crédit bancaire au secteur non financier devrait enregistrer une accélération de son rythme à 4,4% au terme de cette année et à 5,2% en 2025. Compte tenu de l’accroissement des créances en souffrance, le taux de sinistralité du secteur bancaire s’est établi à 8,5% à fin 2023 et à 8,8% à fin mai 2024. Le taux de couverture de ces créances par les provisions s’est maintenu autour de 68%.
- Le secteur bancaire continue d’afficher des fondamentaux solides. Sur le plan de la rentabilité, le résultat agrégé des banques à fin 2023 a enregistré un rebond de 20,4% après une contraction de 13% en 2022, à la faveur principalement du net redressement du résultat des opérations de marché. Au plan de la solvabilité, les banques ont dégagé, sur base sociale, un ratio moyen de solvabilité de 15,5% et un ratio moyen de fonds propres de catégorie 1 de 12,9%, supérieurs 2 aux minimas réglementaires de 12% et 9% respectivement. Sur base consolidée, ces ratios se situent respectivement à 13,5% et 11,6%. De surcroit, l’exercice de macro-stress test de solvabilité continue de montrer la résilience du secteur bancaire face à des scénarios simulant la détérioration des conditions macroéconomiques. Le ratio de liquidité à court terme demeure à un niveau confortable, supérieur au seuil réglementaire de 100%.
- Pour ce qui est des Infrastructures de Marchés Financiers, elles continuent de faire preuve d’une forte résilience, tant sur le plan financier qu’au niveau opérationnel, et présentent toujours un niveau de risque faible pour la stabilité financière.
- Concernant le secteur des assurances, en dépit de la hausse des taux d’intérêt, il a pu maintenir sa croissance bien qu’à un rythme moins rapide. Son chiffre d’affaires a atteint 55,9 milliards de dirhams à fin 2023, en légère progression de 3,9% portée principalement par celle de 5,8% de la branche non-vie. La croissance de la branche vie, freinée notamment par le segment épargne, a, quant à elle, accusé une décélération sensible à 1,8% contre une moyenne de 11,9% au cours des dix dernières années. Sur le plan de la rentabilité, le secteur a dégagé un résultat net comptable de 4,2 milliards de dirhams, en progression de 6,2%, portant ainsi le taux de rendement des fonds propres (ROE) à 9,6%. Le ratio des plus-values latentes sur les placements s’est amélioré à 9,3%, dans un contexte de reprise du marché boursier, ce qui a eu un impact positif sur la marge de solvabilité du secteur qui a atteint 330,4% contre 312,7% un an auparavant. Cette marge, calculée sous le régime prudentiel actuel, reste au-dessus du seuil réglementaire mais ne couvre à ce stade que le risque de souscription. Par ailleurs, les exercices de stress tests réalisés font ressortir une résilience globale des entreprises d’assurances à des conditions macroéconomiques et techniques défavorables.
- En ce qui concerne le secteur de la retraite, les principaux régimes de base continuent de connaitre une situation financière difficile. L’application des dernières résolutions relatives aux salaires prises dans le cadre du dialogue social (29 avril 2024) permettrait de reporter légèrement les horizons d'épuisement des réserves des régimes CMR-RPC et RCAR, sans toutefois garantir leur viabilité à long terme. Pour le régime général de la CNSS, la baisse de la durée minimale de cotisation donnant droit à pension de 3240 à 1320 jours avancera, de quelques années, l'apparition du déficit global du régime et l'épuisement de ses réserves. Ainsi, la mise en œuvre de la réforme systémique de ce secteur, à travers l'instauration du système à deux pôles, l’un public et l’autre privé, dont les orientations stratégiques ont été également arrêtées par l’accord du dialogue social précité, devient indispensable. Cette réforme devrait permettre de mettre en place une tarification de ces régimes à même de résorber une grande partie de leurs engagements passés non couverts.
- Sur le marché boursier, l’indice MASI s’est inscrit sur une tendance haussière, enregistrant depuis le début de l’année un gain de 10%, avec une baisse de la volatilité à 6,87% en moyenne au premier semestre 2024 contre 9,4% au deuxième semestre 2023. La valorisation globale du marché se situe à un niveau relativement élevé avec un PER estimé à 20,7x, proche de la moyenne des cinq dernières années. Pour sa part, le ratio de liquidité du marché ressort en amélioration à 11,53% à fin mai contre 8,7% une année auparavant.
- Sur le marché obligataire, les taux des BDT sont restés globalement stables au premier semestre 2024, mais en baisse sensible en comparaison avec le premier semestre 2023. L’encours de la 3 dette privée à fin avril 2024 a progressé de 3,54% en glissement annuel, pour se situer à 262,9 milliards de dirhams, émis à hauteur de 80% par les établissements financiers et les entreprises publiques. L’endettement net des émetteurs non-financiers par appel public à l’épargne reste à un niveau globalement maîtrisé malgré une légère augmentation en 2023. Il s’établit à 53% des fonds propres pour les émetteurs cotés et à 80% pour les émetteurs non cotés.
- L’actif net global des OPCVM s’est établi à 609,7 milliards de dirhams au 31 mai 2024, en hausse de 8,9% par rapport à fin 2023. Les souscriptions nettes depuis le début de l’année s’élèvent à 34,6 milliards de dirhams, orientées à hauteur de 54% vers la catégorie « obligations à moyen et long termes ». Concernant les autres catégories d’OPC, l’actif net global des OPCI s’élève à 87,4 milliards de dirhams à fin mars 2024, en hausse de 42,6% en glissement annuel. L’encours des fonds de titrisation a augmenté, d’une année à l’autre, de 24,7% à fin mars 2024 avec un actif total titrisé de 17,4 milliards de dirhams. L’actif net global des OPCC a atteint 2,55 milliards de dirhams à fin mars 2024, en augmentation de 3,3% en glissement annuel.
Par ailleurs, le Comité a salué les efforts déployés pour parachever la mise en conformité du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme avec les recommandations du GAFI. Cette conformité a été entérinée par le GAFIMOAN lors de sa réunion plénière tenue à Manama en mai 2024.