Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 18 mars sa première réunion trimestrielle au titre de l’année 2025.
Lors de cette session, il a analysé l’évolution de la conjoncture économique, nationale et internationale, et celle récente en matière de politiques publiques au Maroc, ainsi que les projections macroéconomiques de la Banque à moyen terme.
Au plan international, le Conseil a noté qu’en dépit des tensions géopolitiques et des conditions monétaires restrictives, l’économie mondiale a fait preuve globalement d’une relative résilience en 2024, avec toutefois des trajectoires divergentes entre pays. Ses perspectives, qui laissent entrevoir la poursuite du ralentissement, restent entourées de fortes incertitudes liées notamment à l’orientation des politiques économiques, en particulier commerciales. Ces évolutions, conjuguées au repli attendu des prix de l'énergie et à la détente sur les marchés du travail, se traduiraient par une poursuite de la décélération de l’inflation qui demeurerait néanmoins à des niveaux au-dessus des cibles des banques centrales des principales économies avancées.
Au niveau national, le Conseil a relevé la dynamique notable de l’activité dans les secteurs non agricoles, tirée en particulier par l’investissement, principalement dans les infrastructures. Il a pris note également de l’engagement du Gouvernement à poursuivre la consolidation des équilibres macroéconomiques, tout en maintenant l’élan des réformes, ainsi que de la feuille de route qu’il a adoptée récemment pour relancer l’emploi, notamment en stimulant l’investissement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME). Quant au secteur agricole, la production continue de pâtir des conditions climatiques défavorables, bien qu’en nette amélioration depuis le début de ce mois.
S’agissant de l’inflation, après deux années de niveaux élevés, elle a connu un ralentissement très sensible en 2024, revenant à 0,9% en moyenne. Elle devrait, selon les projections de Bank Al- Maghrib, s’accélérer, tout en restant à un niveau modéré oscillant autour de 2% au cours des deux prochaines années. Sa composante sous-jacente est ressortie à 2,2% en 2024 et évoluerait également autour de 2% à moyen terme. Ces perspectives demeurent entourées de fortes incertitudes liées notamment, au plan externe, à la persistance des tensions géoéconomiques et à leurs implications sur l’inflation mondiale, et au plan interne, à l’évolution de l’offre de produits agricoles. Le Conseil a, par ailleurs, noté que les anticipations d’inflation restent ancrées, les experts du secteur financier s’attendant au premier trimestre 2025 à des taux moyens de 2,2% pour l’horizon de 8 trimestres et de 2,4% pour celui de 12 trimestres.
Sur le volet de la transmission de ses décisions, les données collectées au quatrième trimestre 2024 montrent une baisse de 35 points de base (pb) des taux débiteurs assortissant les crédits bancaires au secteur non financier, comparativement au deuxième trimestre de la même année, contre une réduction de 25 pb du taux directeur au cours de la même période. Compte tenu de l’évolution prévue de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et en vue de renforcer son soutien à l’activité économique et à l’emploi, le Conseil a décidé de réduire, pour la deuxième fois consécutive et la troisième depuis juin dernier, le taux directeur de 25 pb à 2,25%. Il continuera de suivre de très près l’évolution de la conjoncture et de fonder ses décisions réunion par réunion sur la base des données les plus actualisées.
Dans cette même optique, Bank Al-Maghrib met en place un nouveau programme de soutien au financement bancaire des très petites entreprises (TPE), avec en particulier un refinancement des banques participantes à un taux préférentiel égal au taux directeur minoré de 25 pb. Ce dispositif et l’engagement exprimé par le secteur bancaire devraient améliorer l’accès au financement de cette catégorie d’entreprises et renforcer sa contribution à la création d’emplois dans notre pays.
Sur les marchés internationaux des matières premières, les cours du pétrole maintiendraient leur tendance baissière à moyen terme, à la faveur de l’augmentation de l’offre notamment des pays non- membres de l’OPEP+ et de la modération de la demande mondiale. Le cours du Brent en particulier reviendrait de 79,8 dollars le baril en moyenne en 2024 à 69,1 dollars en 2026. De même, les prix du phosphate brut d’origine marocaine diminueraient, selon les projections de la Commodities Research Unit, de 215 dollars la tonne en 2024 à 182 dollars en 2026, alors que ceux de ses dérivés progresseraient au cours de la même période de 586 dollars la tonne à 591 dollars pour le DAP et de 436 dollars à 468 dollars pour le TSP. Pour ce qui est des produits alimentaires, l’indice FAO ressortirait en accroissement de 3,1% en 2025 et de 0,9% en 2026 et ce, après un repli de 2,1% en 2024.
S’agissant des perspectives de l’économie mondiale, le rythme de l’activité ralentirait à 3% en 2025 et à 2,8% en 2026. Dans les économies avancées, la croissance décélérerait à 2% cette année et à 1,7% en 2026 aux Etats-Unis et resterait faible dans la zone euro, se situant à 1% en 2025 puis 1,3% l’année suivante. Dans les principaux pays émergents, l’économie chinoise, après avoir quasiment atteint l’objectif de croissance de 5% fixé par les autorités pour 2024, devrait croitre de 4,8% en 2025 et de 4,3% en 2026, tandis qu’en Inde, l’activité demeurerait vigoureuse, avec une croissance de 7,2% et 6,7% respectivement.
Dans ces conditions, l’inflation mondiale poursuivrait sa décélération, revenant de 3,7% en 2024 à 3,2% en 2025 et en 2026. Dans les principales économies avancées, elle ressortirait à 2,4% en 2025 et à 2,1% en 2026 dans la zone euro, et se maintiendrait autour de 3% au cours des deux années aux Etats-Unis.
Dans ce contexte, les politiques monétaires des banques centrales des principales économies avancées restent orientées vers l’assouplissement. Ainsi, la BCE a décidé à l’issue de sa réunion du 6 mars de réduire, pour la cinquième fois d’affilée et la sixième depuis juin 2024, ses trois taux d’intérêt directeurs de 25 pb. De son côté, après trois baisses consécutives d’un total de 100 pb en 2024, la FED a décidé, lors de sa réunion des 28 et 29 janvier, de marquer une pause, maintenant inchangée la fourchette cible du taux des fonds fédéraux à [4,25%-4,50%].
Au niveau national, la croissance non agricole aurait atteint 4,2% en 2024 et devrait rester autour de ce niveau à moyen terme, tirée essentiellement par l’essor de l'investissement dans les infrastructures, alors que la valeur ajoutée agricole demeure tributaire des conditions climatiques. Elle aurait reculé de 4,7% en 2024 et devrait, tenant compte d’une récolte céréalière qui atteindrait selon une estimation préliminaire de Bank Al-Maghrib 35 millions de quintaux et de l’amélioration prévue de la production non céréalière, s’accroitre de 2,5% cette année avant de marquer un bond de 6,1% en 2026 sous l’hypothèse d’un retour à une récolte moyenne de 50 millions de quintaux. Au total, la croissance de l’économie nationale se serait située à 3,2% en 2024 et devrait s’accélérer progressivement pour atteindre 3,9% cette année et 4,2% en 2026. Sur le marché du travail, les données relatives à l’année 2024 montrent que la situation continue de pâtir de la contraction de la production agricole, avec une nouvelle perte de 137 mille emplois dans l’agriculture. En revanche, l’emploi non agricole a connu une certaine reprise avec des créations de 160 mille postes dans les services, de 46 mille dans l’industrie et de 13 mille dans le BTP. Tenant compte d’une entrée nette de 140 mille demandeurs d’emplois, le taux d’activité a légèrement baissé à 43,5% et le taux de chômage s’est aggravé à 13,3% au niveau national, à 6,8% en zones rurales et à 16,9% en milieu urbain.
Sur le volet des comptes extérieurs, la dynamique des échanges observée en 2024 devrait se poursuivre à moyen terme. Les exportations seraient tirées essentiellement par les ventes de phosphate et dérivés, qui augmenteraient de 15,2% cette année et de 8,6% en 2026 à 108,6 milliards de dirhams, et par celles du secteur automobile qui atteindraient 195 milliards en 2026. En parallèle, les importations seraient portées notamment par la poursuite de la forte progression prévue des acquisitions de biens d’équipement ainsi que par la hausse des achats de biens de consommation, alors que la facture énergétique continuerait de reculer pour s’établir à 104,6 milliards en 2026. Par ailleurs, les recettes de voyages poursuivraient leur expansion pour se situer à près de 125 milliards de dirhams en 2026, tandis que les transferts des MRE se consolideraient pour avoisiner 123 milliards la même année. Au regard de ces évolutions, le déficit du compte courant se creuserait à 2,9% du PIB en 2025 avant de s’alléger à 2% en 2026. Quant aux recettes des investissements directs étrangers, elles continueraient de s’améliorer, avoisinant l’équivalent de 3% du PIB en 2025 et 3,3%ven 2026, après 2,8% en 2024. Au total, et tenant compte des financements extérieurs prévus duvTrésor, les avoirs officiels de réserve se renforceraient à 391,8 milliards de dirhams à fin 2025 puisvà 408 milliards à fin 2026, représentant l’équivalent de 5 mois et 5 jours d’importations de biens etvservices et 5 mois et 11 jours respectivement.
Au niveau des conditions monétaires, le besoin de liquidité bancaire s’est atténué à 128,7 milliards de dirhams en moyenne en janvier et février 2025, suite notamment au reflux de la circulation fiduciaire en lien essentiellement avec l’opération de régularisation volontaire de la situation fiscale des personnes physiques. Il devrait toutefois se creuser à nouveau à 143 milliards de dirhams à fin 2025 et à 162 milliards en 2026. De son côté, et tenant compte de l’évolution prévue de l’activité économique et des anticipations du système bancaire, le rythme du crédit au secteur non financier devrait connaitre une forte accélération, passant de 2,6% en 2024 à 5,9% en 2025 puis à 6% en 2026. S’agissant du taux de change effectif réel, il s’apprécierait de 0,8% en 2025 avant de connaitre une quasi-stabilité en 2026, l’appréciation nominale du dirham devant être compensée par l’écart entre l’inflation domestique et celle des principaux partenaires et concurrents commerciaux.
Sur le volet des finances publiques, l’année 2024 a connu une amélioration de 15,3% des recettes ordinaires, portée notamment par la performance notable des rentrées fiscales. En parallèle, les dépenses globales se sont accrues de 6,5%, reflétant la hausse des dépenses de biens et services et de celles d’investissement. Compte tenu de ces réalisations, des données de la loi de finances 2025 et de la programmation budgétaire triennale 2025-2027, le déficit budgétaire hors produit de cession des participations de l’Etat devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, s’alléger graduellement, revenant de 4,1% du PIB en 2024 à 3,9% en 2025 et à 3,6% en 2026.