- Avec une croissance qui ralentit et une inflation galopante, le scénario d’une stagflation se dessine.
- Les investisseurs et les analystes tentent d'évaluer de jour en jour l'évolution du conflit russo-ukrainien et son impact économico-financier.
La guerre en Ukraine se poursuit depuis plus de deux semaines, précipitant les prix de l'énergie et des matières premières à des niveaux jamais vu. Les investisseurs et les analystes se voient contraints de réévaluer leurs perspectives pour la reprise économique post-Covid. Certains mettent en garde contre une période d'inflation élevée et durable et de ralentissement de la croissance, au moment où le Maroc connaît l’une des plus importantes sécheresses de son histoire.
Le FMI a d’ailleurs alerté contre les conséquences économiques «dévastatrices» de la persistance du conflit en Ukraine. «Les perspectives sont soumises à une extraordinaire incertitude, les conséquences économiques sont déjà très graves», a indiqué le Fonds.
«Les autorités monétaires devront surveiller attentivement la répercussion de la hausse des prix internationaux sur l'inflation intérieure, afin de calibrer les réponses appropriées», a recommandé le FMI. Le gouvernement a dans ce sens annoncé qu’il étudie la possibilité de subventionner certains produits afin que l'augmentation de leurs prix n'ait pas d'impact sur le citoyen. Mais jusqu’à quel degré ? Quelles seraient les implications sur le budget de l’État, sur l’investissement et sur l’endettement ?
L’économie nationale évolue donc dans un contexte à haut risque marqué par des pressions sur les finances publiques, une saison agricole menacée par la sécheresse et une forte hausse des prix des matières premières et énergétiques.
Dans une récente note de recherche sous le titre de «Perspectives économiques et taux 2022 : des équilibres fragiles dans un contexte global tendu», CDG Capital Insight souligne qu’«après une forte croissance enregistrée en 2021, l’année 2022 devrait connaitre un fort ralentissement en dessous du seuil de 3% sous le double effet : d’une campagne agricole dans des conditions climatiques qui semblent globalement défavorables (…) Et d’un recul de la croissance non agricole, compte tenu de la dissipation de l’effet de base de la crise covid19; l’érosion des marges du secteur secondaire en résultat de la hausse des prix des matières premières et énergétiques et le faible redressement de certains secteurs tertiaires, particulièrement le tourisme et le transport».
Pour la recherche de CDG Capital, cette hausse des prix, dont le potentiel demeure imprévisible, a été exacerbée par le déclenchement de la guerre Russie/Ukraine. Ses répercussions devront être surveillées compte tenu du poids de l’Ukraine de la Russie dans le marché des denrées alimentaires et de l’énergie, mais aussi dans le marché des métaux rares qui représentent des intrants importants pour les composants électroniques.
Même son de cloche du côté de BMCE Capital Global Research, qui écrit dans sa Strategy de février, que l'indice des prix pourrait dépasser le niveau de +2% projeté, ne serait-ce que par le jeu de l'inflation importée, au vu du trend actuel de hausse des cours internationaux du pétrole et des matières premières.
Pour eux, «cette tendance semble déjà se dessiner, puisqu'au terme du premier mois de 2022, l'indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de +3,1%, retraçant la hausse de l'indice des produits alimentaires de +4,3% et de celui des produits non alimentaires de +2,3%, (dont +5,9% observé dans le Transport). Idem pour l'indice des prix à la production qui a enregistré une augmentation de +2,5%, laissant entrevoir une éventuelle transmission dans les semaines à venir dans les prix de vente».
En attendant la publication des nouvelles estimations du HCP et de Bank Al-Maghrib, «la combinaison de ces deux facteurs défavorables (sécheresse et inflation : ndlr) induit, à notre niveau, une révision immédiate à la baisse de tous les scenarii de croissance économique pour 2022, pour ne plus envisager, dans le cas central, qu'une projection de progression limitée du PIB à 1,8% contre 2,9% précédemment», souligne BKGR.
Qui plus est, une rallonge budgétaire de 10 à 15 Mds DH en termes de subvention ne serait pas à exclure, selon BKGR. Situation qui pourrait induire une nouvelle dégradation du déficit budgétaire et de la dette publique. Pour rappel, la Loi de Finances 2022 avait prévu une enveloppe de 16 Mds de dirhams pour la compensation, dont 11 Mds pour le gaz butane.
Au final, pour plusieurs économistes, la situation actuelle rappelle celle des années 70 où l’économie mondiale avait plongé dans une période de stagflation prolongée. Un contexte économique caractérisé par une faible croissance et une forte inflation souvent accompagnée par un taux de chômage élevé. Notons que le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, a déclaré ce matin que la crise énergétique actuelle marquée par une flambée des prix est «comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973». Ce scénario, rappelons-le, a également été négatif pour les marchés actions, avec une grosse sous-performance des valeurs technologiques, bancaires et de consommation. À suivre.