En 2023, le Maroc ne représente qu'une modeste part de 0,5 % du total des levées de fonds réalisées en Afrique, selon les données fournies par "Africa: the Big Deal".
Max Cuvellier Giacomelli, Co-fondateur de la newsletter et de la plateforme de données qui surveille le financement du capital-risque et des startups en Afrique, ainsi que la ressource de référence pour les investisseurs sur le continent, commente pour nous ces statistiques au titre de 2023.
Boursenews: Quelles sont, selon vous, les principales raisons qui ont contribué à ce montant relativement faible levé par les startups au Maroc par rapport à d'autres pays africains?
Max C.C: Selon nos chiffres, le montant investi dans des start-ups en Afrique en 2023 (dette+equity) a reculé de 39% par rapport à 2022 (de 4.6 milliards de dollars US à 2.9 milliards). Durant la même période, nous avons enregistré une contraction des investissements au Maroc de 45% (17m$ en 2023 par rapport à $32m en 2022). Il est intéressant de noter qu’à l’échelle du continent, on a enregistré une forte progression de la quantité de dette levée par les start-ups (par opposition à l’equity). Toutefois au Maroc, sur les 20 deals de plus de 100k$ que nous avons recensés en 2023, aucun ne mentionne de dette. On pourrait donc être tenté de comparer la performance du Maroc (-45% YoY) non pas à celle du continent en termes de dette+equity (-39% YoY comme indiqué ci-dessus), mais plus spécifiquement à l’évolution du montant d’equity levé (-57% YoY).
Boursenews: Existe-t-il des obstacles spécifiques ou des défis particuliers auxquels les startups marocaines sont confrontées lorsqu'elles cherchent à lever des fonds?
Max C.C: Nous ne sommes pas des experts du contexte marocain, mais il semble que le climat mondial de ralentissement des investissements dans les start-ups ait beaucoup joué dans la baisse d'activité enregistrée dans la majorité des pays du continent. Ceci dit, le Maroc a des atouts qui peuvent laisser espérer une dynamique positive sur le plus long terme. Citons par exemple sa position géographique et stratégique qui peut lui permettre de prétendre à des investissements de la part d’acteurs africains, européens et moyen-orientaux; la force de sa diaspora; et l’implantation locale d’investisseurs tels que UM6P Ventures, AfriMobility ou Outlierz Ventures.
Boursenews: Parmi les 17 M$ levés par les startups marocaines, pourriez-vous identifier le secteur qui a concentré la majeure partie de ces financements? Y a-t-il des domaines spécifiques au Maroc qui ont connu des levées de fonds plus importantes, ou cette tendance est-elle répartie de manière équilibrée?
Max C.C: Les volumes d’investissements sont encore trop faibles pour pouvoir élaborer des tendances significatives en termes de secteurs. On peut toutefois noter qu’en 2022 et 2023 les deux secteurs qui ont dominé les investissements en Afrique - Fintech et Energie avec 70% du financement total levé - ont représenté à peine plus de 10% des investissements au Maroc. Agriculture, Education et Logistique ont attiré plus de financement en 2023, après une année 2022 marquée par le poids du Retail (Chari…) qui avait attiré 50% du capital levé.
Boursenews: En se basant sur votre analyse à l'échelle africaine, quels sont les principaux facteurs de réussite qui stimulent les levées de fonds et les investissements dans les startups?
Max C.C: Beaucoup de facteurs rentrent en compte dans la décision des investisseurs, à la fois au niveau macroéconomique (stabilité économique et politique, réglementation, soutien des autorités au développement de l'écosystème start-up…) et spécifiques à chaque transaction (qualité de l’équipe, taille du marché adressable, capacité à répliquer le modèle dans d’autres géographies…). Les investisseurs cherchent aussi à évaluer la faisabilité d’une “exit” à moyen- ou long-terme. Dans ce domaine, même si la relative ‘jeunesse’ de l’écosystème africain peut jouer en sa défaveur, certains signaux forts ont été lancés à la communauté des investisseurs avec par exemple l’exit record d’InstaDeep l’an dernier.
Propos recueillis par Mokhliss R.