Cet article a été publié initialement après la 3ème édition des Rendez-vous de Casablanca de l'assurance en 2015. Nous le mettons à jour suite à la cession d'Attijariwafa bank d'une part de sa participation indirecte dans Wafa Assurance à la holding SNI. De gauche à droite : Mohammed El Kettani, PDG d'Attijariwafa bank // Ali Harraj, PDG de Wafa Assurance. Boursenews.
Intervenant lors des Rendez-vous de Casablanca de l'assurance, le PDG d'Attijariwafa bank a donné sa vision des risques qui rodent autour de l'industrie bancaire africaine. Risques systémiques, risques « importés », tout y passe. Tour d'horizon.
"L'écrasante majorité des banques sont contrôlées par des assurances. Ce sont des industries qui produisent et gèrent des risques. C'est cela leur métier". C'est ainsi que Mohamed El Kettani a démarré son intervention au Rendez-vous de Casablanca de l'assurance où il devait exposer les risques systémiques auxquels doivent faire face ces deux industries dans le contexte mondial actuel. Les interactions sont de plus en plus importantes entre les deux secteurs alors que les risques ne font qu'augmenter.
El Kettani a dressé un tableau plutôt sombre de la conjoncture mondiale : Aléas financiers, dérèglements climatiques et volatilité des marchés doivent pousser les entreprises à être plus globales, selon lui. Elle doivent chercher constamment à se diversifier. D'ailleurs, "l'importance systémique est telle aujourd'hui que l'immolation d'un jeune tunisien désespéré a provoqué une dégradation de la qualité des actifs sous gestion dans toute la région", a-t-il dit, en rajoutant que le terrorisme et la volatilité des matières premières compliquent davantage l'équation.
Au final, les origines sont différentes mais les impacts similaires. Pour le président de Attijariwafa bank, ces impacts doivent être gérés par les banques et les assurances... Mais en partie seulement. Car les fonds propres ne sont pas disponibles à l'infini, faisant ici allusion à l'importance de la solidarité nationale pour faire face aux catastrophes naturelles notamment. Sujet central d'ailleurs lors de cette troisième édition.
La crise chinoise et ses conséquences sur les prix des matières premières, dont le pétrole, a également un impact systémique qu'il faudra gérer. Enfin, le contexte de baisse des taux crée à la fois une baisse des rendements des actifs bancaires ainsi que ceux des assurances avec à la clé le risque de voir se déclencher une bulle obligataire sans précédent.
Bref, un tableau sombre qui a déjà fait des victimes en Europe avec 100.000 licenciements dans le secteur bancaire et une capitalisation boursière en baisse de 420 milliards de dollars pour les 8 premiers groupes bancaires européens, rappelle le président de la banque.
Des conséquences sur les pays du Sud...
Nous, pays du Sud, subissons de plein fouet ces "dérèglement financiers". Cela se voit dans la liquidité des marchés financiers, les flux d'IDE et autres balances des paiement. La demande adressée à l'Afrique subsaharienne faiblit alors que c'est un élément vital pour sa croissance. Beaucoup de pays de la région accusent le coup avec néanmoins des exceptions dans les pays qui ont su anticiper ces risques. La Côte d'Ivoire, par exemple, devrait afficher une croissance de 10,3% en 2016 après 9,5% en 2015. L'économie de ce pays devrait croître à un rythme annuel moyen de 9% à horizon 2020.
... Et des opportunités à saisir
"Les banques et les assurances marocaines disposent d'autoroutes de croissance en Afrique subsaharienne qui ne demandent qu'à être saisies". Le président du groupe bancaire le plus internationalisé du Royaume estime que le continent a besoin de 100 milliards de dollars d'investissements par an qui doivent être financés, alors que 600 millions d'Africains n'ont pas encore accès à l'électricité. Pour le secteur des assurances, le taux de pénétration ne dépasse pas 1% du PIB dans la région, contre 3% en Amérique latine. La bancarisation ne dépasse guère les 5% ! Pour saisir ces opportunités, il préconise de développer des produits adaptés, surtout dans la bancassurance avec des canaux de distribution simples et efficaces. L'assurance Auto et l'assurance Santé ainsi que le low income banking & Insurance doivent également être mis à profit pour capter cette croissance. Dans son intervention, Mohamed ElKettani ne sait pas attardé sur le risque de changes qui est en train de tuer à petit feu l'un de ses sérieux concurrents en Afrique subsaharienne. Il s'agit du groupe Ecobank qui après une année 2015 difficile, démarre 2016 sur la même tendance. Il faut dire que Attijariwafa bank a fait le choix d'investir dans des pays dans la monnaie est corrélée au dirham comme le FCFA dans la zone UEMOA, faisant du risque de change une composante marginale de cette cartographie des risques.
Plaidoyer pour une réglementation souple des assurances
Après son intervention, le PDG d'Attijariwafa bank a adressé un message à Hassan Boubrik, président de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale. Il y plaide pour une réglementation souple qui ne couvre pas les scénarios extrêmes. Estimant que leur probabilité de survenance étant par construction faible, demander aux assureurs de s'y préparer constamment (faisant ici allusion aux besoins en fonds propres), rendrait ces compagnies peu compétitives. Mais El Kettaninuance tout de même ces propos en insistant sur l'importance de la solidité financière des groupes à taille systémique.