La baisse des taux s'installe de manière durable au Maroc. Elle touche de plein fouet le secteur des assurances. Les compagnies se trouvent contraintes de s'adapter à cette nouvelle donne, qui met à mal une branche de leur activité, en l’occurrence l'assurance vie.
Un constat sans appel faisant l'unanimité chez les économistes et les professionnels des marchés. «La courbe des taux s’aplatit. C’est un élément très impactant pour nous qui sommes structurellement des épargnants. Il est évident qu’au Maroc comme ailleurs, les taux ont un effet négatif sur les rendements et donc sur les taux servis», s’est alarmé Christophe Buso, Directeur général de Saham Assurance, lors de la conférence de présentation des résultats.
Faisant le lien avec les exigences de SBR, Buso commente : «Avec l’arrivée de la solvabilité basée sur les risques (SBR) qui favorise l’investissement obligataire au détriment des actions, nous serons d’autant plus confrontés à un environnement pénalisant. En tout cas, contraignant».
Une double peine pour les compagnies, puisqu'au fur et à mesure que le stock d’anciennes obligations apportant du rendement diminue, les compagnies n’auront d’autres choix que de réinvestir dans de nouvelles obligations moins rentables.
«Nous ne pouvons plus rêver et espérer d’avoir des taux meilleurs, dans les années à venir, qui nous générerons des résultats financiers extraordinaires», a-t-il ajouté. Une bonne chose aussi puisque cela «renforce la nécessité de faire du résultat sur nos métiers».
Repenser l’assurance vie
La question est de savoir que font les assurances face à cet environnement de taux bas prolongé qui supprime leur capacité à recourir aux produits financiers classiques. Pour l'heure, l'alternative idéale vient des contrats en unités de compte (UC), qui permettent un investissement multisupport avec une dose de risque adaptée au profil de l'épargnant.
«Les marchés européens développent des gammes de produits dits en unités de compte. Ils ont des avantages dans le sens où ils bloquent moins de capital, proposent potentiellement plus de rendement mais également plus de risque et donc plus de volatilité aux assurés», a expliqué le DG de Saham Assurance.
«Nous savons tout à fait faire cela, mais le marché marocain n’est encore pas du tout habitué à ce type de produits. Les clients ne sont pas accoutumés à supporter le risque. Il va falloir prendre un peu de temps pour que le marché s’éduque, et pour que les clients commencent à faire des arbitrages» poursuit Buso.
Et de renchérir «je pense qu’ils le feront d’autant moins rapidement que les taux servis en assurance vie au Maroc sont encore relativement corrects».
Des acteurs en pole position
Si Saham Assurance préfère temporiser, d’autres compagnies ont fait le pari de s'y investir. A leur tête Wafa Assurance, qui très vite a lancé un produit d’épargne libellé en unités de compte où les sommes versées par les clients sont investies dans des supports OPCVM.
Que le client soit prudent ou preneur de risque, les UC offrent le choix entre plusieurs profils d’investissement, partant du profil 100% monétaire, (pour les clients prudents) jusqu’au profil 100% actions (pour les clients recherchant la performance du marché des actions). Wafa Assurance a l'avantage de profiter du réseau de distribution de Attijariwafa bank. Un gisement de taille pour l'assureur qui lui procure un véritable avantage. La compagnie d'assurance a fait état d'un chiffre d’affaires Vie du 4ème trimestre 2019 en progression de 14,1% à 1,45 Md de dirhams, en raison de la progression de l’Epargne, suite à la percée des contrats en unités de compte notamment. Wafa Assurance profite aussi d'une bonne performance des produits Prévoyance via la bancassurance.
Mais avant que ces nouveaux produits d’épargne ne soient généralisés, le chemin sera long : formation du réseau, pédagogie des clients ou encore manque d’instruments sous-jacents seront les verrous à faire sauter pour voir émerger une vraie industrie d’épargne en UC.
En 2019, les placements affectés aux contrats en unités de compte ont progressé de 174,6% à 811 MDH pour l'ensemble du marché. Les professionnels s’attendent à ce que cette tendance s’accélère en 2020 sur tout le marché de l'épargne, profitant notamment de l'impact de la contribution libératoire introduite dans la Loi de Finances 2020.