Vendredi 16 Juin 2023

Maroc : L’explosion de la circulation de cash peut engendrer une bulle immobilière à moyen long terme

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La politique restrictive de Bank Al-Maghrib n’arrive toujours pas à résorber l’hémorragie de cash dont souffre le système économique depuis la pandémie. Les économistes pointent désormais du doigt le risque de voir la formation d’une bulle sur les prix des actifs, notamment immobiliers. 

Énergétique au départ puis alimentaire, l’inflation au Maroc pourrait bientôt devenir purement monétaire. Et pour comprendre ce phénomène, il faut revenir en 2020 et la pandémie qui a eu plusieurs conséquences sur les habitudes de consommation et d’épargne des Marocains. L’explosion des transferts des MRE et la baisse des taux de rémunération de l’épargne ont également contribué à ce phénomène. «Nous sommes passés d’une création monétaire de 168 Mds de dirhams entre 2017 et 2019 à 314 Mds sur la période 2020-2022. Cette hausse s’explique à 95% par la partie liquide la masse monétaire», fait remarquer Ahmed Zhani, économiste en chef de CDG Capital, lors d’une rencontre


Des conséquences sur le système bancaire 

La «liquéfaction» de la masse monétaire rend les ressources bancaires plus volatiles. «Cette situation pourrait générer un risque bilanciel pour les banques compte tenu de la prépondérance des engagements à moyen et long terme, notamment en prêts immobiliers», explique Zhani, faisant référence aux contraintes ALM (Asset and Liability Management) des banques qui imposent de financer les crédits à long terme par des ressources stables.

Bank Al-Maghrib tente d’agir sur cette situation grâce à la hausse du taux directeur, qui en théorie doit se répercuter sur la rémunération de l’épargne. Mais dans les faits, les banques n’ont que marginalement augmenté leurs taux créditeurs depuis septembre 2022. Les taux associés aux dépôts à terme à 6 mois ont progressé de seulement 32 Pbs et les taux de rémunération à 12 mois de 53 Pbs alors que le taux directeur a progressé de 150 pbs. 

Alimenter le secteur informel 

Les efforts entrepris par la communauté financière durant la dernière décennie pour faire du Maroc une économie qui tend vers le zéro cash ont volé en éclats depuis la Covid-19. La circulation fiduciaire a augmenté d’un tiers depuis la pandémie et inscrit record après record. «La circulation fiduciaire a augmenté de près de 50 Mds de DH en 2020 et 33,6 Mds en 2022 contre une moyenne de 17 Mds enregistrée sur la période 2015-2019. Cela représente une source d’accroissement du secteur informel et du marché de change parallèle», alerte Ahmed Zhani.

Une nouvelle forme d’inflation en vue 

La progression de la masse monétaire en circulation à un rythme largement supérieur à la croissance réel du PIB pourrait représenter une source d’inflation, de type monétaire, à moyen et long terme. Selon Ahmed Zhani, les premiers signaux commencent déjà à apparaître : «Le compte de patrimoine des entreprises montre une croissance de leur épargne au détriment des ménages. A terme, cette situation va déboucher sur un transfert de cette épargne des entreprises vers les actionnaires qui, eux, alimenteront des bulles financières sur les actifs réels, l’immobilier notamment», analyse-t-il. «C’est un risque à surveiller les prochaines années», prévient l’économiste. 


Le resserrement de la politique monétaire est en théorie l’outil principal pour lutter contre cette situation. Mais la démarche de BAM, qui consiste à agir uniquement sur le taux directeur, n’a pas permis jusqu’à présent de réduire le rythme de progression des crédits, particulièrement chez les entreprises qui, paradoxalement, subissent le plus gros de la hausse des taux créditeurs. Ailleurs dans le monde, les Banques centrales adoptent des politiques plus fermes en réduisant leurs avances au système bancaire tout en augmentant le taux directeur. 


Mais Bank Al-Maghrib a fait le choix de maintenir ses injections dans le système bancaire, préservant régulièrement des excédents autour de 15 Mds de dirhams, identiques à la période Covid où elle avait décidé d’ouvrir complètement les vannes. 

Nous nous retrouvons à présent dans une situation où la masse monétaire représente plus de 133% du PIB (136% en 2020). Une situation intenable à long terme où il faudra bien que la valeur des biens augmente pour absorber ces liquidités. Historiquement, la masse monétaire se maintenait sous les 120% du PIB.

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