Abdellatif Zaghnoun opte pour une refonte totale de la stratégie du groupe. Cela passe par une organisation en pôles plus cohérents, l'optimisation du levier financier et un changement profond dans la philosophie même d'intervention de la Caisse : CDG ne veut plus être un opérateur mais plutôt un investisseur.
Il était temps pour la Caisse de dépôt et de gestion de tourner une page de son histoire. Le bras financier de l'Etat est devenu tellement tentaculaire, qu'après le scandale CGI, il a fallu attendre trois années et quelques départs pour voir enfin émerger de nouvelles orientations stratégiques pour le groupe, trois ans pour que Abdellatif Zaghnoun réussisse à cerner ce groupe aux 145 participations.
Fini le gaspillage des ressources
C'est devant une poignée de journalistes que le patron du groupe CDG a présenté son nouveau plan stratégique, ce 20 juin. Un plan qui sera décliné sur 5 ans et qui devrait déboucher sur un budget d'investissement autour de 45 Mds de dirhams, comme pour le précédent plan. Mais la Caisse veut désormais changer de fusil d'épaule et rentabiliser encore plus ses ressources. C'est d'ailleurs le point clé de ce plan stratégique : "Nous devons rentabiliser nos fonds propres et l'épargne qui nous est confiée", a déclaré Zeghnoun à plusieurs reprises. "L'action de la CDG doit être additionnelle", a-t-il déclaré. Ce que cherche Zaghnoun, c'est faire jouer plus de levier financier pour réduire la consommation des fonds propres par les projets. Concrètement, dans l'immobilier par exemple, le groupe va privilégier des interventions en maîtrise d'ouvrage déléguée (M.O.D) ou comme gestionnaire plutôt que comme opérateur global sur toute la chaîne de valeur. Cela permettra d'augmenter sa capacité d'intervention et de mieux gérer les risques. CDG souhaite également intervenir en tant qu'investisseur dans le tissu productif avec des prises de participation raisonnables.
5 piliers et 4 groupes de métiers
L'activité du groupe aura désormais 5 piliers : L'épargne /prévoyance, le tourisme, le développement territorial, le cofinancement et l'investissement. Ceux qui connaissent l'organisation traditionnelle du groupe, remarqueront que l'activité financière a été éclatée en plusieurs piliers et que le tourisme émerge comme un nouveau pilier stratégique.
Dans le domaine de l'assurance et de la prévoyance, Zaghnoun ne cache pas son appétit pour l'argent des caisses de retraite. Après la CNSS, le patron de le CDG veut mettre la main sur les placements du RCAR ou de la CMR. Il envisage d'entamer des discussions avec les pouvoirs publics pour atteindre cet objectif tout en respectant l'équité dans le traitement. Dans le tourisme, la CDG veut en finir avec les projets monstres qui consomment beaucoup de fonds propres. La station Saidia est pointée ici du doigt, alors que la Station Taghazout, où sont engagés des opérateurs du privé, est plutôt bien appréciée par CDG. Le groupe souhaite également se défaire des petits hôtels non stratégiques qui se trouvent dans son périmètre.
Concernant le développement territorial, CDG ne souhaite plus intervenir comme opérateur mais plutôt en M.O.D. ou en gestion. Cela concerne les zones industrielles et l'aménagement urbain. Dans l'immobilier, Zaghnoun dit vouloir “réduire la voilure” de CGI, pour lui permettre de déstocker rapidement et redevenir “performant”.
Les 5 piliers d'intervention de CDG seront déployés à travers une organisation autour de 4 métiers : Gestion de l'épargne et la prévoyance, le développement territorial, le tourisme et les métiers de la banque. “Ces branches sont et seront dotées de véritables patrons avec une importante autonomie", nous déclare le patron de la CDG.
Il reste maintenant à expliquer cette stratégie au groupe et ses 5.000 collaborateurs pour avoir l'adhésion des équipes. Zaghnoun promet une convention des cadres en septembre et l'arrêté de la stratégie pilotage et gouvernance de ce plan dans les deux mois après discussions avec les autorités.
Zaghnoun veut l'argent des retraites
Que penser des ambitions stratégiques de la CDG en termes de prévoyance et de retraite ? Car, alors que la CNSS a enfin accepté (difficilement) que ses ressources soient gérées par la CDG, voilà que le patron de cette dernière annonce que ce n'est pas assez. Pour Abdellatif Zaghnoun, "il faut pousser d'autres Caisses de retraite à déposer chez la CDG". Il pense ici au RCAR et à la CMR notamment. Pour lui, rien n'empêche de revoir le mode de gestion de cette épargne, vers plus d'équité (chose que demandait la CNSS), afin de convaincre les parties prenantes du bien-fondé de cette décision. CDG cherche clairement à se positionner comme acteur central dans la gestion du futur pôle public envisagé dans le cadre de la réforme des retraites.