La hausse du billet vert renchérit le coût des importations des produits de base pour le Maroc.
Le coût de remboursement de la dette extérieure tend également à augmenter à mesure que le Dollar se renforce.
Jamais le Dollar n’avait été aussi fort depuis deux décennies. Depuis le début de l’année, le Dollar Index, qui mesure la variation du Dollar américain face à un panier de six devises majeures, a augmenté à 108points (au plus haut depuis le début des années 2000). Le billet vert poursuit ainsi son rallye haussier face à plusieurs devises de référence endossant son rôle de valeur refuge dans un contexte de forte aversion au risque au sein des marchés financiers.
L’Euro a fortement baissé face au Dollar, cédant -2,20% au terme de cette semaine passant de 1,0414 à 1,0185, soit un plus bas depuis 2002. De son coté, « la parité USD/MAD affiche quant à elle une performance hebdomadaire de +1,41% à 10,1767 portée par l’envolée du Dollar à l’international », expliquent les analystes de Attijari Global Research dans une note. La flambée des prix des matières premières à l’international a aussi contribué à la hausse des importations en devises et donc à l’appréciation du dollar face au dirham.
Le dollar à un plus haut de 26 mois face au dirham
Changement de cap de la politique monétaire américaine, guerre en Ukraine, super-cycle des matières premières, perturbation du commerce international, ralentissement de l’économie mondiale, inflation…, les facteurs favorisant le renforcement du Dollar américain sont nombreux.
Parallèlement, la demande pour la monnaie de réserve internationale va continuer à s’intensifier, alors que la FED a annoncé la réduction de son bilan (en retirant de la liquidité) à partir du mois prochain. La hausse du billet vert n’est une bonne nouvelle pour presque aucun pays. Les manuels d’économie nous enseignent qu’un Dollar fort pousse l’activité économique des États-Unis à ralentir et l’inflation américaine à être exportée.
Une inflation que le Maroc importe et paye cher, comme en témoignent les récentes évolutions macroéconomiques. En réalité, pour l’économie marocaine, la hausse du Dollar a un impact direct sur la balance commerciale, avec des importations de produits de base mécaniquement plus chers, car elles sont le plus souvent libellées en Dollar. Cela, au moment où les prix de ces produits connaissent une envolée sans précédent. Notons au passage que les réserves en devises du Maroc se sont établies à 329,2 milliards de DH, l’équivalent de 6 mois et 11 jours d’importations.
«En tant que pays importateur net de pétrole, l’appréciation des prix des produits énergétiques à l’international rehausse les paiements du Maroc en devises. Une situation qui induit des pressions sur les conditions de liquidité et sur le MAD à court terme», expliquent les analystes.
Toutefois, le Maroc pourra légèrement contrebalancer cela grâce à ses secteurs exportateurs, dont en tête celui des phosphates qui a presque doublé ses exportations pour atteindre 47,62 milliards de dirhams à fin mai (contre 13,43 Mds de DH en 2021). D’autres secteurs comme les mines, dont les cours sont fixés en Dollar, sont également bien lotis. «Compte tenu des niveaux actuels du MAD, nous recommandons aux exportateurs en Dollar de couvrir leur risque de change inhérent à leurs opérations à l’international sur des horizons inférieurs à 2 mois», recommande AGR.
Impacts sur la dette extérieure
Par ailleurs, le Maroc fait face à un problème supplémentaire. Il s’agit du service de la dette extérieure, avec un coût de remboursement (charge d’intérêts) qui tend à augmenter à mesure que le Dollar se renforce. Cependant, ce risque de change est plutôt maîtrisable. En effet, la part de la dette libellée en devises dans le portefeuille de la dette du Trésor représente près de 24,6%. Cette dette est composée de 60,6% de dette libellée en Euro et de 33,8% en Dollar US et devises liées. Cette structure, qui reste proche de celle du panier de cotation du Dirham, permet en fait d’atténuer l’exposition du portefeuille de la dette extérieure publique au risque de change et d’en limiter l’impact sur l’encours et le service de la dette. Rappelons que sur la seule année 2021, le Maroc a honoré 41 milliards de DH de dettes extérieures.
Cette année, le Royaume devra faire face à des tombées de remboursement importantes de 43 milliards de DH (dont 17 Mds en Eurobonds), selon les projections du service de la dette extérieure publique du département des Finances. En outre, le Trésor, qui envisage de recourir au marché international pour lever environ 40 milliards de DH (près de 4 milliards de dollars) comme prévu dans le Budget 2022, devra lever le pied au vu de ces circonstances.
Quelles prévisions pour le Dirham sur les 3 prochains mois ?
Compte tenu des prévisions de l’EUR/USD et des spreads de liquidité sur le marché des changes, nos prévisions USD/MAD ont été révisées durant les 3 prochains mois.
Le MAD s’apprécierait face à l’USD sur 1, 2 et 3 mois, pendant la période estivale 2022. En marge du démarrage de l’opération « Marhaba » en juin 2022, nous anticipons des flux exports importants sous la forme de recettes touristiques.
A cet effet, nous anticipons une amélioration des conditions de liquidité au sein du marché interbancaire des changes à CT. Néanmoins, nous restons vigilants par rapport à l’évolution du gaz et du charbon et leur impact sur la balance commerciale et les réserves de change du Maroc.
Les niveaux cibles de la parité USD/MAD ressortent à 9,97; 9,92 et 10,02 à horizons 1, 2 et 3 mois contre un cours spot de 10,18. Face à l’Euro, le Dirham devrait se déprécier sur les mêmes horizons.
Les niveaux cibles de la parité EUR/MAD ressortent à 10,47; 10,42 et 10,52 à horizons 1, 2 et 3 mois contre un cours spot de 10,32.