Entre l'impératif de maintenir une bonne gestion des risques et celui de continuer à financer l’économie : 2021 se profile déjà comme une année de tous les défis pour les banques marocaines. En effet, avec le retrait progressif des mesures d’urgence prises par les Etats depuis le début de la crise sanitaire, l’année 2021 pourrait être la plus difficile depuis 2009 pour le secteur bancaire.
Dans son rapport, l’agence rappelle que les notes de crédit du secteur affichent pour l’instant un biais clairement négatif puisque pour un tiers environ des établissements qu’elle suit, elles sont dans une perspective négative, qui implique un risque de dégradation.
Or, explique l’agence, “le retour des systèmes bancaires dans le monde aux niveaux d’avant le COVID-19 sera lent, incertain et très variable selon les zones géographiques”. Dans certains pays, dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, le retour au niveau d’avant-crise pourrait ainsi attendre 2023.
Maroc: les points de vigilance
Le Maroc ne fait pas exception. Et l'année 2021 ne sera décidément pas celle de la reprise. “La hausse des provisions aura un impact négatif sur le secteur bancaire marocain”, estime S&P dans son rapport. D'ailleurs, plusieurs banques marocaines ont préféré procéder à une politique de provisionnement anticipatif, ce qui s’est reflété sur les résultats publiés jusqu’à ce jour.
Avant la pandémie, le secteur bancaire affichait un rendement moyen des fonds propres de 9,4%, et un ratio de solvabilité adéquat de 15,6%. “Bien que nous nous attendions à ce que ces ratios se détériorent, la politique de provisionnement offrant des coussins pour absorber des pertes de crédit supplémentaires”, ajoutes les analystes de S&P.
Notons que l’agence s’attend à ce que le taux de sinistralité (créances en souffrance) se détériore à 11%-12% au cours des deux prochaines années. Actuellement, il frôle les 8%.
Autre hic relevé par l’agence a trait à l’expansion régionale en Afrique, où le risque est “généralement plus élevé qu’au Maroc”. S&P la décrit comme une arme à double tranchant : “l'expansion en Afrique apporte des avantages de diversification, mais aussi des surprises désagréables potentielles”, arguent-ils.
Une suspension de dividende par la banque centrale aidera à amortir l'impact sur les fonds propres, selon la même source. Sur ce point, BAM qui devrait se prononcer sur ce sujet, continuera à apporter son soutien au circuit bancaire. Signalons que certaines banques ont pu rétribuer leurs actionnaires cette année, dans le respect des exigences de BAM en la matière.
En termes de profitabilité, des résultats plus faibles suite à la hausse du coût du risque et de la baisse des revenus suite à la baisse des marges réduiront la rentabilité des banques en 2020 et 2021.
Au final, malgré ces nombreux points de vigilances, l’agence estime que le système bancaire marocain sera l’un des moins touchés par la crise sanitaire, sur les 6 pays étudiés (Kenya, Egypte, Afrique du Sud, Tunisie, Nigéria).
Sur un volet plus macro, l'agence prévoit une récession de 5,5% en 2020 avant une reprise progressive de 4,2% en moyenne en 2021 et 2022. Ce rebond attendu de l'économie marocaine dépendra en grande partie de la forme de la reprise en Europe.
S&P Global a pris au total 236 décisions sur des notes de banques depuis le début de la pandémie, dont environ 23% d’abaissements et 76% de révisions à la baisse des perspectives.