Il y a quelque temps, lors de l'élaboration d'un dossier sur les mutations qui attendent le secteur bancaire avec le digital, j'ai eu l'occasion d'assister à une conférence où l'un des fondateurs du "Compte-Nickel", en France, expliquait le fonctionnement de sa société qui dispose actuellement de plus de 300.000 clients. Ce type de purs-players peut prétendre à déstabiliser certaines banques de la place avec le concept de "comptes sans banques". A condition que Bank Al-Maghrib libéralise un peu plus la pratique, en supprimant ou en relevant la limite supérieure de ces comptes, au-delà de 20.000 DH.
Ouvrir un compte en 3 minutes chrono
Compte-Nickel s'est associé au syndicat des buralistes de France. Initialement, son produit était destiné aux interdits de comptes pour leur permettre de contourner l'interdiction et de disposer de relevés bancaires. Cela facilite beaucoup de choses, comme trouver du travail. Le fonctionnement est simple : Un client entre dans un bureau de tabac, sur un côté du comptoir se trouve une petite machine où il scanne sa carte d'identité. Le buraliste lui fournit dès lors une carte bancaire identique à toutes celles qui circulent chez les banques classiques. Il peut dès lors alimenter son compte chez le buraliste et sortir du commerce avoir trois originaux de son relevé bancaire. Fin de la procédure. Temps estimé : 3 minutes.
Après 72h, parfois moins, le client reçoit un courrier à son domicile avec le code d'activation (l'adresse a été reprise sur la CIN scannée chez le buraliste). Il ne lui reste plus qu'à activer sa carte et l'utiliser. Le "Compte-Nickel" ne donne pas de crédit, ne fait pas de conseil, ne permet pas de découvert et ne dispose pas d'agences bancaires. Résultat : Les coûts sont faibles et les clients ne payent que quelques euros par an pour le service.
Quelques mois après le lancement, les fondateurs du Compte-Nickel ont remarqué que le pouvoir d'achat de leurs clients était plutôt élevé, très loin de la cible initiale, normalement constituée d'interdits de comptes et de personnes sous-bancarisées. L'une des explications est que beaucoup de personnes utilisaient cette carte pour faire des paiements en ligne. Cela réduit le risque de fraude, car la carte ne peut être à découvert. Leurs cartes bancaires classiques étaient utilisées dans les commerces de proximité (Payer des courses etc). Autres explications : la mobilité de la population, l'immigration etc... Bref, les usagers à forte mobilité préfèrent cette carte. Aujourd'hui, le syndicat des buralistes de France a pris une participation dans le capital du Compte-Nickel, estimant que cela ramenait plus de prospects dans les bureaux de tabac.
Du haut de ses 300.000 clients, cette start-up a de quoi déranger les purs-players de la banque traditionnelle sur Internet. Elle a d'ailleurs refusée des rapprochements avec des banques classiques. L'un de ses fondateurs a été pendant un moment à la tête de Boursorama, la première banque en ligne en France, qui figure dans le top 3 européen.
On peut imaginer l'arrivée de ce type d'entreprises au Maroc, mais la déréglementation annoncée par Bank-Al Maghrib devra être poussée encore un peu plus pour justifier l'investissement des sociétés spécialisées dans la technologie. Quoiqu'il en soit, "les comptes sans banques", vont révolutionner la pratique bancaire et pousser les établissements de crédits à plus d'innovation. Tant mieux pour nous, consommateurs.
Adil Hlimi